Jalouse
La jalousie est un vilain défaut… Karin Viard essaie de s’en guérir.
Nathalie Pêcheux, professeure de lettres, est divorcée. Le soir de la fête pour les 18 ans de sa fille, son ex-mari et sa nouvelle compagne affichent leur bonheur. Sa meilleure amie la soutient dans ce difficile passage, on lui présente un soupirant parfait et une enseignante motivée arrive dans son lycée. Mais rien ne parvient à atténuer sa jalousie de tous les instants et son comportement devient erratique. Les frères David et Stéphane Foenkinos («La Délicatesse») mettent en scène Karin Viard dans le rôle guère flatteur mais complexe d'une femme de plus en plus agressive avec son entourage privé comme professionnel. Sa fille, heureuse avec son petit copain alors que sa mère est célibataire, prépare un concours de danse classique. Elle est la première (mais pas la dernière) à faire les frais d'un comportement détonnant. Un rôle en or pour Karin Viard. « J’ai immédiatement été tentée par le rôle. On nous raconte souvent des histoires de femmes qui abordent la cinquantaine en ayant envie de coucher avec des hommes plus jeunes, ou d’autres qui sont tout simplement au bout du rouleau. Ici c’est un personnage complexe, comme je les aime, qui n’est pas doté d’une seule couleur. Puis j’ai trouvé le script très bien écrit, avec des rôles secondaires fouillés et un thème finalement assez peu traité. J’aime aussi le titre plutôt punchy qui définit d’emblée le personnage. Nathalie est une femme jalouse, mais pas seulement de sa fille, de tout le monde. Elle a des convictions et trouve évident de les formuler. Mais elle est sans filtre, jamais freinée par le regard social. Elle est la seule à ne pas être choquée par certains de ses propos. Quand elle dit à sa meilleure amie qu’elle a de la chance que sa fille soit « ingrate », elle l’énonce comme un constat et ne comprend pas que ce soit blessant. En tout cas, pas dans un premier temps ». Plus qu'une comédie hilarante sur les excès d'une femme jalouse, il s'agit d'un regard bienveillant, mais sans concessions, sur une femme qui sombre dans une dépression qu'elle peine à assimiler, comprenant que quelque chose ne va pas mais incapable de contrôler ses pulsions hostiles. « Ce rôle me permet de jouer autre chose que la jalousie, fouiller ailleurs pour comprendre le sentiment qui préexiste. La jalousie est une émotion complexe, tellement souterraine qui renvoie à notre fragilité. C’est peut être lié à l’enfance. Et puis je trouvais réducteur de tout ramener à ça. D’autant que le problème du personnage est plus large. Ma démarche a été, scène après-scène, d’étudier les situations pour trouver la vérité de ce qu’elle vit, ce qu’elle dit. Son mari par exemple, elle ne l’aime plus, et pourtant, elle jalouse sa nouvelle compagne. D’une manière générale, j’ai évité de porter sur mon personnage un regard moral ». Les seconds rôles bien choisis atténuent le côté caricatural de certains personnages comme l'amie trompée campée par Anne Dorval, la « Mommy » de Xavier Dolan. La rivale au travail énervante car elle veut trop bien faire est jouée avec simplicité par Anaïs Demoustier, la remplaçante auprès de son ancien compagnon, l'amusante Marie-Julie Baup, dépasse le côté bécasse attribué à son personnage qui prend tout au premier degré. Karin Viard salue leur collaboration, ainsi que celle de leurs partenaires masculins. « Le casting est particulièrement bien réalisé. L’admiration que j’ai pour l’actrice Anne Dorval ne s’est pas éteinte en la rencontrant. Elle est à la fois sombre et très drôle. Cela nous a rapprochées. Il faut un terrain commun si on ne veut pas jouer l’amitié de façon convenue. Interpréter le rapport amoureux avec quelqu’un que je n’aime pas, je peux le faire. Mais l’amitié avec une fille avec qui je ne partage aucune complicité m’est difficile. Anaïs Demoustier, je la trouve amusante, j’aime son visage, j’adore sa façon de jouer : futée, précise. J'avais tourné avec Thibault de Montalembert en 1999 dans le premier film de Michel Hazanavicius, Mes amis. On s’était follement amusé. J’étais vraiment heureuse de le retrouver. C’est un homme charmant. Bruno Todeschini est totalement libre dans sa masculinité. Il n’a pas peur de sa féminité. Ça le rend perméable. Beaucoup d’acteurs tiennent à s’affirmer, genre « Je suis un homme ». Lui non. Ce qui est rare ». Cette chronique au ton léger mais aux connotations dramatiques sur une dépression inexorable d'une quadragénaire confrontée à son âge accumule à l'excès les situations pénibles mais touche souvent juste. Le scénario et l'interprétation souvent touchants, voire bouleversants dans l'universalité de ses thèmes, atténuent les quelques facilités d'écriture.Pascal Le Duff
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