Limoges ° C
jeudi

CH Esquirol Limoges : quand un séjour chez l’habitant au Sénégal contribue au rétablissement de patients français

10h49 - 03 juillet 2017 - par Info Haute-Vienne

[caption id="attachment_227131" align="aligncenter" width="640"] Antoine Pacheco, directeur du CH Esquirol.[/caption] Grâce à un partenariat entre le Centre Hospitalier Esquirol de Limoges, l’Etablissement Public de Santé de Mbour au Sénégal, l’Association Prévention Réinsertion Information en Santé Mentale et la délégation UNAFAM de la Haute-Vienne, quatre patients ont déjà bénéficié d’un programme de remobilisation psychosociale comprenant un séjour de 4 semaines en immersion totale au sein d’une famille d’accueil sénégalaise. « Au départ j’ai été très surprise que l’on me propose ce voyage. Je l’ai pris comme une grande marque de confiance, comme une chance, un cadeau » nous explique instantanément Isabelle (le prénom a été modifié). Ce programme a pour objectif d’accélérer le rétablissement de personnes souffrant d’une maladie psychiatrique. A travers une expérience atypique chez l’habitant au Sénégal, chaque participant est amené à mettre en œuvre ses capacités d’adaptation et son savoir-faire. Ainsi sorti de son quotidien souvent morose, chacun retrouve un élan vital et une meilleure estime de soi. « Au final, je ne retiens que du positif de cette rupture dans ma vie de « patiente »  » assure-t-elle. On peut parler d’une véritable « réconciliation avec moi-même ». A l’issue d’un processus de sélection, chaque patient inclus dans ce programme de remobilisation est minutieusement préparé à son séjour au Sénégal : la vie quotidienne, la culture et les traditions, les relations sociales, la gestion de son traitement… Puis, c’est le départ. Accompagnée durant la première et la dernière semaine par une infirmière et une assistante de service social du CH Esquirol, la personne découvre la famille d’accueil, l’équipe de soins de l’EPS de Mbour qui assure le suivi sur place et le programme d’activités durant les quatre semaines. La plus marquant reste bien sûr l’accueil et le contact avec la famille sénégalaise et l’approche particulière de la maladie psychique. « Au début je n’osais pas trop parler mais très vite la famille m’a mise à l’aise et je me suis moi-même surprise à prendre la parole beaucoup librement » Le décalage avec notre mode de vie occidentale conduit inévitablement à « faire réfléchir » sur son parcours, sur soi-même. Et cette introspection fait du bien. Peut-être est-ce dû au fait « qu’ici tout est différent. On voit donc le monde autrement ». « Bien sûr j’ai connu des petits moments de blues qui sont très vite passés car j’ai été extrêmement bien entourée par la famille et les soignants de l’hôpital de Mbour ». Le fait de participer à la vie quotidienne de la famille y est pour beaucoup. « Je me sentais comme tout le monde. C’est ici, grâce à cette culture, grâce à cette approche de la maladie psychique que j’ai pu pleinement prendre conscience que je n’étais pas « que malade ». Je pouvais, comme les autres participer aux activités quotidiennes de la famille ». Et puis la chaleur des personnes rencontrées à Mbour m’a permis d’éprouver le grand bonheur de retrouver les miens à mon retour » conclut Isabelle. [caption id="attachment_227132" align="aligncenter" width="640"] Dr Michel Nys, Président de Prism.[/caption]

« Ils n’ont rien et ils donnent tout »

Et c’est bien le plus important et même le but recherché par les équipes médicales du CH Esquirol Limoges comme l’explique le Dr Guillaume Verger, Chef du Pôle de Territoire. « L’intitulé « séjour de remobilisation » n’est pas anodin. Il s’agit de faire prendre conscience aux patients de leurs potentialités. Le contexte, la culture différente y participent totalement ». Et quand des patients comme Isabelle reviennent en France et nous disent avoir retrouvé confiance en eux, le but est atteint. Les patients bénéficiaires du programme sont tous volontaires. Ils sont ensuite « sélectionnés » par un comité composé de Francine Gourinel, coordonnateur général des soins au CH Esquirol, du Dr Michel Nys en sa qualité de Président de l’Association PRISM, de Robert Costanzo, délégué de l’UNAFAM, et d’Olivier Pinault, Cadre supérieur socio-éducatif. « Les patients ne se trouvent plus en phase aigue mais gardent des séquelles. Ils vivent avec leurs problèmes sans voir de solution dans une sorte d’invalidité sociale » explique le Dr Verger. « Pourtant à leur retour, 100% des patients disent eux-mêmes qu’ils n’en retirent que des bénéfices ». En fait, ce programme de remobilisation psychosociale présente un réel double avantage : accélération du rétablissement du patient et  découverte d’une nouvelle culture. Et ça marche. C’est pour moi très clair quand les patients continuent de me parler de leur séjours plusieurs mois après et de me rappeler que contrairement en France, au Sénégal « Ils n’ont rien et ils donnent tout » ». Forts de cette expérience, « nous nous inscrivons dans une véritable démarche scientifique dans le but d’une publication médicale sur les objectifs et bénéfices de ce programme de remobilisation psychosociale avec séjour chez l’habitant au Sénégal. » [caption id="attachment_227133" align="aligncenter" width="640"] Dr Guillaume Verger, Chef du Pôle de Territoire.[/caption]

Fierté de passer d’une coopération Nord/Sud à une coopération Sud/nord

Pour Fatou Diop, Directrice de l’Hôpital de M’Bour « ce programme donne un sens nouveau à notre partenariat né en 2012 qui a permis –et c’est déjà énorme- la création de l’unité de psychiatrie au-delà des stages inter établissements. On sort du champ classique de coopération Nord/Sud pour passer concrètement dans le sens Sud/Nord ; et ce n’est pas une petite fierté pour nous ! Là c’est le Sénégal qui apporte à la France. Le Sénégal permet le retour à l’essentiel. Notre culture, l’importance du sens de la famille permettent au patient de ne plus se sentir seul comme parfois en France ». De plus l’hôpital de Mbour prend une part active dans la prise en charge du patient accueilli. L’équipe médico-sociale (médecin, infirmière, assistant social) forme et appuie également la famille dans sa mission d’accueil. « Nous ne pouvons que nous réjouir de cette expérience qui nous permet de développer nos compétences car l’approche de la maladie mentale est différente d’un pays à l’autre. C’est pour nous aussi l’occasion de développer la gamme des prestations de l’hôpital à travers la santé mentale » poursuit Fatou Diop. Les conséquences positives se font donc ressentir dans tout l’hôpital mais encore dans toute la population qui elle aussi en retire une certaine fierté. Cela permet de mieux identifier au sein de la population l’unité dédiée à la psychiatrie de l’hôpital. « Désormais tout le monde sait qu’il n’est plus nécessaire de faire 1h30 de route pour aller se faire soigner à Dakar. Et sans notre partenariat avec le CH Esquirol Limoges cette prise en charge en santé mentale de proximité n’aurait pas été possible » se réjouit Fatou Diop. « Depuis le début j’étais intimement persuadé du bien fondé de la démarche. C’est la raison pour laquelle avec Michel Nys, Président de l’Association PRISM, le délégué UNAFAM et le directeur de l’hôpital de Mbour au Sénégal j’ai pris l’initiative de ces séjours de remobilisation psychosociale » s’enthousiasme Antoine Pacheco, directeur du CH Esquirol Limoges. « Au-delà des actions de coopération au long cours avec l’Hôpital de Mbour, notre participation se matérialise à travers l’accompagnement du patient par 2 professionnels de l’établissement, généralement un infirmier et un travailleur social. Nous passons également un véritable contrat avec à la famille pour assurer la qualité de l’accueil et l’accompagnement » explique A. Pacheco. « Quand je vois toute l’amitié, tout l’amour ai-je envie de dire qui se lit dans les yeux des patients à leur retour ; quand je les entends me dire qu’ils ont retrouvé la chaleur de la vie, je me dis que le jeu en vaut vraiment la chandelle. C’est pourquoi je tiens également à ce que le patient participe à la vie de la famille. Le dernier patient parti a ainsi pu accompagner un membre de la famille enseignant dans son école. Un autre s’est rendu à l’atelier de couture où exerce l’un d’eux. C’est comme cela que nos patients reprennent goût à la vie. Comme cela qu’ils se remobilisent. Et c’est bien ce qui donne sens à notre action. » « Nous nous sommes pleinement investis dans le projet car il correspond parfaitement à notre objet : accompagner le patient, l’usager dans sa resocialisation » indique le Dr Michel Nys, Président de l’Association PRISM. « Plus largement je suis convaincu que l’on ne peut se « retrouver » sans repère. A un moment donné, il est nécessaire de retourner à la source, revenir vers ce que l’on a perdu et la culture africaine de la famille fait écho à notre besoin d’appartenance. C’est plus un contenant, un ancrage qui est ici recherché que du soin à proprement parler. » C’est pour cette raison que l’Association PRISM a eu la volonté de s’impliquer dans un tel programme. « Au regard du succès de l’opération, 4 patients bénéficiaires tous totalement satisfaits de l’expérience, nous avons à cœur de participer au financement de la 2ème session à venir » avance Michel Nys. Le prochain séjour est prévu au début de l’automne prochain et  5 nouveaux patients sont déjà sur les rangs. Ils ont tous vocation à rejoindre prochainement le groupe de pairs que réuniront prochainement le Dr Verger et le Chef du Pôle des Usagers.

0 commentaires
Envoyer un commentaire