Coutumes et traditions en Limousin
À l'instar de beaucoup de territoires, mais peut-être davantage dans ce pays agricole et dit enclavé, la Haute-Vienne rassemble rites, traditions et croyances liés à la mort.
Après deux à trois jours de veillée avait lieu l'enterrement. À la campagne, le menuisier livrait lui-même le cercueil, qu'on appelait plutôt la « caisse » ou le « bèra » (qui désignait le cercueil des revenants). Il était réalisé de planches neuves en châtaignier ou bois blanc, car le chêne était trop cher. Près du défunt, dans le cercueil, étaient déposés ses objets favoris, son chapeau, une bouteille de vin voire quelques gâteaux « pour le voyage » et bien sûr une petite pièce pour « payer le passage ». Jusqu'au XXe siècle, il a subsisté la coutume du « vase », bol ou petite poterie rustique remplie d'eau bénite, qui devait accompagner le mort pour favoriser son entrée au paradis.
Jusqu'au XIXe siècle, au départ du village, le cortège suivait le « chemin des morts » qui n'était pas forcément celui de la messe. Le cercueil était porté à l'épaule par quatre voisins ou des métayers mais jamais des membres de la famille. Au XVIIIe et en grande partie au XIXe siècle, l'époux ne prenait pas part aux obsèques du conjoint, ni les parents à l'enterrement de leur enfant car « cela aurait fait mourir les autres ». Ce n'est d'ailleurs qu'au XIXe siècle que les épouses ont été autorisées à assister aux obsèques de leur mari.
Le cortège marquait une première halte à la croix du village, au pied de laquelle on déposait la « caisse ». On faisait une prière, on se signait, on bénissait le corps avec une branche de buis et souvent on brisait l'écuelle/le bol.
Avec cette rupture symbolique des liens culturels, économiques et sociaux avec sa communauté, le défunt entrait en pays étranger, jusqu'à l'église et le cimetière. On évitait de « passer l'eau » sur un pont ou sur une « planche », car « cela aurait conduit en enfer ». La « levée du corps » par le prêtre aurait dû se faire au départ de la maison, mais elle était fréquemment trop éloignée. Aussi, il la faisait à l'arrivée à l'église ou dans le bourg sur la pierre des morts.
Bol brisé
L'écuelle du défunt, et plus tard son bol, déposée à son chevet avec un rameau et de l'eau bénite, l'accompagnait lors du cortège funèbre.
Avec la dernière vaisselle, elle était brisée au pied de la croix du village ou d'autres croix sur le parcours. À défaut, elle était déposée sur le cercueil ou sur la tombe. Cette pratique faisait « revenir les âmes chères ». Elle symbolisait à la fois l'offrande de nourriture des temps archaïques et le témoignage d'une présence familiale : c'était un peu comme la chaleur familiale qui accompagnait le défunt pendant « le voyage ». En effet, un bol était un objet personnel, offert par un parrain, qu'on gardait toute sa vie. Le briser montrait que l'offrande était « sacrée » (importante). Et une fois en morceaux, plus personne ne s'en servirait.
Bol sur la tombe
En Haute et Basse-Marche, le bol n'était pas brisé mais accompagnait le cortège jusqu'au cimetière. Avant la dernière guerre, on le plaçait généralement dans la tombe.
La tradition du dépôt du bol a persisté presque dans toute la Marche peut-être sous l'influence du Berry. À la fin des années 60, elle était moins observée mais toujours respectée par les Anciens.
Aujourd'hui, il y a peu de bols en vieille faïence craquelée aux motifs floraux. En revanche, on peut voir des bols plus récents en pyrex ou arcopal. Ils sont déposés sur la dalle, au pied de la stèle mais souvent derrière voire dessous celle-ci, pour « défier » la tradition ou « cacher » ces témoins de coutumes passées. Deux ou trois peuvent être emboîtés ensemble.
Repas de funérailles
Les repas de funérailles étaient, à l'origine, une manière de communier avec le défunt, plutôt que d'apporter des offrandes sur sa tombe. C'était également une façon de maintenir du lien entre les générations.
Au XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, ils se faisaient dans une auberge (en tout cas pour les familles aisées, sinon la table était dressée dans la chambre du défunt) aussi bien à la ville qu'à la campagne.
Avant de se mettre à table, les convives se lavaient les mains, ne serait-ce que symboliquement, le bout des doigts si possible dans de l'eau courante en guise de « purification ».
D'après des écrits, si l'alcool coulait à flots, les menus étaient stricts avec des plats abondants mais réduits en nombre. Le lait (apparemment que chacun apportait) et les aliments blancs entraient dans la composition de ce repas. Ainsi, en Haute-Vienne, on préparait du riz au lait, des tranches de pain blanc trempées ou des purées.
Il était interdit de se servir de métal, donc de cuillères et de fourchettes car elles pouvaient faire référence aux longs « fourgons » infernaux. Aussi, on mangeait avec les doigts dans les plats, à l'instar du Moyen-Âge. Raison pour laquelle on ne servait pas la soupe traditionnelle, la bréjauda...
En Basse-Marche, le mil remplaçait le riz jusqu'au XIXe siècle.
Le plat de résistance était habituellement composé de haricots, de pois ou de fèves.
Pompes funèbres Corbillards
C'est peut-être au XIVe siècle qu'est née la pompe funèbre, le terme « pompe » employée dans le sens « cortège magnifique ». Les crieurs de vin vendaient des objets funéraires aux plus aisés. Leur nombre a été limité par une ordonnance royale au XVe siècle. Porter un cercueil à l'épaule sur trois, quatre, cinq kilomètres était compliqué. Le véhiculer a été une avancée. La charrette était quelquefois entièrement recouverte d'un linceul et les quatre amis du défunt pouvaient porter le drap mortuaire.
Le véritable progrès a donc été, avec l'arrivée des pompes funèbres au milieu du XIXe siècle, du corbillard tiré par un ou deux chevaux. Mais il n'a guère été utilisé en Limousin avant le début du XXe.
À l'entre-deux-guerres, les corbillards automobiles, qui se généraliseront dans les années 50 au détriment des hippomobiles, sont apparus aux services des pompes funèbres municipales à Paris.
À Limoges, dès 1932, la ville s'était dotée de cinq corbillards... électriques ! En juillet de cette année, le service municipal des pompes funèbres est créé afin « d'exercer le monopole que la loi confère aux communes et comprenant le transport des corps, la fourniture de corbillards... ». S'inspirant des corbillards électriques en service à Villeurbanne depuis 1925, les élus optent pour ce matériel « innovant », chacun coûtant 70 000 francs (tout compris). À l'automne 1932 et jusque dans les années 60, les défunts limougeauds ont été transportés par ces corbillards électriques, qui en 1956, ont même conduit le maire Léon Betoulle jusqu'à sa dernière demeure !
(Source : « Retour à la terre... » de Maurice Robert. Éditions Maiade)
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