RCF Limousin : Dany Laferrière dans « Vies d'Envies »
Humilité, générosité, sensibilité, fidélité, sont des mots qui caractérisent parfaitement Dany Laferrière. On ajoutera le sourire, la voix et la poignée de main. Un sourire affable, habité et touchant. Une grosse voix sonore et émouvante. Une poignée de main franche et ferme. Adoubé en 2013 au fauteuil n°2 de l'Académie française où il succédait à Hector Bianciotti, devenant le deuxième académicien noir après Léopold S. Senghor en 1983, écrivain talentueux et estimé couvert de prix, docteur honoris causa de six universités, il n'aurait jamais oser rêver une telle destinée, lui, l'enfant de Port-au-Prince né en avril 1953, condamné à voir son père, alors jeune maire de la capitale haïtienne, poussé à l'exil à New York du fait des menaces que faisaient peser sur lui les tristement célèbres « Tontons Macoutes », les liquidateurs du despote François Duvalier, surnommé « Papa Doc ». D'une enfance rurale vécue, par peur des représailles, chez sa grand-mère Da à Petit-Goâve, enfance dont il tirera en 1991 « L'odeur du café », il se nourrira des préceptes qui guideront sa vie, basés sur la soif d'apprendre, la sagesse et le respect dû à la nature et à autrui. Jeune journaliste, sa vie basculera lors de l'assassinat de son meilleur ami, Raymond Gasner, jeune reporter lui aussi, éliminé en 1976 par les « Tontons Macoutes » alors qu'il couvrait la première grève en Haïti. Sur les injonctions de sa mère le sentant à son tour ciblé, Dany Laferrière quitta précipitament son île pour Montréal où pendant dix ans, « humilié par le froid », il allait vivre de petits boulots mais trouver une énergie nouvelle avant de franchir le cap de l'écriture. Bien lui en prit : en 1985, son premier roman, « Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer » - une satire des clichés et stéréotypes racistes et une joyeuse description de la bohème - allait lui valoir une notoriété internationale immédiate. Une trentaine d'autres récits suivront dont certains couronnés ici et là (un Médicis pour « L'énigme du retour ») ou adaptés au cinéma (« Vers le Sud », etc.), jusqu'au tout récent « Autoportrait de Paris avec chat », une délicieuse déambulation manuscrite, illustrée par l'auteur lui-même. Sous la lumière inspiratrice de Jorge Luis Borges, James Baldwin, Chester Himes, Henry Miller, Charles Bukowski, Aimé Césaire, René Depestre et Ernest Hemingway, Dany Laferrière poursuit sa route enchantée de conteur inspiré, se définissant comme « un lecteur qui écrit et qui partage un goût immodéré pour la lecture » et pour qui, « écrire est une fête intime, un plaisir, un privilège ». Président du récent « Lire à Limoges », il se raconte avec émotion, fierté et humour dans ce « Vies d'Envies » exceptionnel où l'histoire en minuscule et en majuscule (esclavage, colonialisme, indépendance, séisme dévastateur du 12 janvier 2010...) se toisent et se croisent... « Vies d'Envies », de Chris Dussuchaud, sur RCF Limousin : jeudi 17 mai de 20 h à 22 h, rediffusion dimanche 21 de 16 h à 18 h (99.6 à Limoges, 100.2 à St-Yrieix, 107.4 à Bellac, 105.8 à St-Junien, 95.8 à Guéret, 89.4 à Aurillac, 91.4 à Brive, 106.9 à Tulle et Egletons, 102 à Ussel, 89.3 à Argentat). Photo © JF Paga / Grasset
0 commentaires