« L’humour est un formidable outil de résilience »
Dans le cadre de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées, la CPME de la Haute-Vienne a organisé une soirée « Tout est possible », avec une conférence de Philippe Croizon.
Info Haute-Vienne : Pourquoi avoir intitulé votre conférence « Tout est possible » ?
Philippe Croizon : Dans tout ce que je réalise, il y a toujours des gens pour me dire que ce n’est pas possible. Ce sont les 99% de pessimistes. Puis, il y a les 1% restants, qui sont constitués de mon équipe, qui croit en moi. Je souhaite pouvoir transmettre mon énergie et mon envie d’aller toujours plus loin, celle qui me pousse au quotidien.
En 1994, à 26 ans, j’ai été touché par une ligne électrique de 20 000 volts pendant que je travaillais sur mon toit à démonter mon antenne de télévision. Durant les trois mois d'hospitalisation au centre intensif et stérile des grands brûlés du CHU de Tours, mon corps carbonisé a dû subir des amputations au niveau du bras gauche, du bras droit, de la cuisse droite, et du membre inférieur gauche. En 2010, j’ai traversé la Manche et en 2017, j’ai participé au rallye Dakar avec un véhicule adapté. Avant, certains de mes rêves pouvaient faire peur. Depuis mon accident, je réfléchis à ce qu’on me dit et après les avoir accomplis, j’ai peur (rires).
Info : Vous êtes un véritable optimiste ?
P.C. : Pour moi, rien n’est impossible. Et d’ailleurs, l’Homme l’a toujours montré. Les seules limites sont celles qu’on se fixe. Mais il est vrai que tout est possible avec de l’aide, un coup de main, un coup de pouce. Le « je » n’existe pas : « on » avance ensemble.
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Info : Avez-vous du mal à supporter le regard des autres ?
P.C. : Déjà, je trouve que le regard de la société sur le handicap a changé. Il a évolué de façon positive, notamment le comportement des gens grâce à des films, des émissions grand public, ou encore la diffusion des Jeux paralympiques. Néanmoins, il est clair que la France est très en retard en termes d’accessibilité. La loi de 2005 a subi des modifications mais c’est une loi torturée. Quinze ans après, elle n’est toujours pas respectée. Il en va de même pour l’obligation d’emploi des personnes handicapées : tout employeur d'au moins 20 salariés doit employer des personnes en situation de handicap dans une proportion de 6 % de l'effectif total. Parfois, les entreprises aimeraient embaucher mais ne trouvent pas de candidats compétents. Pourquoi ? Faire des études supérieures lorsqu’on est handicapé est un véritable parcours du combattant. En fait, le mot-même de « handicap » est une catastrophe car il sous-entend non-performant, gêne…
Info : Quels sont vos projets ? D’autres défis ?
P.C. : J’anime une centaine de conférences par an. Avec l’humoriste Jérémy Ferrari, je suis entrain d’écrire un one-man show, qui s’en inspire. Il sera certainement prêt pour l’automne 2020. Les spectateurs vont faire le yoyo ascensionnel en passant du rire aux larmes. J’utilise toutes les formes d’humour, celui qui « pique » comme l’humour potache. C’est un formidable outil de résilience, qui fait du bien pour se reconstruire.
Propos recueillis par Anne-Marie Muia Trois tables rondes ont ponctué cette soirée, soutenue par l’Etat, l’ARS, Pôle Emploi, la FIPHFP et l’AGEFIPH : « Handicaps cognitifs et troubles psys : cassons les tabous ! »,
« Sport et handicap : dépassement de soi ! », et « Entreprise adaptée tremplin vers l’emploi ».
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