Le Téléthon multiplie les révolutions médicales
Trente-et-un ans après son lancement, le Téléthon a vécu l’arrivée du premier médicament de thérapie génique pour une maladie neuromusculaire. Un véritable élan pour les chercheurs de l’Institut de la vision, qui ont ouvert leurs portes à Info pour un reportage sur les travaux pour redonner la vue aux malades.
Les 6 et 7 décembre prochains, des milliers de personnes se mobiliseront autour de multiples défis destinés à récolter des promesses de dons, pour permettre aux chercheurs de l’Association Française contre les Myopathies d’avoir les moyens de multiplier les victoires sur les maladies génétiques.
Depuis son lancement en décembre 1987, le Téléthon a grandement contribué à faire évoluer les recherches sur la génétique humaine, à tel point qu’après être parvenues à identifier les gênes défaillants, des équipes médicales testent, aujourd’hui, les premiers médicaments de thérapie génique capables de produire des cellules souches pour réparer les tissus endommagés. « Le Téléthon a été un formidable accélérateur de connaissances en matière de génétique. Aujourd’hui, les chercheurs ont identifié plus de 4.000 gènes à l’origine de 5.600 maladies rares. Le Téléthon a également permis de fournir une prise en charge médicale adaptée permettant d’allonger l’espérance de vie des malades. Bon nombre de projets de médicaments de thérapie génique sont nés dans nos laboratoires », rappelle Laurence Tiennot-Herment, la présidente de l’AFM-Téléthon.
« Actuellement, huit médicaments ont dépassé le stade des essais sur des petits animaux. Et les premiers tests sur l’homme génèrent des résultats très encourageants », ajoute-t-elle. Soucieuse du bien être animal, la présidente de l’AFM-Téléthon affirme que lorsqu’il faut passer par l’étape des tests sur des gros animaux imposés par la législation européenne, ses laboratoires « utilisent toujours des animaux ayant déjà développé des maladies similaires à celles de l’homme ». A quelques jours de cette nouvelle édition intitulée « Multiplions les victoires », Laurence Tiennot-Herment espère que, malgré le contexte social tendu, la générosité des Français sera encore au rendez-vous, précisant que « 40% de la collecte se fait sur le terrain et que l’enjeu de ce Téléthon est de donner les moyens aux scientifiques de démultiplier davantage ces premiers résultats ».
Laboratoires ultramodernes
Pour y parvenir, les chercheurs disposent de laboratoires à la pointe des dernières technologies, à l’image d’I-Stem, dans lequel Christelle Monville et son équipe élaborent des cellules souches capables de restaurer la rétine de l’œil. Neurobiologiste de formation, Christelle Monville travaillait sur des maladies neurodégénératives avant de décider d’exploiter la synergie engendrée par la création, en 2005, de I-Stem et en 2008, de l’Institut de la vision. « Les spécialistes des cellules souches et de la vision ont ainsi pu lier leur intérêt scientifique pour développer des programmes communs de thérapies cellulaires qui ont très bien fonctionné. L’œil est un organe très accessible aux tests cliniques, on voit à travers et pour réparer quelques fonctions, il n’est pas nécessaire d’injecter des milliards de cellules », raconte-t-elle.
Les chercheurs ont ainsi découvert la possibilité de reprogrammer certaines souches, qui après avoir été multipliées en culture, pouvaient, par exemple, servir à remplacer l’épithélium soutenant les photorécepteurs responsables de la vision. « C’est une première étape qui devrait ensuite nous conduire à fabriquer des photorécepteurs pour réimplanter cette deuxième couche dégradée ou détruite notamment dans le cas de rétinites pigmentaires », précise-t-elle. Le laboratoire dispose pour cela de robots capables de multiplier les tests pour comprendre les mécanismes à l’origine d’une maladie. En son sein travaillent des équipes de chercheurs académiques et des chercheurs salariés de l’AFM. « Nous avons constamment besoin d’innover techniquement et notre budget grossit chaque année, surtout avec l’arrivée des premiers essais cliniques », avoue-t-elle.
Résultats encourageants
En France, deux premiers essais de ce type ont récemment eu lieu à l’Institut de la vision de Paris. Le docteur Stéphane Bertin a greffé un patch cellulaire sur l’épithélium d’un patient. « Il a fallu inventer la méthodologie et les instruments pour injecter ce greffon sous la rétine. Les résultats sont positifs, car il n’y a pas eu de rejet et les patients confirment qu’ils parviennent à nouveau à percevoir la lumière. Douze patients vont bénéficier de ces essais ». L’équipe du Dr. Bertin a également extrait le code génétique d’une protéine d’algue capable de rendre n’importe quel neurone sensible à la lumière. « Nous pensons qu’avec cette approche, des patients aveugles pourraient à nouveau reconnaître des symboles et donc lire ou détecter des mouvements. Les premiers essais cliniques destinés à tester la toxicité et l’efficacité de cette thérapie optogénétique ont déjà eu lieu chez le primate et chez quatre humains », annonce le chirurgien. Des progrès constatés scientifiquement, grâce notamment à Streetlab, l’une des sociétés de la pépinière d’entreprises de l’Institut, qui étudie le comportement des non ou mal voyants dans un lieu inconnu. « Nous plaçons des capteurs sur le sujet afin que l’ordinateur enregistre les divers paramètres lorsqu’il est confronté à plusieurs obstacles. Ensuite, nous les comparons entre eux pour calculer les différences ».
L’Institut de la vision s’inscrit parfaitement dans le pari de la thérapie génique de l’AFM-Téléthon, qui a investi près de 700 millions d’euros pour financer des centaines de recherches s’avérant très efficaces, non seulement dans le traitement des maladies rares, mais aussi de certains cancers ou maladies neurodégénatives.
Pierre-Alexandre Dory, jeune musicien souffrant de rétinite pigmentaire depuis l’âge de 8 ans, « trouve ces recherches extraordinaires et espère un jour avoir la chance de pouvoir en profiter ». En attendant, il s’implique dans la collecte des dons en organisant des concerts au profit du Téléthon.
Autant de victoires sur ces maladies que le Téléthon 2019 espère pouvoir amplifier grâce à un nouvel élan de générosité des Français.
Jacques Grare
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