Discriminations : on en parle ?
La Journée internationale zéro discrimination se commémore tous les 1er mars depuis 2014. Des victimes ont accepté de se confier.
Ils étaient tous d'accord pour témoigner mais... sous couvert d'anonymat. Comme s'ils avaient honte. Victimes de discriminations, ils ont eu peur des réactions de leur entourage professionnel et personnel. Pourtant, la honte devrait bel et bien étouffer les coupables.
GROSSOPHOBIE
Lors d'une recherche d'emploi, les femmes obèses présentent deux fois moins de chance d'être recrutées, et ont 20 % de chance en moins d'être rappelées pour un entretien par rapport à une personne mince à compétences égales. Cette discrimination est accentuée chez la gent féminine : en France, les hommes obèses sont trois fois plus discriminés à l'embauche alors que les femmes obèses le sont huit fois plus.
Et ce d'autant plus dans le secteur de la beauté. Audrey est esthéticienne, salariée d'une franchise nationale à Limoges. Elle raconte : « J'ai toujours été boulotte... en surpoids. On me répétait : ''Tu as un si beau visage''. C'en était devenu agaçant ! Durant mes études, j'ai bien eu des réflexions pour que je me déleste de quelques kilos. Puis, la recherche de stages a été un déclic : une vraie galère ! J'obtenais des entretiens et personne ne me rappelait. Une fois, une responsable a osé me dire que mon physique ne correspondait pas à l'image de son institut. Donc, pour épiler des poils et faire des masques, il fallait être mince ! J'ai déprimé. Beaucoup. Mais je me suis entêtée tout en prenant du poids. Finalement il y a cinq ans, j'ai subi une opération de chirurgie bariatrique et j'ai perdu 47 kg. J'ai trouvé un emploi et ma nouvelle patronne ne sait rien de mon passé de grosse : je suis heureuse et triste à la fois ».
Dans le milieu professionnel, les personnes obèses ont davantage de difficulté à obtenir des promotions, sont souvent chargées de tâches moins importantes ou qui ne sont pas en contact avec la clientèle, et elles sont fréquemment traitées plus sévèrement. 17 % d'entre elles ont été menacées d'être licenciées ou ont subi des pressions pour perdre du poids.
NOM ÉTRANGER
En février 2020, le plus grand testing jamais mené en France, organisé par des chercheurs de l'Université de Paris-Est-Créteil en adressant 10 000 candidatures dans 103 grandes entreprises françaises, révélait qu'un candidat portant un nom à consonance maghrébine avait 25 % moins de chances d'être engagé que s'il a un nom à consonance européenne.
À l'identique, en 2017, le laboratoire de recherche Travail, emploi et politiques publiques a conduit un testing d'une ampleur inédite. 25 040 messages demandant des informations en vue d'une visite ont été envoyés par plusieurs candidats fictifs au profil équivalent, sauf pour l'une de leurs caractéristiques : leur nom (Désiré Sambou, Sébastien Petit, Mohamed Chettouh). Les différences ont été flagrantes : relativement au candidat de référence présumé d'origine française, Sébastien Petit, celui maghrébin Mohamed Chettouh a eu 26,7 % de chances en moins de voir aboutir ses démarches d'accès au logement.
Limoges avait été alors classée parmi les « dix villes où l'intensité des discriminations est la plus forte » : si dans 83 % des cas, Sébastien Petit reçoit une « réponse non-négative », Mohamed Chettouh est soit laissé sans réponse, soit essuie un refus de la part du propriétaire.
ORIENTATION SEXUELLE
Les clichés et idées reçues sur les couples homosexuels ont la vie dure (« on ne veut pas ce genre de personnes dans notre résidence »). Pourtant, il est un lieu où le respect de la différence devrait être roi : l'école. Or, dans une commune du nord de la Haute-Vienne, un écolier n'est plus scolarisé en CM1 depuis l'automne dernier. « Il y a un an et demi, un garçon a commencé à m'embêter. Il me crachait dessus et m'a insulté par rapport à ma couleur de peau. Comme à l'époque j'avais les cheveux longs, il m'a dit que j'étais une fille... ». Et sa maman, en couple avec une compagne, de continuer : « Avec une b.... Dans la bouche d'un enfant ! Ils l'ont attaqué par rapport à mon orientation sexuelle ».
RACISME
Âgé de 24 ans, Ibrahim, originaire du Nigeria, est étudiant en alternance à Limoges dans une grande enseigne de sport depuis 2020. S'il est actuellement au rayon chaussures, il est resté deux ans durant dans celui dédié à la randonnée. « J'ai été discriminé par les clients pour ma couleur de peau et c'était flagrant : soit ils devaient penser que les personnes de couleur ne pratiquent pas la randonnée, soit que les personnes de couleur ne connaissent pas grand-chose à la randonnée. Ils ne se dirigeaient jamais vers moi et préféraient faire appel à des collègues moins expérimentés. Et finalement, quand ils avaient affaire à moi, ils reconnaissaient ma compétence ». À de multiples reprises, on pense qu'il est le vigile du magasin... « Au début, cette mise à l'écart ne m'encourageait pas à aller vers la clientèle alors que c'est mon cœur de métier. Je ne pouvais pas m'exprimer et mettre en pratique ce que j'apprends à l'école, montrer de quoi je suis capable. Heureusement, mes encadrants m'ont soutenu et motivé ».
Dans son club de foot, le jeune homme a également dû essuyer des remarques racistes, « des blagues de mauvais goût », précise-t-il, se souvenant même d'un match durant lequel un membre de l'équipe adverse a été exclu après avoir parlé de lui comme « le joueur noir » et non « le joueur numéro... ». « Je ne dirais pas qu'on s'y fait mais il faut essayer d'aller de l'avant », conclut-il.
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