Perpétuer la mémoire des déportés
Les journées mémorielles autour de la déportation permettent de rappeler la barbarie dont ont fait preuve certains régimes. Membre du bureau de l'ADIRP 87, Sylvie Codecco insiste sur l'importance d'entretenir les témoignages des déportés aujourd'hui disparus.
Avez-vous commémoré la journée du 27 janvier ?
L'ADIRP 87 est une association de déportés résistants, qui honore plutôt le dernier dimanche d'avril, date correspondant à la libération du camp de concentration des femmes de Ravensbrück, dans lequel était internée la résistante limougeaude Thérèse Menot. Il nous est cependant arrivé, une fois, d'organiser une commémoration autour du témoignage de René Besse, qui faisait partie d'un groupe de résistants déportés à Auschwitz, l'un des principaux camps d'extermination des juifs, libéré le 27 janvier 1945. Ces témoignages directs sont d'autant plus précieux qu'ils deviennent de plus en plus rares, car les déportés disparaissent les uns après les autres.
Face à la multiplication d'actes négationnistes, comment comptez-vous perpétuer cette mémoire ?
Nous sommes là pour prendre le relais, même si c'est très difficile, car la parole des témoins est tellement indicible qu'il nous est impossible de la remplacer. Nous pouvons attester que les enregistrements de leurs récits sont authentiques, car nous y avons assisté, voire les avons parfois accompagnés lors des visites des vestiges de ces camps. Ces lieux d'horreur doivent être préservés, afin que les générations futures puissent les visiter. Ils doivent demeurer des sanctuaires, alors que certaines villes dont ils dépendent sont parfois tentées d'en utiliser quelques parties à des fins mercantiles. À Ravensbrück, il y a un lac dans lequel ont été déversées les cendres des milliers de femmes exterminées dans les fours crématoires. Les associations de déportés ont dû se mobiliser pour faire cesser l'exploitation touristique de ce lac par la commune de Fürstenberg, située en contrebas. Nous montons également des expositions avec des documents permettant de replacer la déportation dans le contexte politique de l'époque, afin de combattre les tentatives de déformer la vérité qui sont plus facilement distillées dans la population par les nouveaux moyens de communication. Il est primordial de rappeler les circonstances qui ont amené à ces actes pour éviter qu'ils ne se reproduisent.
Continuez-vous à collecter des documents sur la déportation auprès des familles ?
Nous n'en recherchons plus, mais nous orientons celles qui en découvrent souvent après la disparition d'un parent déporté à les donner à des musées afin qu'ils soient conservés dans de bonnes conditions et surtout puissent être consultés par des étudiants ou des chercheurs. Nous aimerions qu'une grande collecte soit organisée, sur le modèle de celle lancée à l'occasion du centenaire de la première guerre mondiale. Nous restons également très vigilants pour éviter que des objets liés à cette période, comme des tenues de déportés, ne soient proposés à la vente sur des sites d'enchères en ligne.
En quoi les interventions en milieu scolaire restent-elles importantes pour perpétuer cette mémoire ?
Elles l'étaient surtout lorsque les rescapés témoignaient devant les élèves. Au-delà du récit de l'horreur de leur quotidien, ils rappelaient l'importance du respect de soi et de l'autre, en dépit de ses différences, car c'était souvent la clé de la survie dans les camps. Nous perpétuons ces rendez-vous en milieu scolaire et nous continuons à organiser des voyages de mémoire pour les élèves lauréats du concours national de la Résistance et de la Déportation.
0 commentaires