Ces professeurs qui ont changé votre vie
Au mois de juin, le ministère de l'Éducation nationale et de la Jeunesse a lancé une campagne nationale de communication pour le recrutement de professeurs. L'occasion en cette période de rentrée, de savoir si vous aussi avez été marqués par des enseignants... Souvenirs.
Il est vrai que la diffusion du spot, réalisé par Eric Tolédano et Olivier Nakache (très connus pour leurs films Intouchables, Hors Normes, Le Sens de la Fête et bientôt Une année difficile), parfois jugée excessive, a pu agacer. Un presque matraquage.
Durant trois semaines, cette grande campagne de communication nationale avec pour slogan « Un professeur, ça change la vie pour toute la vie », répondait à un enjeu essentiel : donner envie aux Français d'exercer un métier porteur de sens, celui de professeur. Des professeurs auxquels elle rendait également hommage.
Et si les « Madame Falampin » existaient réellement ? Ces enseignants dont on se souvient encore des dizaines d'années plus tard ou qui ont influencé nos choix d'orientation.
ENCOURAGEMENTS
Mi Lie souhaitait « parler de M. Roy, professeur d'anglais au collège Léonard-Limosin à la fin des années 90. Je l'ai eu en 4e et en 3e. Grâce à lui, j'ai acquis de super méthodes d'apprentissage qui m'ont beaucoup servi plus tard. Il m'a aussi donné le goût des langues vivantes même si je n'ai malheureusement pas fait ma carrière dans ce domaine pour d'autres raisons. Il y a eu M. Plas à la fac, historien limougeaud reconnu et super prof, tout comme sa femme qui était une merveilleuse institutrice à l'école Condorcet ».
Sylvie Scheurer-Bourdin ose une métaphore presque poétique : « Mes enfants ont été scolarisés à Jeanne-d'Arc à Limoges : une expérience... difficile pour tous les deux pour diverses raisons. Mais, au milieu de ces difficultés, deux étoiles lumineuses pour notre fils, le plus jeune, en CE1 : Mme Bonnet juste incroyable de bienveillance, de ''chercheuse de solutions'', et en CE2, Karine Violet Guery intelligente, bienveillante, optimiste, voyant le plus... Deux magnifiques personnes qui n'abandonnent personne sur le côté ».
Et drôle de coïncidence, cette dernière a également apporté son témoignage : « Madame Dureysseix [était] ma maîtresse de CM2 à Beaupeyrat. Rigueur. Bienveillance et beaucoup d'arts plastiques, de bricolages... Elle a encouragé ma créativité et mon bidouillage. Madame Lamothe, professeur d'espagnol, [était] dans le même établissement. Une voix tonitruante, une énergie débordante et une ouverture à la culture littéraire et picturale. Un sacré personnage ! », raconte Karine Violet Guéry.
RIGUEUR
Agée de 70 ans, Chantal Gonzalo a passé un baccalauréat littéraire (A5) en 1972 au lycée Léonard-Limosin. Elle confie : « Je garde un excellent souvenir de Mme Crépin, notre professeur de français pour les classes de Seconde et Première. En Seconde, nos notes ont été effrayantes avec des 2 ou 3/20 : on écrivait comme on parlait. Elle nous a appris la rigueur, à rédiger avec les meilleurs atouts, à concentrer nos idées avec un vocabulaire précis, le plus évocateur possible... mais également à raisonner. Elle nous a secoué les méninges ! Nous avons énormément progressé dans les analyses de texte. Cela nous a servi durant toute notre vie. Elle m'a donné le plaisir de l'écriture, sans parler de la passion qu'elle avait à nous donner goût aux meilleurs écrivains ».
Celle qui est devenue greffière en chef dans la justice se remémore parfaitement « cette prof au look sévère, une petite dame avec des cheveux gris, pas maquillée. Elle n'inspirait pas la sympathie mais forçait le respect. Je ne pense pas qu'elle mesurait son impact. J'ai souvent pensé à elle et aujourd'hui encore ».
HUMANISME
Iconoclaste aux multiples casquettes (écrivain, poète, historien, photographe, intervenant sur les ondes de RCF...), Laurent Bourdelas enseigne l'histoire-géo au collège Maupassant : « Je suis redevable à beaucoup d'enseignants tout au long de mes (longues !) études et c'est sans doute en grande partie à eux que je dois d'être devenu par la suite professeur. Je pense d'abord à mes instituteurs de l'école de la Monnaie à Limoges, à la fin des années 60-début 70, MM. Ardillier et Chevalier, des humanistes qui apprenaient patiemment à leurs classes de garçons, la rigueur et de manière très sérieuse les ''fondamentaux'', à commencer par la maîtrise de la langue française, avec l'étude de l'orthographe, les dictées, les lectures, les récitations... ».
Au collège Pierre-Donzelot à Limoges, trois professeurs l'ont particulièrement marqué : « Serge Mouclier en histoire-géographie, à la fois sympathique et innovant dans son enseignement nous proposant de faire des exposés (je me souviens des recherches et de l'écriture du mien, sur le Far West américain, qui initia mon goût pour les civilisations amérindiennes). J.C. Vareille, jeune professeur de français très original et cultivé, nous donnant l'amour des textes, nous faisant écouter le discours d'André Malraux pour l'entrée au Panthéon de Jean Moulin, et nous proposant d'écrire sur un carnet des petits textes sur les sujets de notre choix. Autres professeurs de français : Mme Guillou, nous faisant jouer Molière et Jules Romain, Mme Tharaud, à la fois stricte et bienveillante, nous préparant à la Seconde et aux dissertations. En russe, M. Roy, nous inculquant règles et vocabulaire, développant notre intérêt pour cette riche civilisation ».
Ensuite, au lycée Gay-Lussac, il détaille « de nombreux bons professeurs, notamment Monique Niguès qui me fit aimer la philosophie, et M. Laumond, en hypokhâgne, pour les lettres, nous passionnant avec l'étude de Julien Gracq, de Flaubert, Stendhal ou Balzac, et Marcelle Boutique, en histoire, nous faisant découvrir toutes les subtilités du XIXe siècle ».
Puis, à l'Université de Limoges, il se souvient « des cours exceptionnels de la médiéviste Bernadette Barrière, qui me convainquit de poursuivre l'étude de cette période historique et me fit aimer Aubazine, et Gilles Le Béguec, gaulliste, brillant professeur d'histoire contemporaine à la voix affirmée, grand connaisseur des droites françaises ».
Et de conclure : « En repensant à tous ces dispensateurs de savoir (mais aussi d'éducation), beaucoup d'autres noms me viennent que je ne peux tous citer. Tous se caractérisent par leur droiture, leur culture, leur exigence, leur humanisme, tous ont su utiliser à bon escient leur grande liberté pédagogique, qui s'est progressivement restreinte par la suite ».
AIMER SON MÉTIER
Devenue professeure de philosophie, Marie-Noëlle Agniau, par ailleurs écrivaine et poétesse, a creusé ses souvenirs : « J'ai toujours aimé l'école et beaucoup certains de mes professeurs, maîtres et maîtresses. J'aimais leur amour du savoir et la manière dont chacun à sa manière le transmettait. Il me faudrait rendre hommage à beaucoup et si parce que, en ingrate, j'ai oublié pour la plupart leurs noms, leur visage éclaire désormais mon métier. Celui rayonnant de ma maîtresse de CM2 - elle avait comme on dit l'accent de Draguignan- et je fus bien triste quand elle dut en milieu d'année quitter notre école. J'aimais tellement aller en classe et c'est cela qui fut précieux avec elle : nous étions heureux - moi d'abord ».
Plus tard, en 3e, non loin de la frontière allemande, « j'entrais dans les grands textes littéraires et pleurais du désamour de Poil de Carotte. M. Samacoïts lisait si bien Stendhal et Antigone que le monde ressemblait à autre chose ».
À 17 ans, en Terminale A1 au lycée Renoir, « un grand type fin comme un ascète et toujours en costume nous enseigne la philosophie. Tantôt marxiste pascalien tantôt pascalien marxiste, il marche de long en large dans une salle comble. Je crois me souvenir qu'on est 41. Monsieur Boy a l'œil malicieux. Il a du style en tout. Une élégance. Et puis il a pour lui cette étrange discipline qui intrigue autant qu'elle repousse les plus récalcitrants. Il marche, il pense, il hésite. Il est patient. Rigoureux. Il prend son temps. Il recommence et répète ''autant que faire se peut''. Il aime son métier et ses élèves. C'est cet amour sans doute qui peut changer une vie ».
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