Améliorer l'intégration des sourds
À l'occasion de la 6e édition de la Journée internationale dédiée à la langue des signes, le 23 septembre prochain, plusieurs organismes se mobilisent pour développer son apprentissage afin de faciliter l'intégration des sourds dans notre société.
Il en aura fallu du temps pour faire reconnaître le droit des sourds à utiliser la langue des signes, une méthode de communication adaptée à chaque culture, capable de transcrire toute la richesse des expressions. Elle n'est pourtant pas née d'hier, puisque Charles-Michel de L'Épée, appelé abbé de L'Épée, l'a mise au point entre 1760 et 1762. Au fil des ans, malgré les réticences de certains pays, cette langue a prospéré parmi les sourds car elle leur permettait de facilement échanger entre eux. En France, ce n'est qu'en 2005 que la loi handicap l'a reconnue comme une langue à part entière dans le code de l'éducation. Malgré cela, certains parents peinent encore à trouver un enseignement en langue des signes pour leurs enfants.
En Haute-Vienne, le grand public a été fortement sensibilisé aux difficultés d'intégration des sourds et malentendants grâce une ambassadrice de charme, Sophie Vouzelaud, première dauphine de Miss France 2007. « Je trouve que depuis mon élection, la mentalité a beaucoup évolué mais nous sommes loin des États-Unis, pays dans lequel toutes les émissions sont sous-titrées en langue des signes. Il y a encore énormément d'efforts à faire, notamment au niveau de la publicité, car nous les sourds, nous consommons autant que les autres. Pourtant, il n'y a aucun sous-titrage, ce qui nous exclut d'un grand nombre de spots, que nous ne comprenons pas », constate-t-elle avant d'inviter ses concitoyens à « arrêter d'avoir peur des personnes handicapées, car nous avons les mêmes capacités intellectuelles et plein d'autres qualités que des personnes dites normales ».
POPULARISER LA LANGUE
Les sourds ont encore beaucoup de difficultés à accéder à certains services publics ou aux établissements de santé, même si quelques-uns disposent de plateformes dédiées, à l'exemple du CHU de Limoges, qui depuis 2017, a mis en place le dispositif Acceo, une solution numérique d'accueil adaptée aux personnes déficientes auditives. Ce service permet aux usagers, via une application à télécharger sur un smartphone ou une tablette mise gratuitement à leur disposition par les agents d'accueil, d'accéder soit à la transcription instantanée de la parole en texte soit à la visio-interprétation en langue des signes. Il a également pour objectif de sensibiliser l'ensemble du personnel pour l'inciter à changer son regard et lui rappeler que la surdité n'est pas une pathologie. Les associations de secourisme sont également incitées à utiliser ce langage.
Mais, pour déployer ces plateformes à grande échelle, il faut former plus d'interprètes.
Au fil des rencontres qu'elle mène depuis plusieurs années, Sophie Vouzelaud s'est rendu compte qu'il y avait une énorme demande pour apprendre ce langage. « Je fais un maximum pour valoriser la langue des signes grâce à mes vidéos sur mes réseaux sociaux dont Instagram, Facebook et TikTok », rajoute-t-elle.
ÉTENDRE L'INTERPRÉTARIAT
Depuis 2011, la Maison des sourds de Limoges abrite le Centre de Formation de la Langue des Signes du Limousin (CFLSL) qui reçoit plus de 200 stagiaires par an, toutes prestations confondues, à qui il fait découvrir tout le potentiel. Le centre propose quatre niveaux de formation. Une attestation de réussite est délivrée à la fin de chaque module, permettant de passer au suivant. À l'issue de cette formation, il est possible de se présenter à l'examen du diplôme de compétence en langue de l'Éducation nationale. « Grâce aux allocutions gouvernementales au cours desquelles nous voyons un interprète en langue des signes, son apprentissage est devenu à la mode. Malheureusement beaucoup d'entreprises arnaquent les gens en leur offrant la possibilité d'apprendre cette langue en distanciel sans avoir obtenu le patronage de la Fédération nationale des sourds de France. Il n'est pas toujours évident de trouver un bon interlocuteur pour apprendre. On peut déjà vérifier si le formateur est sourd de naissance et si la structure est labellisée Qualiopi, comme c'est le cas de notre centre », prévient Davy Lacroix, responsable administratif et formateur au CFLSL.
Il reste encore de nombreux domaines où il serait nécessaire d'améliorer l'accès pour les personnes sourdes. « Les crèches, les centres de loisirs demeurent encore inaccessibles aux enfants sourds. Certes, ils ont accès aux locaux mais il n'y a malheureusement pas de personnel formé à la langue des signes. Et bien souvent, il y a très peu d'indications apparentes pour les guider. En milieu scolaire, il faudrait former les AESH ou les AVS pour qu'ils puissent correctement accompagner les élèves en difficultés », déplore Davy Lacroix.
La Journée internationale de la langue des signes sert également de support à diverses animations organisées par le centre de Limoges. Ainsi, vendredi 23 septembre à 19 heures, il accueillera Patrick Belissen, un écrivain sourd, auteur du livre Paroles de Sourds qui s'attache à briser l'indifférence entourant la situation particulièrement préoccupante des sourds en France à travers les parcours singuliers de six personnes, nées sourdes. Un ouvrage parfaitement adapté à l'actualité de cette journée, qui souligne l'ampleur du fossé séparant la France d'un grand nombre de pays développés, dans lesquels les sourds ne sont pas considérés comme des déficients auditifs souffrant d'un handicap, mais comme des êtres humains à part entière, dotés d'une langue singulière.
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