Edito de Stéphane Félix du 03/07/2017
Il y en a eu, de ces orages de fin du monde. Ouvrant le ciel, noyant la terre, semblant tout emporter. Des petites filles perdues. Des garçons sauvages. Et des étés sans fin, si l’on s’en promettait ?
Quand la foudre frappait à ta porte, t’en souviens-tu ? La grande maison des ombres, accrochée à son bout de terre brune, craquait sous le vent mauvais et les branches des arbres griffaient ses murs, battant mesure et soufflant roseau. Et toi, tu étais dans ton esquif, abrité d’une voile, d’un drap, des lavandes entêtantes berçaient la nuit, profonde, vingt mille lieues sous des mers sans lune, tu comptais les secondes qui roulaient le tonnerre : dans ta tête, qu’est-ce que cela trottait et tu rêvais d’éclairs au chocolat. Les soirs de juillet se chargeaient de rouge, de ces ocres de feu prêts à tout incendier, dans des fracas de nuages qui, même sous les paupières closes, bien étanches, débordaient sur l’oreiller. Tu as eu peur bien souvent, comme un petit chat chenapan, boule de malice de rien du tout, qui s’entortille en boucle, blonde ou tabac, autour d’un doigt. T’en souviens-tu, des étés aussi courts qu’un instant, sitôt commencés, déjà finis ? Et de ce temps de chien qui tapait du marteau sur le toit, des ténèbres bleues et blanches, de cette vague d’automne qui s’avançait, de la côte lointaine vers ton île déserte, flottante, irrésolue ?
Chasseurs d’orages
Mille ans ont passé. Le ciel s’est ouvert tant de fois. Tant de fois, sous les bourrasques, les étés ont abdiqué. A huit ans, on n’écrit pas encore assez bien pour les retenir, pour les sauver du vide, pour leur donner un peu d’allant en jouant sur les mots comme à saute-moutons. Avec d’aussi petites menottes, il est difficile de faire autre chose que des pattes de mouches, des bêbêtes éphémères, de l’encre vite sèche dans de jolis cahiers. Alors, longtemps, on poursuivra les orages, on chassera l’ouragan et la houle, sans répit, on sera Achab, Heathcliff, le crocodile de Crochet. Des aventuriers se rêvant un peu plus grands, un peu moins malhabiles, avec de la foudre dans les mains, prisonnière de leurs paumes, pour que plus jamais elle ne frappe à la porte des petites filles sauvages et des garçons perdus. T’en souviens-tu, des mille ans passés à écrire, n’importe où, n’importe quand, pour n’importe qui ? Ils n’auront pas passé pour rien, je te le promets.
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