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Avec brio

11h11 - 20 novembre 2017 - par Info Haute-Vienne

Dans « Le Brio », Yvan Attal fait bien parler Daniel Auteuil et Camelia Jordana.

Neïla arrive en retard à son premier jour à la faculté d'Assas. Le professeur Pierre Mazard l'interpelle alors qu'elle grimpe les escaliers de l'amphithéâtre. Les images de leur affrontement verbal, avec sous-entendus jugés racistes, font le tour des réseaux sociaux. Il est convoqué devant un conseil de discipline et le directeur de l'université lui suggère de donner des cours particuliers à Neïla pour un concours d'éloquence, dans l'idée de calmer les esprits. Ignorante de ses motivations, elle accepte. Le brio du titre est celui de l'art de mener une conversation, de capter l'attention de son auditoire, de trouver la juste répartie sans perdre ses moyens, d'avoir raison même lorsqu'on a tort. Yvan Attal nous invite à nous poser des questions avec sa comédie attachante sur la parole et le déterminisme social, sans virer à la leçon pesante. « Mon film est à la fois politique, social mais aussi léger, drôle avec de l’émotion autour d’un personnage, une Française d’origine algérienne, victime de la manière dont on enferme aujourd’hui les gens dans des catégories ou des a priori, mais victime égalementd’elle-même et de son entourage… En fait, je suis très proche de cette histoire : c’est un peu mon trajet en quelque sorte. Quand Camélia Jordana dit « Je suis Neïla Salah, née à Créteil, fille de… » Ça me renvoie à ma propre jeunesse, à la cité de Créteil où j’ai grandi, et au fait que le théâtre m’a donné la chance de m’ouvrir au monde, par le travail et la connaissance des textes. Il y a dans tout cela l’idée que nous devons faire l’effort de comprendre, et de faire le chemin vers le pays dans lequel nous vivons, de profiter de son héritage culturel et historique. Surtout le nôtre ! Grâce à nos auteurs, nos philosophes, nous comprenons que nous devons penser par nous-mêmes, nous obligeant à nous questionner ». Mazard est un amoureux de la langue, prêt à tout pour séduire celui ou celle qui l'écoute, mais reste avant tout un homme seul, au caractère ombrageux et aux attitudes ambiguës. Il est comme un Pygmalion des grandes écoles pour cette jeune femme issue d'un milieu défavorisé qui rêve de s'extirper de sa condition et de devenir avocate, même si leur lien est né d'une contrainte. Daniel Auteuil lui apporte une complexité savoureuse et a clairement enrichi le personnage par ses idées. « Mazard est surtout un homme qui questionne. Alors oui, il y a des moments dans ses réflexions où ça dérape, où la pensée va trop loin, mais c’est quelqu’un qui veut faire bouger les lignes et ça passe en effet par la provocation. Nous avons forcé un peu le trait par la comédie dans le rapport Neïla-Mazard, pour aborder le sujet de fond en restant drôle sur la forme. J’ai adoré travailler avec Dzniel Auteuil. Il se donnait à fond, il avait le trac, il s’amusait, il était drôle. Et puis c’est quelqu’un d’humble : quand il est perdu dans une scène, c’est le premier à vous demander de recommencer. Bref, j’ai vu un acteur vivant, un comédien qui sait faire la part des choses. Je l’ai également trouvé courageux car son personnage n’est pas facile à incarner, ni dans son attitude, ni dans les mots qu’il prononce. Daniel n’a pas eu peur, sans jamais en faire trop, tout en me proposant des vraies variantes de jeu qui ont été essentielles au montage ». Camélia Jordana, révélée par l'émission de M6 «La Nouvelle Star» joue cette jeune femme ambitieuse qui n'oublie pas ses racines alors que son mentor guère doué pour les rapports humains malgré son éloquence. Elle trouve son premier rôle fort au cinéma après quelques brèves apparitions dans des films peu mémorables et tient la dragée haute à son immense partenaire fort doué pour la joute oratoire. Yvan Attal ne l'a pas choisie pour ses aptitudes vocales : « Quand elle est arrivée aux essais, je ne la connaissais pas du tout ! Je savais qu’elle avait chanté lors de la cérémonie d’hommage aux attentats du Bataclan avec Nolwenn Leroy et Yael Naim : une musulmane, une catholique et une juive ensemble, réunies aux Invalides devant la Nation… Camélia dégage d’emblée cette humanité » Un scénario aux dialogues brillants, ce qui était indispensable compte tenu du sujet, mais n'était pas acquis, et permet à deux acteurs, l'un aguerri et l'autre encore en apprentissage de son métier, d'être sur un pied d'égalité.

Pascal Le Duff

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