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Pr François Vincent « Détecter assez tôt la présence du cancer du poumon dans le sang »

23h43 - 18 mars 2018 - par Info Haute-Vienne

[caption id="attachment_230602" align="aligncenter" width="726"] « Nous avons gagné une partie de notre pari : faire avancer la recherche contre le cancer du poumon »[/caption]

Il y a quelques mois, la chaire de pneumologie expérimentale de Limoges a présenté une nouvelle méthode de communication tumorale pour dépister la présence et la virulence du cancer du poumon. Interview du Pr François Vincent, son co-directeur.

Info Magazine : Quelle est la genèse de la chaire de pneumologie expérimentale ?

Pr François Vincent : J’ai eu la chance pendant mes études de médecine de travailler avec un éminent médecin-chercheur, Pierre Corvol, qui dirigeait la chaire de médecine expérimentale au Collège de France à Paris. A son contact, j’ai compris qu’il fallait des lieux d’expérimentations pour pouvoir exercer la recherche sans contrainte hors de la complexité des pratiques institutionnelles. D’où mon idée en revenant en Limousin, de continuer sur cette philosophie et de créer avec mon ami le Pr Fabrice Lalloué, cette chaire de pneumologie expérimentale. L’équipe de la chaire est constituée de quatre personnes : deux enseignants-chercheurs, un chercheur universitaire statutaire et un doctorant, et travaille en interaction étroite avec l’équipe EA3842 de l’université de Limoges.

Info : Comment est constituée la chaire de pneumologie expérimentale ?

Pr F.V. : Depuis sa création en 2012, nous bénéficions du soutien financier d’ALAIR-AVD, l’association régionale qui contribue au traitement à domicile des patients atteints d’insuffisances respiratoires. Ces fonds sont pour nous indispensables. Nous avons également le soutien de la fondation de l’université de Limoges, de la faculté de médecine et du CHU Dupuytren.

Info : En quoi consiste la découverte qui a été réalisée ?

Pr F.V. : Nous avons découvert un concept inédit pour dépister la présence et la virulence du cancer du poumon. Cette découverte est issue des travaux menés par Hussein Al Akhrass et Thomas Naves, tous les deux chercheurs de la chaire de pneumologie expérimentale rattaché à l’équipe EA3842 de l’université Limoges. Initialement au laboratoire, on s’intéressait à une petite protéine de transport, appelée sortiline. Celle-ci joue un rôle dans la communication entre les cellules tumorales pulmonaires et dans la progression des tumeurs. La sortiline est un peu la gardienne de la démocratie cellulaire. Elle évite le passage à l’anarchie des cellules tumorales. Avec la maladie qui progresse, nous avons montré dans nos travaux que le taux de sortiline diminue dans la cellule cancéreuse. La conséquence est une aggravation du cancer. Nous avons également découvert que la perte de la sortiline entraînait l’activation d’un récepteur tumoral qu’elle bloquait d’ordinaire, avec alors pour conséquence d’activer le cancer. Avec moins de sortiline « gardienne », ce récepteur malin va envahir d'autres cellules et propager à distance la contamination tumorale. L’anarchie du cancer est alors en marche. Notre objectif pour l’avenir serait avec cette découverte de dépister de façon précoce la maladie, ses éventuelles rechutes et de prédire son agressivité pour cibler au mieux le traitement.

Info : Comment va se traduire cette avancée pour les patients ? Dans quel délai ?

Pr F.V. : Pas pour l’instant, c’est trop tôt, mais tel est le challenge de notre travail. Nous sommes cependant arrivés par une simple prise de sang à intercepter la sortiline ce qui est déjà une avancée. La sortiline nous paraît être un biomarqueur intéressant car il permet de détecter dans le sang la présence du cancer du poumon assez tôt, c’est-à-dire avant que le malade ne ressente la maladie. Il s’agit de l’une des originalités de nos résultats.

Info : Vos résultats ont été publiés dans la prestigieuse revue scientifique Nature communications. Qu’est-ce que cela va changer pour votre équipe ?

Pr F.V. : C’est surtout une reconnaissance de notre travail par nos pairs à un niveau international. La chaire permet de donner une souplesse scientifique à nos travaux et de les orienter singulièrement en toute liberté. Et puis je n’oublie pas nos financeurs, que je remercie de leurs soutiens. Sans eux rien n’aurait été possible.

Info : Comment envisagez-vous l’avenir après cette découverte ?

Pr F.V. : Avec mon collègue le Pr Lalloué, nous avons gagné une partie de notre pari : faire avancer la recherche contre le cancer du poumon. Cette découverte est vraiment une fierté pour la chaire, et pour l’équipe EA3842. Nous avons pu recruter deux nouveaux étudiants-chercheurs en sciences pour continuer ces travaux : rendez-vous donc en 2020 pour d’autres résultats !

Propos recueillis par Anne-Marie Muia

Photo : D.R.

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