Edito de Stéphane Félix du 26/06/2017
Passer le bac, c’est dire adieu à un peu de son enfance, saluer de la main le petit Limousin qui restera planté là, sur sa rive, avec les ombres, les lumières et les rêves à venir.
On en a appris, des choses essentielles. On nous en a donné, de ces clefs qui ouvrent toutes les portes, des passeports vers le futur, des repères sur la frise du temps. On sait tout, vraiment tout, sur ce qui est indispensable pour grandir, pour aller de l’avant sans se retourner, être des philosophes et s’accrocher aux comptoirs sans tanguer, sans autre incertitude que celle des jours passés. Au bout d’une année de terminale, dans un vieux bahut blanc, un peu sale, posé au bout d’une avenue ouverte à tous les vents, on a usé à peu près toutes les couleurs : les profs gris, les cigarettes blondes, le petit livre rouge, les chewing-gum au menthol, les idées noires, les vertes et les pas mûres que l’on se balançait en étude, en boules de papier puis autour du flipper, l’herbe à tousser, à faire des volutes d’azur. Jusqu’à la trame de la mémoire, on a fait des lambeaux, mais on se rappelle tout.
Et puis après ?
On se souvient que Koursk fut la plus grande bataille de chars de l’histoire, que Marcel Proust se couchait de bonne heure, que Bergson aimait rire, que la césure de l’alexandrin doit se placer à l’hémistiche, que Glasnost signifie transparence, que la scansion latine permet d’analyser la métrique d’un vers. Et ça, c’est aussi important que balèze. Mais on ne se souvient pas encore, cela viendra plus tard, que le monde, un jour peut-être, sera bleu comme toi. Le bac, cet affreux petit examen, on l’a passé d’abord. Et puis après ? On a voté. On était moins d’un sur cent et pourtant, on existait. On a grandi. Mal et un peu trop vite, un peu trop lentement, parfois. On s’est croisé. Recroisé. Depuis, on écoute toujours des musiques tristes et gaies. On a du mérite. Et le bac en poche. Et tant d’autres souvenirs à s’inventer.
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