Mon Garçon
Guillaume Canet perd son fils et ses repères dans ce thriller très, très noir… « Il est arrivé quelque chose à Baptiste...». Un tel message sur un répondeur ne peut qu'inquiéter un père lorsqu'il concerne son enfant de sept ans, disparu alors qu'il était en classe de neige. Le mariage de Julien a explosé à cause de ses nombreux voyages à l'étranger pour son travail et il n'a jamais été très présent pour son fils. Rongé par la culpabilité, il mène son enquête, persuadé de l'inefficacité de la police. L'histoire bien glauque éloigne Christian Carion de ses précédentes réalisations dont le champêtre «Une hirondelle fait le printemps» ou le film d'époque «Joyeux Noël». « Mon Garçon est un projet qui remonte à 2002. J’en avais parlé à l’époque avec mon producteur mais le sujet me faisait un peu peur. C’est quand nous avons démarré la pré-paration de En mai, fais ce qu’il te plaît que j'ai exprimé mon envie de faire un film con-temporain, avec peu d’acteurs, en français, plus simple... et avec moins de Panzer ». Le réalisateur entraîne Guillaume Canet dans ce projet audacieux, lui remettant au fur et à mesure du tournage les détails de l'histoire pour qu'il découvre tout en même temps que son double à l'écran. « En discutant du film avec lui, je lui ai dit que j’avais envie envie d’aller au bout d’une idée qui est toute simple : «Ton personnage est un homme absent, toujours à l’étranger. Il revient et apprend des choses qu’il ignorait. Est-ce qu’on peut imaginer une situation où toi, acteur, tu découvres tout au fur et à mesure ? Que je ne te donne pas de scénario ?Se-rais-tu prêt à prendre ce risque ? ». J’ai tout de suite vu que l’acteur Guillaume Canet était très excité à l’idée de vivre une telle expérience ! ». Le comédien est lié au projet depuis plusieurs années déjà et a encouragé son réalisa-teur à aller vers un tournage à l'arraché et à accentuer cette part d'improvisation. « C’est sur le tournage de Joyeux Noël qu'il m'en a parlé pour la première fois. Il m’avait juste parlé d’une histoire de disparition et d’un père qui allait essayer de retrouver son fils. Le temps a passé. Je lui demandais régulièrement des nouvelles du projet qu’il avait mis de côté parce qu’il développait d’autres films. L’été dernier, Christian m’a dit : «J’ai écrit, j’aimerais tourner à l’automne». Dans la conversation, nous avons parlé de Vic-toria, ce film allemand tourné en un seul plan-séquence que Christian m’avait conseillé. Il m’a dit que ce n’était pas possible de faire pareil. Je lui ai alors proposé : «Faisons-le en temps réel. Tu prépares tout avant, tu répètes, j’arrive et on tourne ! ». Et il m’a répondu « Banco ! » Le procédé lui permet d'accentuer la perte de contrôle de Julien en acceptant des im-provisations dans les interactions entre les protagonistes. Il fait vivre sa part sombre de son être avec une réelle intensité et une violence intérieure inquiétante, entre clairvoyance et paranoïa. Cette méthode de travail a permis à Guillaume Canet d'être dans une énergie constante : « C'était une expérience d’acteur monumentale, que je n’avais jamais vécue ! Notam-ment lors de la scène d’approche de la maison du kidnappeur. C’était un truc d’acteur de dingue parce que je n’étais pas en train de jouer mais de vivre ! Quand je suis allé à la porte, que j’ai essayé de l’ouvrir sans y arriver, Christianm’a dit de la défoncer. J’ai fait pé-ter le verrou, je suis rentré et là je me suis trouvé face à la voiture. C’était extraordinaire parce que j’ai commencé à me faire tout un film : j’ai ouvert le coffre en ayant peur de trou-ver un gamin dedans. Quand je suis monté à l’étage, je suis monté dans le noir, en trem-blant, en me disant : «Il va se passer un truc». D’autant que je voyais l’équipe dans un état de panique. Pour eux aussi c’était super excitant ! Ils savaient qu’il allait se passer un truc, et moi j’étais persuadé qu’un mec allait jaillir et me taper dessus ! ». L'histoire se déroule sur un temps resserré, ce qui accroît la tension dans cette quête désespérée. Malgré des rebondissements improbables, l'ambiance noire est prenante, avec une réelle maîtrise du suspense et le refus de se laisser aller à une apologie facile de l’autodéfense. Pascal Le Duff
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