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Hyperloop : Innovation ou supercherie ?

21h46 - 09 septembre 2018 - par Info Haute-Vienne

[caption id="attachment_232291" align="aligncenter" width="800"] Projection de l’Hyperloop (© Transpod)[/caption] Le centre d’essai de l’Hyperloop, qui devrait s’installer sur la commune de Droux, a ses défenseurs et ses opposants. 

A voir les projections, l’Hyperloop donne un coup d’accélérateur au temps. On aime s’imaginer dans ce futur proche avec un moyen de transport qui laisse sur le quai tous ceux existants. Même le TGV paraît « has been ».

Durant tout l’été, Vincent Léonie, le président de l’association « Hyperloop Limoges », n’a eu de cesse d’en vanter les atouts dans les médias nationaux. Un vrai feuilleton médiatique, qui a eu le mérite d’attirer les regards vers la Haute-Vienne. Pour sûr, certains journalistes ont bien dû chercher où se situe la petite commune de Droux (et ses 364 habitants), qui devrait accueillir le centre d’essai, à la suite du dépôt du permis de construire le 10 août dernier. 

[caption id="attachment_232292" align="aligncenter" width="800"] Madeleine Saillard, la maire de Droux, remplissant la demande de permis de construire[/caption]

PARADOXE

« Le nord du département est un territoire agricole, censé être éloigné de tout, en difficultés économiques. Or, un projet innovant, avec le centre d’essai, va s’y installer, ce qui laisse apparaître un total décalage. L’Hyperloop est un mode de transport de demain alors même que ce territoire est aujourd’hui oublié des transports. Pas de TGV, un train qui a vu ses lignes se dégrader, pas de doublement de la RN 147, un aéroport pour lequel il faut se battre. Il s’agit donc bien là d’un paradoxe, explique Vincent Léonie. Le nord de la Haute-Vienne est un territoire qui pourrait être qualifié par certains d’un peu hors du temps. Or, l’Hyperloop est la technologie la plus innovante du début du XXIe siècle. Nous sommes donc disruptifs ».

Audacieux, visionnaire ou encore proactif ? Le président de l’association lance : « La plus grande piste d’essai de l’Hyperloop à Droux, c’est une belle histoire, sans raconter d’histoires, tout en voulant écrire l’histoire ».

[caption id="attachment_232293" align="aligncenter" width="800"] Vincent Léonie, le président d’« Hyperloop Limoges », a présenté le projet dans de nombreux médias nationaux[/caption]

PERMIS BLANC

L’instruction du permis de construire devrait être terminée à la fin du mois de novembre. Actuellement, une étude (accessibilité, environnement…) est menée par la Préfecture. Des résultats qui n’inquiètent pas particulièrement. En effet, TransPod, l’entreprise canadienne porteuse du projet, a proposé un permis de construire « blanc » afin de gagner du temps et d’éviter les allers-retours.

BUDGET

En parallèle, le tour de table financier continue afin de rassembler les 20 à 21 M€ nécessaires pour le centre d’essai. Pour l’heure, 50 % de la somme a été réunie, provenant à 100 % de fonds privés. Seul apport public ? Le Département a mis à disposition le terrain. Mais Sébastien Gendron, le fondateur de TransPod, s’est engagé à sa remise en état à la fin de son utilisation, et à participer à la construction du chemin de randonnée, qui était initialement prévu. 

[caption id="attachment_232295" align="aligncenter" width="781"] Sandrine Tuyeras, la présidente de l’association des commerçants du HLeM avec Nicolas Chambinaud, le vice-président[/caption]

COMMERÇANTS

Pour l’association des commerçants et artisans du Haut Limousin en Marche, le centre d’essai est l’occasion d’« une mise en avant et une promotion du territoire. Nous sommes très fiers d’avoir des porteurs de projet à dimension internationale qui veulent investir dans notre territoire rural. Il a été évoqué à plusieurs reprises qu’il serait fait appel aux entreprises locales, qui seraient privilégiées. Nous espérons que cela puisse avoir des répercussions économiques sur les commerces et l’activité de la région, souhaite Sandrine Tuyeras, la présidente, qui ne manque pas de préciser : « L’Hyperloop est un pied de nez à l’enclavement du Haut Limousin, où il peut se passer des choses futuristes, modernes, tournées vers l’avenir ». 

[caption id="attachment_232294" align="aligncenter" width="780"] Le conseiller régional Jean-Louis Pagès est opposé au projet (© Christine Moisson/Turbulence)[/caption]

OPPOSANTS

Malgré cet enthousiasme, le conseil régional Jean-Louis Pagès ne mâche pas ses mots : « L’Hyperloop est une fausse bonne idée, une pompe à fric et une supercherie ». Il est sceptique quant à la technologie même, le vide d’air étant selon lui problématique : « Les pods sont des capsules dans les mêmes conditions de dépressurisation que les avions, qu’on envoie à des vitesses folles dans un pipeline. Que se passera-t-il en cas de panne ou d’arrêt ? Il demeure des problèmes de sécurité colossaux. Et s’il y a un ‘‘trou’’, une dépressurisation brusque ? ».

Le coût est également à l’origine d’interrogations : « C’est un projet à plusieurs dizaines de millions d’euros au kilomètre. Un Limoges-Paris en Hyperloop coûterait 4 milliards d’euros. Chaque passager devrait débourser 10.000 € par billet ! ».

Pour l’élu écologiste, l’environnement est également au coeur de ses préoccupations : « On imagine deux pipelines surélevés par des murs en béton, avec des voies d’accès nécessairement très larges ». Au-delà de la prise en compte d’un paysage accidenté, de la sensibilité du corps à l’accélération, des cadences, il qualifie l’Hyperloop de « délirant, sauf à une vitesse raisonnable mais alors pourquoi ne pas garder le TGV ? ».

Quant à l’installation du centre d’essai à Droux, il est tout aussi critique : « On nous parle de tests à grandeur réelle, mais c’est juste impossible au vu des dimensions. Puis à quoi peuvent servir des tests sur une technologie dont on sait qu’elle ne peut pas marcher ? Certes, des ingénieurs vont arriver au centre d’essai, et après leur départ ? Il restera quelque chose qui ne permettra pas de bâtir une économie de territoire pérenne ». 

Anne-Marie Muia

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