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10h39 - 30 octobre 2017 - par Info Haute-Vienne

Fraude à la taxe carbone : Olivier Marchal et Mickaël Youn nous initient au délit… d’initiés !

Antoine Roca est désespéré. Patron d'une petite entreprise de transports héritée de son père, il est contraint de déposer le bilan à cause d'un arriéré de TVA. Son comptable et ami Laurent Melki lui fait remarquer que s'il revend son excédent de taxe carbone, il pourra recouvrer une partie de ses dettes. De là germe alors en lui l'idée d'une escroquerie gigantesque aux conséquences tragiques. Le grand spécialiste contemporain du polar en France, Olivier Marchal, s'approprie très librement un faits divers réel qui s'est déroulé en 2007. Mickael Youn (alias Laurent) nous explique précisément la magouille... « Dans l'équipe du film, je suis le seul qui a un peu compris l'arnaque. Mais bon j'ai fait des études financières et économiques. C'est tout simplement une arnaque à la TVA, ce n'est pas plus compliqué que ça. Que se passe-t-il quand vous achetez un produit hors taxes, le revendez TTC, et déposez le bilan ? Qui a encaissé la TVA ? C'est vous ! Et si vous reproduisez ce schéma toute l'année en créant à chaque fois une nouvelle boîte, vous encaissez beaucoup de TVA. Vous n'avez même pas besoin d'être bénéficiaire sur les produits que vous vendez, puisque ce qui vous intéresse, c'est juste de gagner la TVA. Et quelque part - et c'est pour ça que ce système a pu détourner autant d'argent aussi longtemps - c'est même pas illégal. C'est malhonnête, mais pas illégal. Tous les magasins de téléphonie mobile qui ouvrent près de chez vous et ferment deux mois plus tard, c'est souvent de l'arnaque à la TVA. » Trouver le ton juste pour Olivier Marchal n'a pas été aisé. Il ne voulait surtout pas magnifier leurs actions, comme le confirme l'ex-animateur du « Morning Live » qui réussit sa plus belle prestation, non pas à renfort d'effets, mais par une retenue minimaliste, précisant aussi que ce film très noir ne se limite pas à son sujet. « Attention, il faut aussi donner envie aux gens de venir voir le film. Si on reste sur l'arnaque à la taxe carbone, on n'aura que deux ou trois profs d'économie dans les salles. Ce qui est intéressant, c'est comment ce patron essaie par une petite arnaque de sauver son entreprise et finit par tomber dans le grand banditisme en s'acoquinant avec les mauvaises personnes. C'est le destin d'un mec qui monte très haut avant de tomber dans les abîmes. Mais le personnage incarné par Benoît Magimel dans la réalité n'a aucune circonstance atténuante. Il était dans le délit d'initiés, a trouvé un jour cette carambouille et s'est dit «tiens, quelqu'un a laissé les clefs sur le coffre de la banque de France, on n'a qu'à se servir. » Olivier Marchal précise : « C'est en voyant les règlements de compte que les flics commencent à mettre le nez dans cette affaire. Huit milliards d'euros détournés dont 1,8 rien qu'en France. Nos impôts en ont un peu pâti, je pense ! Je n'ai aucune fascination, aucune admiration pour eux mais dans le film, les personnages sont sympathiques ». Le réalisateur de «36 Quai des orfèvres» s'est entouré d'une troupe solide d'acteurs : les vétérans Gérard Depardieu, homme d'affaires antipathique et méprisant et Dani, l'une des muses de Serge Gainsbourg et reine de la nuit (comme son personnage) mais aussi de la jeune génération dont Laura Smet qui croit vivre un conte de fée, Youn en comptable trop doué, le rappeur Gringe et le nouveau venu Idir Chender en frères inconscients et surtout Benoît Magimel qui montre une nouvelle fois de l'envergure dans son interprétation, admirée par Michael Youn car il a su mettre en valeur ce chef d'entreprise dépassé par sa carambouille. « Le talent d'Olivier en tant que scénariste est d'avoir créé ce personnage qui se rebelle, non seulement car il perd son entreprise mais en plus contre son beau-père qui l'humilie devant sa femme et il va perdre son fils… Du coup, on a envie de lui dire «mais vas-y, entube ceux qui ont voulu t'entuber». Dans la réalité, les personnages sont moins romanesques. C'est la magie du cinéma, on veut vous raconter l'histoire, non pas telle qu'elle s'est produite mais telle que vous avez envie de la voir. On a plus envie de raconter cette légende que la réalité car elle est beaucoup plus excitante à raconter et à voir ». S'il n'atteint pas complètement la cible d'être une version française de « A Most violent year » et n'a pas la puissance évocatrice ou d'un James Gray ou d'un Sidney Lumet, Olivier Marchal signe un film noir riche et prenant, à travers les errements d'un groupe d'errements qui se perdent dans une affaire plus grande qu'eux. Pascal Le Duff  

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