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Au revoir là-haut

09h40 - 23 octobre 2017 - par Info Haute-Vienne

[caption id="attachment_228390" align="aligncenter" width="640"] « Au revoir la haut » de Albert Dupontel[/caption]

Un drame tranchant et insoumis signé Albert Dupontel.

Albert Maillard et Edouard Péricourt survivent ensemble aux tranchées mais ce dernier est grièvement touché par une explosion qui lui arrache le bas du visage. Après la guerre, ils se soutiennent et partagent leur quotidien, vivant discrètement dans un grenier. Le premier devient comptable, son ami se cache, défiguré, loin du monde, se faisant passer pour mort aux yeux de son père et de sa sœur. Dessinateur doué, il sculpte des masques qui lui permettent de changer de tête au gré de ses humeurs et de ses besoins. Ensemble, ils vont monter une arnaque aux monuments aux morts. Le lieutenant Pradelle, officier douteux responsable de l'assaut mené après l'annonce de l'Armistice et durant lequel Edouard fut blessé, va leur causer bien des tracas. Le nouveau long-métrage d'Albert Dupontel est son plus ambitieux à ce jour. En adaptant l'ouvrage de Pierre Lemaitre, il s'emporte contre les puissants d'hier, après s'être attaqué à ceux d'aujourd'hui  dans « Bernie » ou « Neuf mois ferme ». « Je trouvais le livre extrêmement inspirant. J’y ai vu un pamphlet élégamment déguisé contre l’époque actuelle. Tous les personnages me paraissaient d’une modernité confondante. Une petite minorité, cupide et avide, domine le monde, les multinationales actuelles sont remplies de Pradelle et de Marcel Péricourt, sans foi ni loi, qui font souffrir les innombrables Maillard qui eux aussi persévèrent à survivre à travers les siècles. Le récit contenait également une histoire universelle, dans le rapport d’un père plein de remords, à un fils délaissé et incompris. Et enfin, l’intrigue de l’arnaque aux monuments aux morts créait un fil rouge donnant rythme et suspens au récit. Tous ces éléments ont fait que pour la première fois pour moi une adaptation me paraissait faisable et judicieuse. L'écriture de Pierre Lemaitre est un véritable mode d’emploi pour un scénario tant son écriture est visuelle et ses personnages parfaitement définis psychologiquement, le tout dans une narration aux rebondissements continus ». Le souffle romanesque rappelle celui de «Un Long dimanche de fiançailles» de Jean-Pierre Jeunet par l'ampleur du projet, son ancrage dans la Première Guerre Mondiale comme matrice de l'histoire, la vision critique du monde dans lequel il s'inscrit et une histoire de vengeance qui ne cesse de déjouer les attentes. Albert Dupontel compose avec simplicité un homme qui ne cherche pas à régler des comptes, alors qu'il a toutes les raisons de vouloir faire payer à l'immonde Pradelle tous ses crimes, commis pendant ou après le conflit. Il veut modestement  vivre heureux, tout en protégeant Edouard de ses démons. « Il n’était pas du tout prévu que je joue le rôle mais Bouli Lanners, qui devait endosser le rôle m’a avoué ne pas pouvoir participer à l’aventure. Je me suis résolu par nécessité plus que par désir à interpréter ce rôle. J’ai le sentiment que les acteurs s’impliquent davantage quand le metteur en scène est aussi l’un des leurs » Il a choisi une belle distribution pour s'accompagner. Niels Arestrup est le père d'Edouard, un industriel insensible qui redécouvre petit à petit son humanité à travers ses remords tardifs. Emilie Dequenne, piégée malgré elle (croit-on) dans un mariage sans amour et Nahuel Perez Biscayart, révélé en août dernier avec «120 battements par minute», confirme le talent décelé alors, même privé de la parole. « Dès le premier contact, j’ai senti qu’il y avait là un Edouard Péricourt. Son regard, sa façon de bouger, sa mine impertinente et ironique, tous les indices étaient là. J’ai été bluffé par sa maturité, la constance de son travail, son absolue rigueur sur le plateau. Il a fini par condenser tout son personnage dans son regard. Je n’avais plus qu’à le filmer. » La bienveillance constante d'Albert, son incapacité à faire du mal et les tourments psychologiques de son protégé s'opposent à un monde froid et malsain, représenté par le sinistre lieutenant Pradelle, incarné par un Laurent Lafitte éclatant de perfidie. Un monstre total, orgueilleux, qui n'hésite pas à faire commerce des morts de la guerre, ceux dont il est l'un des responsables. Un pamphlet réjouissant contre les puissants avec de l'humour, du romantisme et du suspense, combinés dans un bel équilibre. La narration en voix-off est joliment conçue, ce qui est suffisamment rare pour être souligné. « Le mélange des genres comédie – tragique repose sur la justesse d’incarnation et j’étais très bien servi par toute la distribution. Et ce mélange me paraît un bon reflet de ce que je ressens dans la vie de tous les jours. Ces montagnes russes émotionnelles donnent une épice particulière à ce genre de films. »

Pascal Le Duff

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