Régine Rossi Lagorce « Noël d’antan en Limousin : pas de plats différents mais on rajoutait à l’ordinaire »
[caption id="attachment_233546" align="aligncenter" width="800"] « Toutes les traditions viennent du monde paysan »[/caption] Auteur et chroniqueuse culinaire sur les ondes de France Bleu Limousin, Régine Rossi Lagorce nous raconte le Noël d’antan en Limousin. Info Haute-Vienne : Quels étaient les plats cuisinés à Noël en Limousin au XIXe et début du XXe siècle ? Régine Rossi Lagorce : Juste avant les fêtes, on tuait le cochon pour faire du boudin. Pour l’occasion, on rajoutait des châtaignes afin que ce soit plus festif. Avant de partir à la « messe », la soupe était devant le cantou, avec du pain trempé et beaucoup, beaucoup de fromage. Si bien, qu’une cuillère pouvait tenir debout dedans. D’où le nom de soupe à la fourchette ! Il y avait également des terrines avec des foies de volaille au porto ou au madère, ou encore le pâté en croûte, avec sa croûte protectrice pour le tenir au chaud, qui ne ressemblait donc en rien à celui qu’on achète aujourd’hui en supermarché ! Dans les campagnes, on ne faisait pas du pain tous les jours. La veille de Noël, il fallait moudre du blé pour préparer le pain de Noël. On ne le mangeait pas, on le laissait rassir. Quand une personne ou une bête était malade, on le mouillait et on lui donnait pour la soigner. Plus tard, il a ressemblé davantage à un gâteau : on y a ajouté du miel, puis quelques épices qui sont arrivées très rapidement en Limousin. En fait, on ne cuisinait pas des plats forcément différents mais on rajoutait à l’ordinaire. Info : Qu’en est-il de la fameuse dinde de Noël ? R.R.L. : Pour Noël, le métayer offrait sa plus belle volaille à son maître. Les paysans la farcissaient car cela faisait plus à manger en y ajoutant, à la fin du XIXe siècle, de la viande pour une préparation plus « raffinée ». Il faut savoir que pour eux, la volaille n’était pas considérée comme de la viande. Info : Existait-il des desserts de Noël ? R.R.L. : Jusqu’à la fin du XIXe siècle, il n’y avait pas de dessert en fin de repas durant l’année, si ce n’est la caillade ou la compote. La bûche avant d’être au chocolat était une vraie bûche en bois, souvent en aubépine. On la mettait à brûler avec des morceaux de bois de l’année passée et elle devait brûler ainsi jusqu’à l’Epiphanie, c’est-à-dire le 6 janvier. Il n’y avait pas franchement de desserts de Noël. En revanche, dès le XVIIe siècle, on mangeait des pralines, de Noël à l’Epiphanie : l’un des seuls luxes qu’on achetait. Sous forme de bonbons, dans les brioches ou en tarte. Les familles qui n’avaient pas suffisamment d’argent pour s’en payer, rajoutaient des noix ou des noisettes. Info : Les traditions paysannes ont largement influencé celles des gens plus aisés… R.R.L. : Toutes les traditions viennent du monde paysan, avec toujours une petite différence. Ainsi, pour se démarquer et donner un air de fête au boudin, on a inventé le boudin blanc plus noble. La soupe est devenue un velouté de butternut avec des cèpes, du foie gras. Info : Existait-il des rites spécifiques ? R.R.L. : Le 24 décembre au soir, tout le repas devait être prêt avant de partir pour « la messe de minuit », qui était plutôt un rassemblement extérieur, même si on n’était pas pratiquant. Avant, on déposait au-dessus de l’armoire dans la chambre, un morceau de bois, ou de charbon, ou de pain, suivant les régions et les traditions, pour se protéger et protéger la maison. En fait, la veillée de Noël ressemblait à toutes les autres veillées. Les cadeaux étaient plutôt sous forme d’étrennes données en janvier. Info : Quid du Père Noël ? R.R.L. : Il y avait la légende de l’homme de l’hiver, dont l’arrivée est incertaine… 11 ou 15 novembre, peut-être 1er décembre ou à Noël. Il était grand, avec une grande barbe et de grandes mains, avec une capuche, une cape et un sac en bandoulière, duquel il jetait de la poudre. Ainsi, le gel, la neige et le froid arrivaient, le froid permettant à la terre, aux animaux et aux hommes de se reposer. En tout cas, il ressemble beaucoup au… Père Noël ! Propos recueillis par Anne-Marie Muia Photo : Yves Dussuchaud
0 commentaires