Une année polaire
Un Danois au Groenland : choc des cultures devant la caméra de Samuel Collardey, expert en fictions ancrées dans le réel.
Pour son premier poste d’instituteur, Anders choisit l’aventure et les grands espaces: il part enseigner au Groenland, à Tiniteqilaaq, un hameau inuit de 80 habitants. Dans ce village isolé du reste du monde, la vie est rude, plus rude que ce qu’Anders imaginait. Pour s’intégrer, loin de ses repères familiers au Danemark, où ses parents espéraient le voir reprendre la ferme familiale, il va devoir apprendre à s'adapter à cette communauté. Après «Le Voyage au Groenland» de Sébastien Betbeder, cette contrée froide et reculée semble inspirer les cinéastes français pour des films humanistes et plus chaleureux que les contraintes de la météo. Pourquoi le Groenland d'ailleurs ?
« Mon producteur et moi avions envie de revenir à l'esprit de mes premiers courts-métrages et de L’Apprenti : des films très documentaires, qui se passent en milieu rural, au sein de communautés isolées, proches de la nature. Catherine Paillé, ma coscénariste et un ami ingénieur du son m'en ont parlé. Je ne connaissais ni le pays, ni la culture inuite. Nous avons décidé, Grégoire et moi, de faire un premier voyage en avril 2015 et avons d'abord contacté Nicolas Dubreuil, qui est un peu "le" spécialiste français du Groenland. Il nous a conseillé d'aller visiter la côte Est, plus accessible, mais moins peuplée et plus sauvage. Nous avons d'abord eu du mal à rentrer en contact avec les gens, ce n'est qu'à la fin du voyage que nous avons rencontré Julius, qui, dans le film, est l'employé municipal chargé d'accueillir Anders. Au deuxième voyage, nous avons passé trois semaines ensemble, en visitant les autres villages de la zone. Mais nous avons choisi de tourner le film à Tiniteqilaaq et nous y sommes retournés à deux reprises, pour essayer de comprendre le pays et ses habitants, d'y trouver une histoire, en prise avec le réel ».
Après le futur fermier de «L'Apprenti» et le marin pêcheur de «Tempête», Samuel Collardey mêle donc à nouveau le documentaire et la fiction en faisant rejouer des éléments de sa propre vie à un jeune danois qui pense donner un sens à sa vie en s'éloignant de sa terre natale. L'idée de filmer un candide débarquant sans savoir où il mettait les pieds s'est imposée grâce aux circonstances de la vie sur place :
« Lors du dernier voyage de préparation est revenue une idée présente dès le début, celle de filmer l'instituteur, qui est vraiment le cœur du village, comme en France dans les petites communautés. Mais l'institutrice de « Tinit' », comme on l’appelle, était une vieille dame proche de la retraite, qui habitait avec ses enfants. Pas un personnage très convaincant... Au mois de mai 2016, elle nous a annoncé que son contrat s'achevait et qu'un nouvel instituteur allait arriver. Là, ça devenait plus intéressant : l'étranger qui arrive dans le village, doit trouver sa place, se confronter à une autre culture. Un dispositif classique, mais efficace. Nous avons discuté avec les gens du rectorat danois qui nous disaient qu'envoyer un jeune, c'était prendre le risque qu'il reparte très vite, parce que le boulot est dur. Ils envoient plutôt des gens proches de la retraite... Et puis, le recteur m'a montré la photo d'Anders, qui lui paraissait solide. Le plus bizarre dans ce dispositif, c'est qu'au fond je ne connaissais pas celui qui allait être le personnage principal de mon film ! Nous avons passé deux jours ensemble au Danemark, et je ne l'ai retrouvé ensuite que sur le tournage, en novembre 2016. Il était là depuis déjà deux mois. Nous avons planifié plusieurs sessions de ptournage : quatre sessions de trois semaines, et une plus longue en avril-mai. C'est une saison importante, parce que la lumière est revenue, la banquise parfaite, et c'est à ce moment-là que les villageois font le maximum de pêche ».
Pascal Le Duff
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