Alain Guillout « Le Buffet de la Gare fermera le 31 mars »
[caption id="attachment_230479" align="aligncenter" width="800"] « La pétition a recueilli environ 8.000 signatures ».[/caption] Le Buffet de la Gare va tirer le rideau le 31 mars. Malgré une forte mobilisation des clients, la liquidation judiciaire semblait inéluctable. Info. Comment en êtes-vous arrivés à cette situation ? Alain Guillout. Ma concession avec la SNCF n'est pas renouvelée, il n'y a pas eu de négociations avec sa filiale « Retail et Connexions », l'établissement fermera à la fin du mois. Vingt-six emplois seront supprimés, j'ai annoncé la nouvelle aux employés le 2 janvier. Les plus anciens ont trente-quatre ans et trente-sept ans de maison, ils ont été atterrés, ce sera difficile pour eux de repartir. Des emplois indirects sont aussi impactés à savoir mes fournisseurs. I. Quand a été créée cette concession ? A. G. Elle existe depuis l'ouverture de la gare en 1929. Trois concessionnaires se sont relayés Monsieur Jenveaux, Roger Chapet lui a succédé. Je l'ai rejoint en tant qu'associé en 1986 et j'ai pris sa succession dix ans après. J'avais travaillé auparavant comme serveur dans une affaire familiale en Dordogne, je suis Périgourdin, le hasard ma amené au Buffet de la Gare. Cette carrière a été riche en rencontres et découvertes de valeurs humaines auxquelles j'ai toujours été très sensible. I. Les Buffets de Gare ont-ils rencontré leur clientèle ? A. G. Le premier a ouvert en 1837 à la gare du Pecq, terminus de la ligne de Paris à Saint-Germain. Le but était d'offrir aux voyageurs un agrément supplémentaire au terme de leur voyage. Au départ, le buffet était perçu par les compagnies ferroviaires comme un possible fauteur de troubles, elles étaient hostiles à l'idée d'ouvrir de tels établissements dans des gares. Les cafetiers et les restaurateurs locaux n'y étaient guère favorables. Malgré tout, les buffets vont se développer avec le réseau, 115 en 1875 et 445 en 1914. Plus d'un quart fermeront ou seront détruits durant la seconde guerre. Dans les années 60, les concessions passent de 416 à 279, il en restait 205 en 1997 et une poignée aujourd'hui. I. Quels souvenirs vous reviennent en mémoire ? A. G. Dans une gare se croisent toutes les couches socioprofessionnelles, on y partage les joies et les peines de nos clients. Si on oublie vite les joies, les peines restent en mémoire, le décès d'un proche, la séparation d'une famille, une mère qui laisse son enfant à son papa... Nous avons vécu de grands moments, l'incendie en 1998, la tempête en 1999 alors que nous n'avions plus d'électricité et de chauffage, nous avions réchauffé des voyageurs avec des couvertures. Le plus terrible fut l'accident de Brétigny, nous avons fermé l'établissement, le personnel a accueilli les familles, les médecins et les médias. Notre première mission est de rendre service à la clientèle de la SNCF, c'est inscrit dans nos gênes. Nos toilettes sont à disposition des voyageurs, sans consommation obligatoire, et nous aidons les voyageurs lorsqu'ils nous sollicitent, des services qui ne seront plus assurés. I. De nombreuses personnalités sont passées au Buffet, je suppose ? A. G. Des chanteurs, des acteurs, des hommes politiques ont émargé notre livre d'or, François Hollande est passé plusieurs fois, Laurent Fabius, Manuel Valls... Antoine Blondin était un fidèle, il aimait ce brassage de populations, certaines de ces brèves de comptoir sont nées ici. Le Buffet est un lieu de convivialité, d'échanges et de rencontres. Nous avons organisé des réceptions, des mariages, des réunions politiques, des repas d'entreprises et d'associations. I. Comment ont réagi les Limougeauds à cette fermeture ? A. G. La pétition lancée par le personnel a recueilli 5.000 signatures en cinq jours et 8.000 au total. Mon personnel et moi-même remercions l'ensemble des personnes qui nous ont soutenus dans cette épreuve, par une poignée de main, un regard, un mot ou une signature. Je suis surpris et touché par cet élan de la population de Limoges, de tous horizons, et même hors de France, des amis, des clients, des personnes que je ne connais pas qui sont attachés à ce lieu. Cette fermeture reste incomprise, la société évolue mais je n'ai pas tout compris à cette évolution... Les dernières pages d'un grand livre vont se refermer, j'aurai un gros pincement de coeur le dernier jour, le 27 ou le 28 mars, je ne sais pas encore. J'espère que cet établissement retrouvera prochainement une activité pour la clientèle ferroviaire et locale. Corinne Mérigaud
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