« Nous sommes un peu le couteau suisse du SRPJ »
Dans le cadre des Rencontres de la sécurité qui auront lieu le 12 octobre de 10h30 à 18h à la caserne Marceau à Limoges, une scène de crime sera reconstituée. Interview du commandant Isabelle Maleyrat-Bey, chef du service régional de l’identité judiciaire au sein du SRPJ de Limoges.
Info Haute-Vienne : En quoi consiste l’identité judiciaire ?
Isabelle Maleyrat-Bey : Nous sommes là pour aider les enquêteurs à identifier les auteurs d’infraction pour les présenter à la justice, en apportant les éléments les plus objectifs possible. Chaque auteur d’infraction va laisser des traces (ADN, empreintes, fibres, odeurs…) et en apporter d’autres. Nous pouvons faire resurgir des éléments enlevés ou nettoyés, par exemple. Notre travail précis et scientifique est neutre.
Info : Comment fonctionne le service d’identité judiciaire ?
I.M.-B. : Comme nous sommes un service régional, nous couvrons les trois départements du Limousin, la Corrèze, la Creuse et la Haute-Vienne, ainsi que la Charente et l’Indre. A Limoges, nous avons un rôle particulier, auprès du service local de la police s’occupant de la délinquance de masse comme les cambriolages, les vols de voiture, les incivilités… Nous opérons également lors d’infractions plus organisées ou de préjudices plus importants, avec une atteinte aux personnes (homicides, viols, suicides, vols violents, vols avec une arme à feu…). Dans les quatre autres départements, nous intervenons en assistance du SRPJ sur des faits graves ou hors du commun. Nous avons mené 180 interventions en 2018.
Info : Tous les prélèvements sont-ils analysés à Limoges ?
I.M.-B. : La bio, c’est-à-dire l’ADN, est envoyée à Toulouse, tout comme les prélèvements « singuliers », ou encore la balistique. En revanche, les révélations de traces papillaires sont faites à Limoges. Le laboratoire, accrédité COFRAC, qui est une norme qualité, est situé dans l’aile de la police scientifique et technique de Limoges. Nos installations ont été rénovées en 2015. Il y a neuf personnels techniques et moi. Notre service est très marqué par la confrontation à la mort : nous avons besoin de beaucoup de recul et avons une vie de groupe un peu particulière.
Info : Dans quels domaines les évolutions sont-elles les plus marquantes ?
I.M.-B. : Avant, les empreintes étaient prises avec de la poudre. Aujourd’hui, nous disposons de techniques chimiques ou physio-chimiques afin d’obtenir une révélation plus précise. Nous pouvons également faire ressortir les plus récentes. Les traces sont ensuite rentrées dans le fichier autonome des empreintes digitales qui va donner des « candidats ». Puis, nous vérifions à l’oeil qu’il y ait bien 12 points identiques (des minuties). Le FEAD regroupe 6 555 220 individus au 31 août 2019, et 250.000 traces qui ne correspondent à personne. L’ADN a pris beaucoup d’ampleur : nous pouvons analyser une toute petite fraction d’ADN de contact, les appareils étant de plus en plus perfectionnés.
Info : Quid des nouvelles technologies ?
I.M.-B. : Maintenant, tout est informatisé même si les méthodes à papa, ce n’était pas mal ! La technologie est omniprésente dans notre métier : nous sommes un peu le couteau suisse avec différents outils. Nous sommes parfois obligés d’utiliser le système D, comme pour révéler une trace sur un objet métallique non poreux. L’ensemble doit être soumis à fumigation dans une armoire. Mais comment accrocher un objet rond et sans arrête ? Nous devons alors faire preuve d’imagination, d’ingéniosité. Néanmoins, quand un prélèvement est inexploitable, nous sommes frustrés car nous travaillons pour les victimes.
Info : Quel regard portez-vous sur les séries télé type « Les Experts » ?
I.M.-B. : Cette série donne une image biaisée de notre métier. Ça m’agace un peu. Nous ne sommes pas des magiciens et nous ne faisons pas de miracles en cinq minutes. Nous effectuons un travail scientifique de prélèvements puis les enquêteurs prennent la main : nous sommes un maillon de l’enquête. Notre travail est peut-être un travail de fourmi mais il est tout aussi intéressant que celui qui sort du chapeau dans les séries télé.
Propos recueillis par Anne-Marie Muia
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