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« Le maire est l’élu le plus reconnu et le plus apprécié des Français »

18h26 - 27 octobre 2019 - par Info Haute-Vienne
« Le maire est l’élu le plus reconnu et le plus apprécié des Français »
- © 1690-Isabelle-Briquet-1-P4

Il y a quelques jours s’est tenue l’assemblée générale de l’Association des maires et des élus du département de la Haute-Vienne. Rencontre avec Isabelle Briquet, la présidente.

Info Haute-Vienne : A l’échelon national, plus de la moitié des maires ont annoncé qu’ils ne se représenteraient pas en 2020. Comprenez-vous ce choix alors que 6 personnes sur 10 ont une bonne image de leur maire (selon un sondage Odexa) ?

Isabelle Briquet : Tout d’abord, il est satisfaisant de constater que le maire est l’élu le plus reconnu et le plus apprécié des Français, celui que les citoyens connaissent le mieux. Et s’il est positivement connu, c’est une belle reconnaissance du travail réalisé sur le terrain. Il est un fait que beaucoup de maires ne se représenteront pas en 2020, même si en Haute-Vienne, les chiffres seront moins élevés que nationalement. Dans le département, nous comptons de multiples communes rurales, dans lesquelles les collègues peuvent légitimement prétendre à cesser leur fonction du fait de l’âge, même si on dit que l’âge, c’est dans la tête ! Il est vrai qu’au bout d’un certain nombre de mandats, ils peuvent faire falloir leur droit à un « repos bien mérité ». Mais, d’aucuns mettent en avant le poids des responsabilités…

Info : Est-ce justement un des motifs de ce choix de non-renouvellement ?

I.B. : Certains ont été éprouvés dans l’exercice de leur(s) mandat(s), trouvant qu’il s’agit d’une lourde charge. Ils ont besoin de prendre du recul par rapport à cette fonction qui est chronophage, empiétant sur la vie personnelle. Puis, les incivilités, qui peuvent également se retrouver dans les communes de plus petite taille ou rurales, se développent différemment par rapport aux grandes zones urbaines. Elles étaient plus rares il y a quelques années. On constate des dépôts sauvages d’ordures et d’objets de toutes sortes alors que les moyens mis en oeuvre pour collecter les déchets sont faciles d’accès…

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Info : Le décès du maire de Signes cet été a-t-il eu des « répercussions » sur les maires haut-viennois ?

I.B. : Ce drame, qui ne devrait pas arriver, a ébranlé tous les élus. Ce dramatique accident a mis en lumière des comportements que nous connaissons tous et face auxquels nous sommes relativement impuissants.

Info : Pensez-vous que les responsabilités des maires (civiles et pénales) sont trop lourdes, sachant que les concitoyens sont de plus en plus procéduriers ?

I.B. : C’est une très lourde responsabilité qui concerne tous les domaines. Un maire peut voir sa responsabilité engagée à tout moment… Heureusement, elle ne l’est pas toujours. Mais les citoyens ne sont pas dupes de ce poids qui pèse sur nos épaules. Si on peut constater des comportements agressifs et procéduriers envers les élus, il y a également un comportement reconnaissant du travail qui est fait et de la responsabilité qui est la nôtre.

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Info : Vous avez d’ores et déjà dit que vous ne vous représenteriez pas au Palais-sur-Vienne. Pourquoi ?

I.B. : Je l’avais annoncé dès le début de ce mandat, qui est mon troisième, cumulé avec deux ans sur la mandature de 1995-2001. Vingt ans, c’est une génération, un temps qui me paraît correct pour réaliser un certain nombre de choses. Un temps suffisant pour ne pas s’user dans la fonction ou ne plus avoir peut-être par habitude l’ambition que mériterait son territoire.

Info : Que pensez-vous des nouvelles obligations pour les PLUi à la suite de la loi ALUR, qui ont pu faire monter le prix des terrains constructibles dans certaines communes du fait de leur rareté ? Les trouvez-vous applicables partout ?

I.B. : La loi ALUR prévoit la réduction de la consommation d’espaces qui en soi est une bonne chose. En revanche, l’application stricte de règles identiques partout tout le temps peut avoir des résultats qui ne sont pas cohérents. Pour certains textes, il faudrait tenir compte du contexte local et disposer d’une marge d’adaptations sur le terrain. Il y a le principe de réalité et la réalité de vie des communes.

Info : Comment se porte l’Association des maires et des élus de la Haute-Vienne ?

I.B. : Elle compte 193 communes et l’ensemble des communautés de communes. Seules deux communes ne sont pas adhérentes mais elles appartiennent à des intercommunalités qui le sont. Notre activité a été plutôt riche au cours de l’exercice passé. L’association met en place un bon nombre de formations, de journées d’information  ainsi qu’un renfort juridique à destination des élus, qui apprécient le travail effectué. L’assemblée générale a été l’occasion faire le point sur l’actualité législative. Force est de constater qu’elle est particulièrement riche. Depuis quelques années, nous ne sommes guère épargnés.

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Info : A ce titre, pensez-vous que les élus de proximité et donc les maires soient les parents pauvres du gouvernement ?

I.B. : A l’heure qu’il est, je ne sais pas qui peut se qualifier de « parents riches » au niveau des collectivités (rires). Celles-ci sont depuis quelques années assez mal traitées par les gouvernements. Après la baisse des dotations, nous devons faire face à des pertes de recettes importantes après la disparition de la taxe d’habitation. Si cela peut apparaître comme une bonne nouvelle pour le contribuable, la question au bout du bout est : qui paye ? Pour faire une telle économie sans la compenser par de nouvelles recettes, il faut bien trouver de l’argent quelque part. Le citoyen va rapidement se rendre compte qu’il va financer cette suppression.

Le plus grave est que cette mesure est une atteinte à l’autonomie financière des collectivités et au principe de leur libre administration. Je pense que c’est sans précédent. D’ailleurs, ces préoccupations seront abordées lors du Congrès des maires et des présidents d'intercommunalité de France, qui aura lieu du 18 au 21 novembre. En fait, c’est notre coeur d’action qui est réellement touché. Pour un maire, se dire que demain il n’aura plus les moyens d’exercer le minimum de choses pour ses concitoyens, pose question pour s’engager… Mais les alertes lancées depuis trois ans n’ont guère eu d’écho, malgré de légères avancées. Or la maille n’y est pas ! On a l’impression que les communes sont « flattées » mais parce qu’elles sont le dernier échelon de proximité pour les citoyens. Et l’État en a besoin. Je crains que d’ici quelques années, nous ressemblions à des guichets de proximité des services de l’État.

Info : Donc, plus que jamais, vous ne regrettez pas d’avoir refusé d’aller à l’Elysée l’année dernière malgré une invitation comme une soixantaine d’autres édiles ?

I.B. : J’ai répondu à la première invitation du Président de la République en 2017. L’année dernière, j’ai considéré que mes priorités étaient en Haute-Vienne.

Anne-Marie Muia
Photos : D.R
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