Edito de Stéphane Félix du 06/06/2017
Parfois, le bleu du ciel qui nous surplombe existe ailleurs que dans les chansons d’amour, les poèmes de Rimbaud ou les toiles de Picasso.
Nous étions si petits. Nous étions des géants. Nous tenions dans nos paumes des lucioles et des fées, l’instant fragile et l’étincelle de nos rires, quand des artificiers embrassaient la nuit, au premier crépitement d’un soir sous les étoiles, à l’aube de l’école qui finissait. Il y a des adultes qui n’ont jamais été des enfants, mais nous, ce n’est pas Queneau qui nous reniera, nous avons toujours la politesse espiègle et ce frisson de plaisir intact à la plus minuscule des grossièretés. « Napoléon mon cul ! », à la page 16 d’un vieux livre écorné, reste la plus délicieuse de toutes les friandises, de celles que l’on se chuchote dans le noir, pour s’étouffer de rire et rougir jusqu’aux oreilles, jusqu’à ne pas oser s’embrasser. On ne touche pas aux trésors. Encore moins aux souvenirs. Dans le rétro des jours, la vieille Peugeot déglinguée, son caravane blues, dans le silence d’un juin d’herbe, de pluie et de pneus rechapés, laissent Zazie dans le métro et l’Attrape-Cœurs sur la plage arrière.
L’air de rien
Au bout de la route, on aurait pu rencontrer des gamins de week-end, le sentier des dunes, un vol de cerfs-volants, la caresse du vent. Pour une fois, du bleu, intense, de plomb, alors que nous pesions moins qu’une plume, aurait pu nous prendre par la main. Mais c’est par surprise que l’orage parfumé et le vent malicieux nous promettaient de tranquilles rencontres. Avec des livres et des rêves. Des airs de rien, de campagne, de petits restes à conserver, pour que toujours l’on s’en souvienne, bien à l’abri, tout au fond de soi. Le monde est si grand, que faire ? Sur la pointe des pieds, peut-être, se hisser, entre ce temps étrange du désir et un voyage en ballon. Rouge, le ballon. De ceux qui flottent au-dessus des jardins et des réverbères. Fermer nos yeux qui ne seront jamais bleus. Ecouter, au loin, le tonnerre. Et puis, se dire les flammes, le feu, les morsures du soleil et la beauté d’un temps bien lointain, si proche et qui viendra, suspendu à quelques mots que l’on empêchera toujours de tomber, comme des milliers de petits mômes.
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