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Pierre Christel : « Cette exposition va créer une cote pour l’émail »

10h29 - 30 octobre 2017 - par Info Haute-Vienne

[caption id="attachment_228454" align="aligncenter" width="640"] « Dix-huit pièces créées en neuf mois ».[/caption]

L'émailleur Pierre Christel expose à Limoges dix-huit vases et pièces de forme Art Déco. Un événement à ne pas manquer.

Info. Comment avez-vous débuté votre carrière d'émailleur ? Pierre Christel. J'ai commencé par hasard voilà une vingtaine d'années. Mon père était émailleur à Limoges, je me suis amusé avec son four et quelques poudres d'émail. Ce mode d'expression ne me plaisait pas au début, mais je me suis pris au jeu et j'ai appris en autodidacte. J'ai toujours refusé de demander conseils à mon père, je voulais apprendre seul avec les échecs que cela engendre. Je commence tout juste à maîtriser l'émail ! Il m'a fallu quatre à cinq ans pour créer des pièces intéressantes et je ne savais pas que j'aurai autant de choses à prendre. Aujourd'hui encore, je ne sais pas tout. La remise en question est quotidienne dès lors qu'on est curieux. Ce métier que je « vomissais » est devenu une véritable passion : si on me l'enlève, je meurs.

I. Quel a été votre parcours professionnel ? P. C. Après six ans d'études à l'ENAD de Limoges dont quatre ans en architecture, j'ai intégré une importante agence où j'ai exercé durant quatre ans puis j'ai changé d'orienta-tion dans les années 80 avant de rejoindre la galerie Christel pour créer d'abord des bijoux puis des plaques émaillées mêlant platine, or, argent et cristal. Ma première exposition col-lective date de 2000, à l'Abbaye de Solignac où j'avais présenté une grande croix et une étole car je ne maîtrisais pas les vases. Les échecs m'ont permis d'avancer pour réaliser des vases aboutis bien que subsistent des problèmes techniques. En 2005, j'ai été lauréat de la Fondation Liliane Bettencourt. Bien que je ne voulais pas présenter mes vases à l’étranger, j'ai été sollicité pour exposer à Saint-Petersbourg au Musée de l'Ermitage, à Pa-ris, à Tokyo, en Arabie Saoudite, à Pékin...

I. Pouvez-vous nous présenter sont les étapes de création ? P. C. Le processus serait trop long à détailler mais tout commence sur du papier calque par des formes géométriques. Une fois que les dessins et décors sont prêts, je les donne à un dinandier qui fabrique la forme en cuivre. Ensuite, l'émaillage, le tamisage et les cuis-sons se succèdent, parfois jusqu'à trente-cinq par pièce. Je passe aux décors en les enri-chissant de métaux précieux, or, platine et argent dont la maîtrise technique est très diffi-cile. Je travaille comme un fou sur une pièce et, jusqu'à la dernière cuisson, la pièce peut être ratée de manière irrémédiable. Je ne compte pas mes heures, j'en fais trois en même temps et il me faut un mois à un mois et demi, dimanches et jours fériés compris. Je peux me lever à 5 h et finir à 22 h, cela ne me pose pas de problème, sauf lorsque la fatigue me rattrape à cause du four qui chauffe à 900°. Je ne suis qu'à 50 cm, j'en ressors comme un boxeur après un combat.

I. Quels sont les enjeux d'une telle exposition ? P. C. La précédente remonte à 2009 chez Sotheby's Paris depuis, j'ai été sollicité par des collectionneurs et la vente de vases au Musée de Pékin m'a décidé. Ces dix-huit vases et pièces de forme Art Déco très graphiques sont donc très attendus. J'ai d'ailleurs reçu de nombreux engagements, notamment de la part de la Fondation Liliane Betten-court-Schueller, la DRAC, la Région, la Ville de Limoges le Musée des Beaux Arts, le Mu-sée Adrien-Dubouché... Je suis le seul en Europe à être assez fou pour créer des pièces inédites en neuf mois, la prise de risque financière est énorme, l'investissement intellec-tuel et physique très lourd. Le prix de vente de 3.000 à 7.000 € ne reflète pas leur valeur. Trois vases sont déjà vendus et cette exposition devrait enfin créer une cote pour l'émail grâce à un quatre pages publié par La Gazette Drouot. Exposition jusqu'au 18 novembre, Galerie du Comptoir des savoir-faire, 15 bd Louis-Blanc, du mardi au samedi, 10h à 12h et 15h à 19h.

Corinne Mérigaud Photo © Daniel Borie

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