« Le harcèlement moral touche tous les secteurs d’activités »
00h00 - 25 février 2019 - par Info Haute-Vienne
30% des salariés s’estiment potentiellement exposés à la souffrance au travail
[caption id="attachment_234241" align="aligncenter" width="640"] 30% des salariés s’estiment potentiellement exposés à la souffrance au travail[/caption]
Jeudi 7 mars à 18h, la CCI de Limoges et de la Haute-Vienne organise une conférence sur « Harcèlement moral et sexuel : prévenir et anticiper les accusations et réagir lorsqu’elles surviennent ». L’intervenant est Me Richard Doudet, avocat spécialisé en droit social. Interview.
Info Haute-Vienne : Quel est l’objet de cette conférence ?Richard Doudet : Aujourd’hui, 30% des salariés s’estiment potentiellement exposés à la souffrance au travail. Le harcèlement moral induit de graves conséquences au plan pénal pour les entreprises, avec 2 ans d’emprisonnement et une amende de 30 000€. Si l’employeur laisse en toute connaissance de cause le harcèlement s’installer, il peut être considéré comme complice.
Info : Le thème de la conférence parle d’anticipation. Que dit la loi ?R.D. : La loi met en place une obligation de vigilance pour les employeurs, qui doivent être pro-actifs et anticiper ces questions avec la mise en place de dispositifs pour éviter le harcèlement dans leur entreprise. Une obligation de formation des cadres à ces problématiques existe, afin qu’ils puissent « aller chercher » la plainte, et ne restent pas passifs. Avant lorsqu’il y avait une mésentente entre des salariés, le dirigeant pouvait très bien s’en laver les mains. Maintenant, ce n’est plus possible. Toutefois, une omerta perdure dans certains milieux dits « virils » et populaires comme le bâtiment ou le secteur agricole, avec des propos sexistes et homophobes…
Info : Mais finalement, qu’est-ce que le harcèlement ? Ne peut-il y avoir une forme d’interprétation de quelques mots, quelques gestes ?R.D. : Il est défini par l’article L.1152-1 du Code du travail : « Aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». La loi dit bien « ayant pour objet ou pour effet », ce qui introduit l’élément intentionnel même s’il n’est pas recherché. Le harcèlement moral touche tous les secteurs d’activités : horizontal entre collègues, vertical vers les salariés, et ascendant vers un(e) supérieur(e) hiérarchique par son équipe, qui est alors placé(e) en situation d’échec.
[caption id="attachment_234242" align="aligncenter" width="640"] Me Richard Doudet, avocat spécialisé en droit social.[/caption]
Info : Certaines méthodes de management, considérées comme « agressives » ou « intrusives », peuvent-elles être du harcèlement moral ?R.D. : C’est en effet un autre pan du harcèlement moral : le système de management harceleur qui génère systématiquement un stress. Les employeurs se doivent de faire attention à la gestion du personnel. Les arrêts « Orange » (NDLR : 35 suicides de salariés de l’entreprise se sont produits en 2008 et 2009) ont largement interpelé les dirigeants. Le risque de suicide effraie… Le projet de loi financement de la sécurité sociale (LFSS) 2019 prévoit une évolution des droits. Auparavant, un harcèlement ou un suicide imputable au travail était considéré comme un accident de travail. Depuis quelques années, la sécurité sociale peut se retourner contre les chefs d’entreprise et demander les remboursements de toutes les sommes versées. Comme les assurances ne couvrent pas le harcèlement, qui est un délit pénal, les conséquences financières pour l’entreprises peuvent être lourdes.
Info : Qu’en est-il du harcèlement sexuel ?R.D. : Le harcèlement sexuel se décline de plusieurs façons : proposer ou exiger une faveur sexuelle avec une contre-partie, faire des avances, ou laisser s’installer une ambiance « sexuée ». Il est puni de 2 ans d’emprisonnement et 30 000€ d’amende voire 3 ans d’emprisonnement et 45 000€ d’amende quand il y a abus d’autorité ou faits sur personne vulnérable.
Info : Depuis les hashtags et la « libération » de la parole des femmes, avez-vous constaté une évolution des mentalités sur le lieu de travail ?R.D. : On ne gère plus les dossiers de harcèlement sexuel comme il y a vingt ans, au début de ma carrière. Il y a un changement de monde, de paradigme : aujourd’hui, on part du salariés.
Inscription à la conférence : limoges.cci.fr
Propos recueillis par Anne-Marie MuiaPhoto : D.R.
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