« Le territoire limousin a tout à gagner de cette nouvelle dynamique »
[caption id="attachment_229590" align="aligncenter" width="733"] Alain Rousset dément le sentiment d’« abandon » ressenti par les Limousins (©Twin Hervé Lefebvre)[/caption] Info Magazine : Les habitants des trois départements de l’ex-Limousin ont l’impression d’être les grands perdants de la nouvelle grande région. Que leur répondez-vous ? Alain Rousset : Je comprends l’appréhension à l’égard de la Nouvelle-Aquitaine et sa superficie impressionnante. Je comprends les craintes : celle d’une trop grande concentration à Bordeaux, celle de voir disparaître nos appartenances, nos spécificités locales, ou celle d’une région désincarnée, loin des territoires et des quotidiens. Je les comprends, mais je veux rassurer chacun. Cette grande région, riche de nos diversités, est une chance pour tous. Le territoire limousin a tout à gagner de cette nouvelle dynamique. Depuis deux ans, l’action régionale est à la fois porteuse d’innovation et de solidarité au quotidien. Pour ne citer que trois chantiers, nous avons mis l’accent sur le numérique, la formation, et l’économie. En pleine révolution numérique, je refuse le « fatalisme territorial ». Aussi, avec Gérard Vandenbroucke, l’accès au numérique pour tous est notre priorité, avec un leitmotiv : le haut débit public partout où les opérateurs privés ne vont pas. Plus de 62 millions d’euros d’aides régionales ont ainsi été attribuées à Dorsal pour connecter plus de 150.000 foyers de Corrèze, Creuse et Haute-Vienne à la fibre optique en 5 ans ! Une autre de nos priorités est de favoriser la réussite éducative pour permettre une meilleure insertion professionnelle. Nous avons augmenté les investissements dans les lycées afin de garantir une formation de qualité à nos jeunes. 150 millions d’euros seront notamment consacrés aux travaux dans les lycées de Creuse, Corrèze et Haute-Vienne d’ici 5 ans. Tous les lycéens et apprentis de Nouvelle-Aquitaine peuvent désormais gratuitement bénéficier d’une aide aux devoirs (NDLR : en appelant le 05.57.57.50.00 du lundi au jeudi - appel gratuit). Là encore, ce sont de nouveaux services que nous avons développés ! Nous attachons également une importance toute particulière à l’accompagnement des entreprises. J’ai visité des entreprises, comme Constellium à Ussel, qui peinent à recruter. Le développement des formations dans les secteurs en tension est donc l’un de nos axes de développement. Je veux aussi poursuivre notre soutien fort à l’innovation. D’ailleurs, la délégation néoaquitaine présente au CES de Las Vegas est la 3e représentée sous la bannière French Tech. Nos efforts sont donc payants ! Pour cet évènement, parmi les start-ups régionales sur place, huit sont limousines : Hypview (Brive), Icohup (Limoges), ID Vitae (Limoges), Iti Communication (Limoges), Life Design Sonore (Limoges), Limouzik (Limoges), Onegates (Limoges), Orfea Acoustique Développement (Brive). Info : D’un point de vue économique justement, certains chefs d’entreprise parlent de fuite des cadres et donc du pouvoir d’achat vers Bordeaux. Est-ce vrai ? A.R. : Ce n’est pas ce que je constate sur le terrain ni lors de l’examen des dossiers : nous avons voté de nombreuses aides au recrutement de cadres pour les entreprises limousines. En octobre dernier, l’entreprise Fredonnet, basée à Rochechouart, a bénéficié de ce dispositif. Un exemple parmi d’autres ! Plus largement, sans cibler uniquement les entreprises accompagnées par la Région, je partage l’analyse de Pierre Massy, président de la CCI de Limoges et de la Haute-Vienne : les grands groupes n’ont pas modifié leurs implantations régionales en Limousin. Pour ne citer qu’un secteur d’activité, les cadres et les directeurs régionaux des banques sont toujours là. J’observe et j’encourage une mise en réseau des entreprises qui bénéficient de l’effet grande région, facilitant des coopérations nouvelles. En fusionnant, Elopsys et la Route des lasers s’imposent aujourd’hui comme un pôle de compétitivité à même de répondre aux enjeux des nombreux marchés de la photonique. La Nouvelle-Aquitaine, terre d’élevage bovin et ovin qui peut fournir des peaux de grande qualité, apporte également un soutien majeur à la filière cuir qui représente plus d’une centaine d’entreprises et près de 4.000 emplois. Elle a notamment financé la création du Pôle d’Excellence Cuir et Luxe de Thiviers et le cluster Réso’cuir. De grandes entreprises du luxe se sont installées dans le triangle Saint-Junien-Nontron-Thiviers-Montbron, à cheval sur les trois anciennes régions. La Région accompagne les formations adaptées aux secteurs et aide les entreprises à recruter et à faire reconnaître l’excellence de leur savoir-faire ! [caption id="attachment_229591" align="aligncenter" width="800"] 150 millions d’euros seront notamment consacrés aux travaux dans les lycées, comme Jean Favard à Guéret (© Matthieu Chauveau)[/caption] Info : Qu’en est-il de l’emploi public ? A.R. : Une réorganisation des services de l’Etat a été menée. Il y a donc bien eu une légère évolution des effectifs, mais pas d’hémorragie comme certains le prétendent : depuis janvier 2016, les effectifs ont enregistré une baisse d’environ 6%, ce qui correspond à 42 postes. Mais cela ne tient pas compte de l’installation de la Commission du Contentieux du Stationnement Payant à Limoges qui, depuis le début du mois, emploie déjà 35 fonctionnaires et comptera plus de 120 agents de la fonction publique d’ici fin 2018. Au bout du compte, du côté des services de l’Etat, Limoges aura gagné 78 emplois d’ici la fin de l’année, loin de la désertion annoncée ! En ce qui concerne les agents de la Région, 15 postes de directeurs généraux adjoints, collaborateurs de cabinet et de groupes politiques ont été transférés à Bordeaux lors de la fusion. Et parmi eux, certains sont présents à Limoges : un directeur de cabinet adjoint, un conseiller technique, un collaborateur de groupe, une antenne du service de presse, ainsi qu’une directrice générale adjointe territoriale. Pour le reste, je serai précis et transparent : pour le siège du site de Limoges, nous sommes passés de 493 agents et 24 postes vacants au 31 décembre 2015 à 484 agents et 48 postes vacants, pour lesquels les recrutements sont en cours, depuis le 30 novembre 2017. Là encore, lorsque les recrutements seront terminés, le solde sera positif. Mais si la situation est satisfaisante, cela ne nous empêche pas de rester attentifs et mobilisés en permanence ! Lorsque nous avons pu avoir des craintes sur l’avenir de la Cour d’appel de Limoges, j’ai immédiatement interrogé la Garde des Sceaux, Nicole Belloubet qui m’a rapidement annoncé qu’en aucun cas la Cour d’appel de Limoges n’était menacée de fermeture. Info : Où en est-on des demandes des agents de la Région, en l’occurrence de ceux de l’ancien conseil régional du Limousin ? A.R. : Je comprends leur malaise et leur inquiétude. Ce que nous construisons ensemble est totalement inédit, en plus sur des sites distants de plus de 250 km. Après 14 mois de négociations sur l’avenir des régimes indemnitaires de nos agents, l’action sociale et leur temps de travail, les contours d’un accord social s’affirment. En ce qui concerne les indemnités, je le répète : nous avons choisi un alignement vers le haut des régimes d’une très grande majorité de nos agents. C’est une reconnaissance forte de leur professionnalisme. Car la Région réalise un effort sans égal de plus de 18M€ par an. Au niveau de l’action et de la protection sociale, je le redis : notre priorité va à la couverture santé. Et quant à la question du temps de travail, complexe, nous respecterons la règle des 1.607 heures annuelles. Mais cette mesure, nécessaire et imposée, n’entrera en vigueur qu’en septembre prochain. D’ici là, je souhaite qu’une réflexion spécifique sur l’aménagement du temps de travail soit menée. C’est donc un signal fort que nous adressons aux agents, de qui dépend l’avenir de notre Région ! [caption id="attachment_229594" align="aligncenter" width="800"] La Région participe au fi nancement des programmes de recherche menés par l’Université de Limoges[/caption] Info : D’ailleurs, Bordeaux, que les Limousins voulaient bien voir comme une plus-value en termes d’attractivité, semblerait plutôt être le parent riche. Qu’en est-il des montants des aides publiques et mesures d’accompagnement, allouées à la Corrèze, la Creuse mais surtout la Haute-Vienne pour le soutien des projets ? A.R. : Pour accompagner au mieux nos territoires, j’ai souhaité rétablir une Datar régionale chargée de veiller aux équilibres des territoires et de combattre la désertification. Car, outre Bordeaux, Limoges, Poitiers ou La Rochelle, l’essentiel de la Nouvelle-Aquitaine, c’est la ruralité ! Et nous la soutenons massivement, plus que les pôles urbains. J’assume ce traitement différent : la ruralité est notre richesse. Vous m’interrogez plus précisément sur le montant des aides publiques allouées à la Corrèze, à la Creuse et la Haute-Vienne. Uniquement pour l’année 2017, nous avons voté 161,5 millions d’euros de subventions pour les trois départements en commission permanente ! Pour vous donner quelques exemples en Haute-Vienne, nous avons accompagné le développement des entreprises du territoire en accordant des aides à Steva Limousin à Bessines, Galalitum à Saint-Léonard de Noblat, Flexocolor au Palais-sur-Vienne ou encore la Mégisserie Colombier à Saint-Junien. Dans le domaine de la formation, nous investissons pour améliorer les conditions d’enseignement dans les lycées de Haute-Vienne, pour la rénovation et l’aménagement de l’atelier automobile du CFA Moulin Rabaud, et pour l’Université de Limoges à travers le financement d’une soixantaine d’appels à projets. Sans oublier les programmes de recherche menés par les équipes de cancérologie de l’Université de Limoges et de son Centre Hospitalier Universitaire, ainsi que la création d’une maison pluridisciplinaire de santé à Aixe-sur-Vienne. Et la culture n’a évidemment pas été oubliée, avec les aides en faveur du Théâtre de l’Union et pour le fonctionnement de La Mégisserie à Saint-Junien. Info : Le monde du sport toute discipline confondue fait grise mine avec des subventions vraisemblablement revues à la baisse. Vrai ou faux ? A.R. : Faux ! Certains clubs qui n’étaient pas accompagnés auparavant le sont désormais : clubs d’athlétisme de Limoges et Brive-Tulle, le club de canoëkayak d’Uzerche… Nos priorités sont le sport scolaire, le sport féminin et le sport santé. La Nouvelle-Aquitaine accompagne chacun dans sa pratique sportive : les lycéens, les sportifs de haut niveau, les clubs, ligues et comités, les collectivités pour la construction d’équipements adaptés et les organisateurs de grands événements... La démocratisation de l’accès au sport est un enjeu d’importance pour la Région. La Nouvelle- Aquitaine doit être une terre de sport qui n’oublie personne ! [caption id="attachment_229595" align="aligncenter" width="800"] La plateforme régionale d’aide aux devoirs a repris du service pour cette rentrée scolaire 2017-2018 (© Nouvelle-Aquitaine)[/caption] Info : Mais les clubs phares seraient impactés, avec -44% au CSP et -48% au CAB ? A.R. : La Région dispose d’une forte densité de clubs de haut niveau : 19 clubs engagés dans des championnats professionnels et une soixantaine d’équipes situées entre le 1er et le 2e niveau de l’élite nationale amateur. Nous avons beaucoup échangé avec eux et nous leur avons annoncé que progressivement, à niveau égal, il y aurait soutien égal. A la fi n de la mandature, les clubs du Top 14 auront la même somme. Mais les clubs limousins ne bénéficient pas forcément du même tissu économique que ceux du territoire aquitain, nous en sommes conscients… Aussi, pour compenser les pertes de leur subvention de fonctionnement, nous nous mobiliserons pour accompagner des clubs autour d’événements. Info : La culture n’est pas épargnée… A.R. : Encore faux ! Avec Andréa Brouille, vice-présidente déléguée aux fi nances et au budget, nous avons sacralisé le montant de notre budget culture. Nous accompagnons près de 300 festivals, nous sommes la 2e région de France pour le Fonds Cinéma et Audiovisuel et l’accueil de tournages… Cette année, nous allons pouvoir suivre l’avancement des travaux des futurs locaux du FRAC-Artothèque du Limousin, acquis par la Région pour permettre une présentation optimisée des collections et des expositions, une meilleure approche des publics et offrir une vitrine de l’art contemporain. Ce projet, d’un montant de plus de 5 M€, s’inscrit dans une dynamique de politique publique volontariste en faveur des arts plastiques. Info : On nous a présenté la fusion comme, entre autres, source d’économies. Où sont-elles ? A.R. : Il est évident que mon souci, c’est d’investir. Pour limiter les frais de fonctionnement interne, nous mettons en place des systèmes de visio-conférence, évitant des déplacements. Grâce à la fusion, la Nouvelle-Aquitaine a également conclu un contrat d’assurances qui lui a permis d’économiser 1 M€ par an sur 5 ans ! Les économies se feront petit à petit. Je l’avais d’ailleurs annoncé au moment de la fusion. Info : En dernier lieu, nous sommes au mois de janvier, donc dans la période des voeux. Quels voeux formulez-vous pour nos trois départements ? A.R. : L’emploi, bien sûr : il faut aider les entreprises de Corrèze, Creuse et Haute-Vienne à embaucher. Nous en avons les moyens ! Et puis, nous devons poursuivre les politiques régionales de proximité et d’aménagement du territoire pour améliorer le quotidien de nos concitoyens. Ce sont les transports. C’est le très haut débit. C’est le programme « Usine du Futur ». C’est l’apprentissage, bien sûr. Et puis, 2018 sera l’année de la contractualisation, symbole de notre engagement en faveur des territoires les plus vulnérables. Or, ce sont bien tous ces investissements et dispositifs qui donnent du lien, de la vie et du sens à nos territoires !
Anne-Marie MUIA.
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