Dans l’enfer des flammes
Pour son nouveau film, Pierre Jolivet plongent Roschdy Zem et Emilie Dequenne dans l’enfer des flammes.
L'été dans le Sud de la France… Bénédicte débarque dans la caserne de pompiers dirigée avec poigne et humanité par Philippe, inquiet d'une vague de feux probablement d'origine criminelle. Dès sa première nuit à la tête de l'équipe, l'adjudante sera plongée dans l'action. Ce projet a été déclenché par le souvenir d'un faits divers survenu en 2012, un incendie causé par un adolescent qui a poussé Pierre Jolivet à s'interroger sur ses motivations dans un premier temps avant de rencontrer des pompiers pour les questionner sur leur relation entre amour et haine permanent avant de réaliser que leur quotidien pouvait être un sujet passionnant. Il privilégie un style quasi documentaire pour leur rendre hommage, autant dans sa mise en scène que dans le choix des événements relatés :
« L627 de Bertrand Tavernier me revenait en tête. Il raconte la vie d’une brigade des stups, sans artifice, quasiment sans histoire. Filmer des pompiers, c’est filmer des hommes et des femmes qui s’engagent physiquement et j’ai voulu être organiquement avec eux. D’où la caméra à l’épaule. Je ne voulais pas faire un film « sur » les pompiers mais un film où on est « avec » les pompiers. J’adorerais que les spectateurs aient la sensation d’avoir été pompier pendant 1 heure 30. »
Malgré son admiration pour cette corporation, il ne les présente pas comme des héros mais plutôt comme des êtres humains imparfaits au professionnalisme sans faille. En alerte constante, ils peuvent être appelés à tout moment, où qu'ils soient. Bénévoles pour la plupart, ils ont un boulot à côté et sacrifient souvent leur vie de couple ou de famille :
« Quand leur job leur demande d’être des héros, ils le sont sans doute, mais sans états d’âme ni forfanterie. Quand ils rentrent chez eux, ce sont des hommes (et des femmes) comme tout le monde, avec les mêmes faiblesses et lâchetés... Ils n’aiment pas qu’on parle d’héroïsme, ça les met toujours mal à l’aise. Tous ceux avec qui j’ai pu parler m’ont dit la même chose : ils ont choisi ce métier d’abord pour se sentir utiles ; ensuite, parce que c’est sportif et que physiquement, ils repoussent leurs limites. On les appelle ? Quoiqu’ils soient en train de faire, ils arrêtent tout et ils foncent. Ils fonctionnent à l’adrénaline, de façon quasi addictive. Comme cinéaste, les deux facettes m’intéressaient : les filmer en train d’éteindre un incendie, de sauver une victime de violences conjugales, de décrocher une pendue... Comme de raconter les moments où, justement, ils ne sont pas héroïques. »
L'identification avec ces soldats du feu passe largement par la distribution. Roschdy Zem, qui tourne sous la direction de Pierre Jolivet pour la sixième fois, incarne une figure d'autorité, toujours bienveillant mais rigoureux dans l'exercice de son métier.
« Pierre l’a écrit en pensant à moi et dès la première lecture, j’ai senti que je n’aurais pas beaucoup de questions à me poser pour le comprendre. En revanche, il fallait trouver le bon dosage entre autorité et empathie. Philippe est le baromètre de la caserne, c’est lui qui donne le tempo. Il a quelque chose de très amical avec son équipe mais au moment où il faut entrer en action, c’est à lui de couper les liens affectifs, pour mettre tout le monde en marche. Mon travail consistait à le rendre crédible sur ces deux facettes. Il est le plus ouvert à l’autre, le plus capable d’intégrer une femme dans l’équipe et de l’imposer à tous.»
Le personnage d'Emilie Dequenne permet lui de s'interroger sur la place de la femme dans ce milieu très masculin, comme l'explique le réalisateur qui souligne aussi la dimension universelle de ce questionnement :
« Il n’y a que 5% de femmes dans les casernes. C'est très compliqué pour elles mais aussi pour les hommes, car dans l’esprit de ces derniers, le courage physique, le travail du corps, c’est encore quelque chose de masculin. Ils me l’ont dit : le fait d’être aux côtés d’une femme, sur le terrain, les trouble profondément. Ils pensent qu’elles sont plus fragiles et qu’ils vont devoir faire attention à elles et craignent donc de ne pas être à 100% de leur efficacité. On vit, à tous les étages de la société, une révolution incroyable où les femmes sont en train de se faire leur place. Forcément, ça ne se fait pas sans frictions. Mais c’est passionnant de voir les lignes bouger. »
Pascal Le Duff
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