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Quelle intimité pour les seniors hébergés en maison de retraite ? (Dossier spécial seniors)

06h00 - 13 février 2025 - par Fanny COUTURE / Libre Service Presse
Quelle intimité pour les seniors hébergés en maison de retraite ? (Dossier spécial seniors)
Envisager l'intimité des seniors revient à mener une réflexion éthique et sociale sur les désirs d'un corps affaibli

Les établissements spécialisés dans l'hébergement des seniors garantissent la dispense de soins ainsi que le respect de leur intégrité. Or, lorsque le corps vieillissant manifeste un désir intime, les soignants se murent souvent dans la gêne et le silence.

Même pour le personnel soignant, formé à accompagner les patients dans tous leurs besoins quotidiens, faire face à la question du désir est loin d'être une banalité. 

Vieillesse et sexualité : le poids du tabou

Pourquoi la société contemporaine véhicule-t-elle l'idée que les personnes âgées sont asexuées, qu'elles ne ressentent pas de désir ou ne sont pas désirables ? Les représentations médiatiques, publicitaires et culturelles nous invitent à rester jeunes, beaux, souriants et performants en toutes circonstances, et tout au long de notre vie. Ce « culte du corps », dans lequel nous vivons au quotidien, est en grande partie responsable du déni de l'intimité chez nos aînés. Là est certainement le paradoxe le plus flagrant de notre époque. Dans une société hypersexualisée, qui pratique l'injonction permanente à la jouissance, le sexappeal semble limité dans le temps. Après 60 ans, plus personne ne vous invitera à « développer votre curiosité », à « tout savoir sur le sexe opposé » ou à « réaliser vos fantasmes ». Pourtant, le plaisir charnel n'est pas le privilège de la jeunesse ! L'ensemble des interdits et des non-dits qui entourent la vie sexuelle des seniors s'impose comme une négation totale de la sexualité comme source de bien-être physique et psychique à tous les âges de la vie.

Alors qu'une intimité comblée semble profitable à des personnes souvent fragiles et diminuées, il n'est pas rare d'observer chez certains individus des attitudes intolérantes à l'égard de l'expression du désir sexuel de leurs aînés. Ces réactions, sans aucun fondement éthique, sont par ailleurs en contradiction avec la réalité, puisqu'une enquête révèle que 86 % des hommes et 64 % des femmes âgées de 50 à 69 ans ont eu une relation charnelle datant de moins d'un mois.

La maladie et la proximité avec les soignants

On peut imaginer qu'il est difficile d'aborder cette question dans un établissement où l'intimité corporelle des patients est tributaire d'une aide médicalisée. Si cette pulsion de vie qu'est le désir de l'autre peut être compliquée à gérer pour le personnel médical, c'est, entre autres, parce que certains résidents sont atteints de syndrome démentiel, qui se manifeste par différents troubles du comportement. Les désordres cognitifs peuvent créer des comportements sexuels inappropriés qui nécessitent d'être canalisés par le personnel soignant, chargé de veiller à la quiétude de la vie en communauté. Il n'est donc pas toujours facile de distinguer la désinhibition liée à la démence, de ce qui est de l'ordre de la sexualité d'un senior autonome et lucide.

Et parce que les soins que l'on prodigue au corps de l'autre nous ramènent irrémédiablement à notre propre rapport au corps, le désir de vivre de manière sensuelle apparaît parfois dérangeant dans un univers qui côtoie la maladie et la mort. Le personnel soignant (médecins, infirmières, aides-soignants) et les accompagnants (famille, proches) peuvent facilement se sentir embarrassés, voire débordés, lorsqu'ils sont confrontés à la question du désir des seniors. « Il y a trente ans, on n'en parlait pas du tout, ça n'existait pas, aujourd'hui on commence à chercher des solutions... », confie Corinne, ergothérapeute en gériatrie. Pour respecter et préserver l'intimité des couples de résidents, certains établissements travaillent à mettre en place des chambres doubles. Les personnes dépendantes peuvent également manifester le souhait d'avoir accès à une intimité. Des assistants sexuels peuvent alors être rémunérés par la structure, ou par une association spécialisée dans ce type d'interventions. Mais si ces services sont plus développés à l'international, la France n'en reste pour l'instant qu'aux prémices...

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