Marie-Michèle Bourrat « Les parents doivent faire confiance à l’école »
Le Dr Marie-Michèle Bourrat, psychiatre pour enfant et adolescent ainsi que psychanalyste, nous livre quelques conseils pour mieux gérer la rentrée.
Info Haute-Vienne : Comment bien préparer un enfant à la rentrée ?
Marie-Michèle Bourrat : En primaire, un enfant se prépare quasiment tout seul. Lors de l’achat des fournitures, on voit bien qu’il regarde et choisit en suivant souvent l’attrait de la nouveauté, dicté par la société de consommation. Par ailleurs, le rythme de sommeil a une certaine importance. On sait que la transition entre les vacances et la reprise de l’école ou du travail est difficile tant pour l’enfant que pour l’adulte. Néanmoins, il est préférable d’éviter les obligations qui vont gréver l’ambiance. La rentrée ne doit pas être vécue comme un pensum mais l’occasion de retrouver les copains, cultiver l’envie d’apprendre…
Info : Qu’en est-il pour les collégiens et les lycéens ?
M.-M.B.: Avec les adolescents, il est nécessaire d’avoir davantage de rigueur sur les horaires et la gestion des écrans (téléphone, tablette, ordinateur) dont le nombre d’heures d’utilisation est bien trop élevé. Les heures qui précèdent minuit sont importantes pour la maturation cérébrale : se coucher à 22h ou 22h30 est souhaitable pour bénéficier d’un sommeil de qualité. Il faut parfois aussi savoir les faire aider dans une matière où ils ont un peu perdu pied sans toutefois les buter ou leur donner l’impression d’être puni, en utilisant l’informatique, les bandes-dessinées… Enfin, la fin des vacances peut être synonyme de la fin de la période « amoureuse » : le jeune peut avoir besoin d’être épaulé. Les adolescents n’ont pas forcément envie qu’on leur parle mais d’attention au quotidien.
Info : Comment faire de façon générale pour que la relation école-maison soit sereine ?
M.-M.B.: Tout d’abord, les parents doivent faire confiance à l’école, à qui finalement ils délèguent leur autorité. L’enfant s’intègrera d’autant mieux. Celui qui peut apprendre et développer l’éveil à la connaissance, pour structurer l’intelligence et les leviers pour s’en servir, c’est l’enseignant, mais il est depuis quelques années dévalorisé car tout le monde pense qu’il a des enfants « géniaux » et que l’enseignant ne sait pas faire. L’école est un lieu de scolarisation, d’apprentissage et de socialisation. D’ailleurs, la première chose qu’un enfant va apprendre à la maternelle est qu’on ne s’adresse plus directement à lui, mais que lorsqu’un adulte parle, il peut également lui parler.
Info : Quels conseils donneriez-vous aux parents afin qu’eux également appréhendent au mieux la rentrée ?
M.-M.B.: Les parents sont très angoissés par les performances, les résultats dès les petites sections, avec l’obtention du bac pour les plus grands. Ils mettent la pression sur le travail, en acceptant de se soumettre à la pression sociale. Leur angoisse peut bloquer leurs enfants. Même si les parents peuvent mettre les meilleures conditions pour que les enfants réussissent, ils ne peuvent pas les contraindre, ni s’y substituer. Je dis souvent : « Vous pouvez demander à un enfant de rester au lit mais vous ne pouvez pas l’obliger à dormir ». Il est donc nécessaire d’être lucide et d’apprécier les capacités de l’enfant à sa juste valeur. Lors de l’entrée à l’école, le maître va donc émettre le premier regard « social » d’un professionnel sur l’enfant et sur l’éducation. Les parents y sont très sensibles. L’Education nationale et les maîtres font des efforts afin de faire attention aux ressentis des parents.
Info : Quid de la gestion de l’angoisse de la séparation avec les plus petits ?
M.-M.B.: Les parents doivent encourager les enfants qui vont à l’école pour la première fois, en leur disant : « Il faut qu’on se sépare et je vais m’occuper de ce qui m’intéresse » sans spécialement préciser la reprise du travail, une façon de lui faire comprendre « Un monde t’appartient en dehors de moi et je suis libre aussi ».
Propos recueillis par A.-M.M.
Photo : D.R.
0 commentaires