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Pour une poignée de Pélous

11h04 - 29 janvier 2018 - par Info Haute-Vienne

Et si l’on rangeait nos euros au fond de nos tiroirs ? Depuis près de deux ans et demi, une monnaie locale complémentaire circule en Haute-Vienne.

Lou Pélou, la bogue de châtaigne en occitan, peut remplacer les euros sur les marchés, chez certains artisans et commerçants qui acceptent les règlements avec ces billets qui ont une valeur identique à l'euro. Lancée en 2015 par des citoyens regroupés au sein de l'association Le Chemin Limousin, l'idée fait petit à petit son chemin et compte bien étendre sa zone de circulation et son réseau. « Nous souhaitons couvrir le plus largement possible le département sans s'arrêter aux frontières administratives puisque des accepteurs de la monnaie sont basés notamment en Dordogne » explique Rémy Laucournet, co-président de l'association. L'ambition est bien qu'elle puisse circuler, sinon tout son intérêt en serait annulé. » Car l'objectif initial du Pélou est de favoriser la consommation et les échanges localement afin de soutenir l'économie d'un territoire, d'aider des entreprises, des associations ou encore des éleveurs e des producteurs  à pérenniser leur activité. Aujourd'hui, plus de 170 prestataires acceptent Lou Pélou pour leurs transactions et six cent cinq « utilis'acteurs » s'en servent régulièrement pour leurs achats.

En centre-ville

Si au départ, la  monnaie s'échangeait sur le sud-ouest de la Haute-Vienne, dans le triangle Château-Chervix, Magnac-Bourg, Saint-Germain-les-Belles, elle a depuis gagné de nombreuses communes, faisant même son apparition dans le centre-ville de Limoges où elle reste néanmoins discrète, par manque de notoriété et en raison d'un réseau de prestataires diffus. « Cette monnaie veut tisser du lien localement ajoute Christian Rovisse, le co-trésorier, aujourd'hui, nous avons diversifié l'offre des prestataires pour sortir des marchés, des cafés de campagne et du réseau de producteurs locaux . Ainsi, on peut payer en Pélou à la pharmacie de Condat, acheter ses places de concert à Horizons Croisés ou des livres dans trois librairies, et même rémunérer des services à la personnes ou régler un ostéopathe. Il est donc possible de faire la quasi totalité de ses courses en Pélou ». Les adhérents voient encore plus grand, pourquoi pas payer la cantine des enfants et tout ce qui relève de la trésorerie des collectivités locales ? Le débat est ouvert mais aucune réponse positive n'est encore arrivée, le monopole de l'argent suscitant une certaine méfiance.

Plus de quarante

Les monnaies locales ont pourtant essaimé dans le monde avec plus de 13.000 en circulation notamment en Allemagne, Italie, Espagne, Grèce, aux Etats-Unis, au Canada, etc... Dans l'Hexagone, une quarantaine coexiste dans les régions depuis 2010 que ce soit à Toulouse, Brest, Grenoble, Nantes, Bayonne, Strasbourg... Des Creusois ont lancé la Mige l'an dernier, des Basques paient en Eusko depuis cinq ans, la première à avoir vu le jour en France pour consommer autrement, de manière éthique, écoresponsable et en circuit court. Déconnectées de la spéculation, elles apparaîtraient comme des remparts  pour tous ceux qui veulent se détourner de la finance. « Elles peuvent mettre être réinjectées dans l'économie locale en accordant des prêts afin de soutenir des porteurs de projets assure Rémy, nous espérons vraiment financer des micro projets d'ici fin 2019. L'assemblée générale décidera qui en bénéficiera sur le principe un adhérent est égal à une voix ». Pour obtenir des Pélous, il faut adhérer à l'association (10 €/an) et pousser la porte d'un commerce comptoir d'échange. Pour chaque euro échangé, un Pélou sera remis, il suffit ensuite de faire ses achats chez les « accepteurs ». Actuellement, vingt mille Pélous circulent, des billets sécurisés imprimés à Aixe avec des encres végétales.

AlternatiVE

A La P'tite Boutique Bio ouverte depuis octobre 2016 à Limoges, Sandra Abeillon est en phase avec la démarche. « Je commercialise des produits cosmétiques bio locaux donc accepter et échanger les Pélous procède de la même dynamique locale estime-t-elle. C'et dommage que la monnaie reste rare et méconnue en centre-ville. Les utilisateurs ont la trentaine, leur panier moyen est de 30 € comme en euro, mais ils sont vraiment motivés par une démarche de consommation locale ». A Saint-Yrieix, la Librairie « Les oiseaux livres » est comptoir d'échange depuis son ouverture fin 2015. Une dizaine d'adhérents y dépensent leurs Pélous. « Pour un panier moyen de 28 euros, les trois quart sont payés en Pélou constate la gérante Amandine Barascut. Je suis intéressée par le côté alternatif, c'est pourquoi je participe à cette initiative. Les clients soutiennent les alternatives au système économique actuel. Toutes les tranches d'âge sont représentées, certains ont une activité en dehors du schéma classique mais quelques uns ont une activité normale. Il ne faut pas croire que ces gens sont farfelus, ils ont envie de se réapproprier la question de l'argent ». L'extension du réseau de commerçants et d’artisans permettrait d’en convaincre d’autres. « Si on pouvait payer chez le coiffeur, à la boulangerie, chez les vendeurs de matériel informatique, ce serait bien ! Je prends les Pélous par militantisme, je l'utilise pour ma rémunération et je les dépense ensuite. Cela ne plaît pas à mon banquier qui veut des euros sur mon compte ! ». Ouverte à tous, l'assemblée générale du Chemin Limousin aura lieu, le 3 février à 15 h, à la mairie de Pierre-Buffière.

Corinne Mérigaud

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