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La souffrance morale de la personne âgée

20h39 - 27 janvier 2019 - par Info Haute-Vienne

Ça va, mon vieux ? Si vous dites cela à un jeune, il va trouver cela affectueux. A priori. Si vous interpellez une personne âgée ainsi, il risque de mal le prendre. Surtout si le ton de votre propos sonne méprisant. Comme le disait Jean D’Ormesson, alors très âgé : C’est quand on vous dit qu’on vous trouve jeune, que vous comprenez que vous êtes vieux. La vieillesse rime trop facilement avec tristesse dans l’esprit des gens. Ces mêmes gens qui vont trouver qu’un individu déprimé doit se prendre en charge, se secouer… Plus on avance en âge, plus il est possible de nous entendre répéter qu’on n’a pas le moral. Il est vrai qu’en entrant dans le troisième âge, les aléas de la vie sont plus fréquents et peuvent parfois s’enchevêtrer. Dans le malheur, toute personne réagit. Paradoxalement, trop de monde pense qu’il est honteux de craquer moralement. On risque même, si cette souffrance morale est trop parlante, d’être pris pour un « fou ». Pourtant la détresse morale s’associe à des idées, des émotions et des sentiments qui, bien qu’ils soient négatifs, sont accessibles à des soins, à condition qu’ils soient bien pris en considération. Bien plus que si la personne âgée n’est pas en capacité de mentaliser son désarroi qui va s’exprimer alors par des comportements préjudiciables (se mettre à boire) ou par des attaques contre son corps, qu’elle ne va pas comprendre (douleurs, mauvais fonctionnement des intestins, cœur qui s’emballe…). Arrête de somatiser ! diront les proches. Et puis, c’est parfois un mélange de tout ça. Il s’agit d’y voir clair : c’est une déprime ! Un coup de blues ! C’est les nerfs ! C’est le stress ! Quels que soient les mots, cette détresse psychologique dans le grand âge doit être prise au sérieux. Elle vulnérabilise la personne. Elle majore sa dépendance. Sa banalisation est un des fléaux dans le domaine de la santé depuis des décennies. Le discours médical n’aide pas toujours à sa reconnaissance. Pourtant diagnostiquer, c’est traiter ? La dépression, la pathologie mentale la plus fréquente à cet âge, est souvent mal diagnostiquée et insuffisamment traitée. Cela s’explique par de nombreux obstacles qui ligotent les malades : c’est honteux ! Ce n’est pas très intéressant… C’est une fatalité… C’est compliqué à comprendre et à gérer… Il est vrai que la dépression est parfois trompeuse, se cachant derrière un masque ! Ici, elle rend peureux, voire angoissé. Là, elle rend irritable et coléreux. Ailleurs, elle fait perdre la mémoire. Il y a de quoi s’y perdre, et le pauvre médecin de famille va avoir du mal à parler d’un médicament antidépresseur, à la rigueur d’un remontant, et encore plus d’une consultation avec un psychiatre ! Mais pourtant durant son existence, toute personne peut vivre une souffrance morale, à des degrés divers. On peut parler de santé mentale comme on peut parler de santé physique. Il faut les deux pour être dans le bien-être. On peut avoir un « bon mental » jusqu’à la fin de sa vie. Une vie psychique animée est le propre de l’homme. Celle de l’homme bon sait osciller entre la joie et la peine. Celui où ce balancier cesse est capable des exactions qui minent le monde. Il reste à enterrer le mot « psychiatrie », faire fleurir le mot « médecine psychique » et réapprendre à s’aimer, jeune ou âgé.

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