Edito de Stéphane Félix du 12/06/2017
En Limousin, on n’a pas de pétrole, mais quelques idées gentiment déplacées. Parce que l’on sait que la vie est trop courte pour ne pas la déshabiller complètement.
Il y a de l’or sous nos pieds, de la porcelaine fine sur nos tables, de l’herbe magique, en veux-tu en voilà, qui fait sourire les vaches, de l’eau vive à volonté, à noyer tous les pastis, de l’uranium à ne plus savoir qu’en faire, tellement il pousse, sauvage, dans les champs, des pierres à légendes qui hérissent les poils du granit, des graines de pain qui tombent des arbres, des vitraux de Chigot et des poèmes de verre soufflés par le vent, des fleurs de hasard en bouquets ronds de champignons, des noyaux qu’il suffit de jeter négligemment au détour d’un pré vert, une clope au bec et un oiseau lyre sur l’épaule, pour qu’ils deviennent clafoutis, un doigt de désinvolture et un autre d’ivresse : nous sommes si pauvres de toute cette prodigalité. Si notre cuir est épais, c’est parce qu’il est tanné par les baisers de la pluie, ses éclaboussures permanentes, en petits coups de poings qui font toc toc au carreau de nos têtes : alors, on enfile des élégances, des gants très fins, pour caresser l’impossible, être rugueux et doux, au choix, du roi et des reines des reinettes.
Désordre moral
Il ne nous manque, au fond, pas grand-chose pour être heureux et pour nous enfuir avec le bonheur, cette ligne de vie qui tient, en quelques mots, dans un manuel de philo et que chacun poursuit. Mais tout le monde, ce n’est pas nous. Nous poursuivons autre chose et c’est ce qui nous manque vraiment. Le soleil. Ce rêve d’indiens, d’un autre continent, d’un monde qui nous est inconnu, que nous serions prêts à aller cueillir, en file limousine, les pieds nus et, s’il le fallait, la main dans une autre main, jusqu’au bord de la mer de pierres bleues qui s’effondre, vers l’ouest, là où cesse l’averse et où ce qui brille, brille vraiment. Nous n’avons pas d’essence, pas de lampe à pétrole pour réchauffer notre ciel, mais nous avons au moins des paradoxes. C’est, finalement, tout ce qui compte quand on n’a pas un sou vaillant et que l’on épluche la vie, en tranches, en un effeuillement, du désir au désordre, un index sur la morale et un majeur silencieux qui nous donne cet air de charmeurs de serpents.
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