Cartes grises, permis : les limites de la dématérialisation
[caption id="attachment_230590" align="aligncenter" width="747"] Alexandre Gourserol, représentant des auto-écoles.[/caption] Fini les files d'attente aux guichets des cartes grises. Depuis le 6 novembre, les demandes de certificat d'immatriculation et de permis de conduire sont dématérialisées sur le site de l’Agence Nationale des Titres Sécurisés (ANTS). La procédure présentée de manière à simplifier la vie des gens par l'Etat dans le cadre de son « Plan Préfectures nouvelle Génération » a entraîné des désagréments et retards en raison d'un fonctionnement très complexe. L'ANTS a accumulé les bugs, au point que des utilisateurs sont confrontés à des situations ubuesques, faute d'un interlocuteur pour régler leur problème. Les professionnels de l'automobile et des particuliers se sentent parfois bien seuls devant leur écran... Auparavant, ils déposaient leur demande d'immatriculation en Préfecture. Si le dossier était complet, ils attendaient une heure ou plus, payaient leur carte grise qu'ils recevaient sous 48 h. Avec la dématérialisation, c'est une autre histoire ! Certes, des points numériques sont ouverts en Préfecture, sous-préfectures et dans dix maisons de services au public où des médiateurs guident les usagers pour se connecter à l'ANTS. Ils doivent scanner chaque pièce, les nommer et croiser les doigts pour que chacune soit acceptée, car les pièces volumineuses seront rejetées. Les démarches se font aussi à domicile, 24h/24 et 7 jours/7, à condition d'avoir un scanner, une imprimante, une connexion Internet correcte, des e-photos pour la demande de permis et une bonne dose de patience.
Délais trop longs
Depuis 2009, les professionnels étaient rompus aux démarches en ligne avec le Système d'Immatriculation des Véhicules mais ils devaient amener les documents en Préfecture pour immatriculer les véhicules d'importation. « Ce système est lourd à utiliser pour obtenir un certificat provisoire d'immatriculation déplore Nathalie Connant-Maurent animatrice territoriale CNPA Limousin, l'Etat vérifie chaque document avant de le délivrer. Il faut 40 minutes pour monter un dossier et un mois et demi à trois mois pour que le professionnel délivre le certificat d'immatriculation au client, un délai de huit à dix jours serait plus raisonnable ! Le CNPA a trouvé des parades, par exemple, en ayant le droit de mettre un WW quatre mois au lieu de le renouveler chaque mois, mais cela ne réduit pas le temps de réponse et les clients ne peuvent pas quitter la France. S'ils veulent partir à l'étranger cet été, ce sera impossible ». Le CNPA via son organisme de formation GNFA a mis en place des formations pour les professionnels afin d'optimiser l'utilisation de l'ANTS mais pour les particuliers, le fossé se creuse. « La dématérialisation isole un peu plus les particuliers non équipés ou non formés, ils sont en fracture numérique » estime-t-elle. [caption id="attachment_230591" align="aligncenter" width="800"] Des démarches en ligne pas si simples...[/caption]« Usine à gaz »
Alexandre Gourserol, qui représente les auto-écoles au sein du CNPA n'est pas plus satisfait. Ce système avait pourtant été expérimenté dans quelques départements tests pour les permis. « Mes collaboratrices mettent 15 minutes pour monter un dossier, si toutes les pièces sont bonnes. Au début, l'élève n'avait que 24 h pour valider son inscription faute d'annulation, le délai est passé à sept jours suite à la demande du CNPA. Quelques dossiers sont pourtant bloqués ! Au lieu de faciliter les démarches, cela s'est compliqué et nous faisons le travail de l'administration, sans facturer la prestation ». L'élève peut monter lui même son dossier en créant son compte ANTS mais, en cas de problème, il s'adresse à son auto-école qui n'a pas toujours la solution. « Nous montons 99% des dossiers de A à Z et s'il n'y a pas de bug, il est validé en 3 ou 4 jours, l'élève peut alors passer son code. En cas de soucis, le délai peut monter à un mois. Avant l'ANTS, nous apportions les documents à la Préfecture et, une à trois semaines après, le dossier était validé. En cas de problème, nous avions un interlocuteur ; aujourd'hui, personne ne répond lorsque nous téléphonons au numéro dédié, idem pour les mails adressés à l'ANTS traités en retard. La dématérialisation est une bonne idée mais c'est une usine à gaz, on ne tient pas compte de l'usager. Certains dossiers ne peuvent pas être gérés depuis un ordinateur, il nous faut un contact. Ce changement n'a pas été suffisamment préparé ». [caption id="attachment_230592" align="aligncenter" width="800"] Des points numériques et des médiateurs pour aider les usagers.[/caption]Solutions
A la Préfecture, on commence à tenir compte des problèmes rencontrés par les usagers. En quatre mois, plus d'un million de permis ont été délivrés en France et 2,6 millions de cartes grises. « Cela fonctionne malgré tout, sauf pour les cas particuliers atteste Benoît d'Ardaillon, directeur de la citoyenneté, les usagers n'ont pas toujours Internet et un scanner, parfois ils ne comprennent pas ce qu'on leur demande. Ils peuvent se rendre dans les points numériques que nous avons mis en place, des jeunes en service civique les aideront ». Des solutions sont prévues pour simplifier leurs démarches. « Une procédure a été mise en place entre particuliers vendeurs et acheteurs de VO par rapport au code qu'ils doivent s'échanger pour la demande d'immatriculation annonce-t-il car le délai pouvait atteindre deux mois. Le problème a été signalé au Ministère pour les véhicules en WW, cela va se régler. Quant au permis, les délais ont été réduits, il y a eu des recrutements dans les plate-formes CERT qui examinent les demandes par Internet. Un travail est en cours sur l'informatique pour simplifier des termes complexes. En Haute-Vienne, les mairies volontaires seront informées afin d'offrir un service de proximité. Enfin, les auto-écoles auront ce mois-ci une adresse mail propre ». Peut-être la fin des bugs...Corinne Mérigaud
Photos © Préfecture, C. M., D.R
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