RCF : Barbara et... Bukowski dans « Vies d'Envies »
Réunir Barbara et Charles Bukowski sur un même générique est un défi improbable que Marco Ferreri pas plus que Roland Romanelli n'ont osé relever. Pour « Vies d'Envies », les circonstances ont favorisé cette association au gré, d'une part, de la célébration des vingt ans de la disparition de la chanteuse, et, d'autre part, du travail proposé par la comédienne Juliette Farout sur des textes d'un écrivain culte dont la vie est jonchée d'éclats poétiques lumineux autant que de cadavres de bouteilles, travail présenté les vendredi 17 et samedi 18 novembre au Théâtre de La Passerelle à Limoges.
Le 24 novembre 1997, Monique Cerf tirait sa révérence. Sans, pour son public endeuillé, pouvoir nourrir l'espoir de la voir honorer les rappels qui, à la fin de ses récitals, l'enveloppaient de tendresse. Femme émancipée, libre, courageuse, mantis religiosa ardente autant que fragile, séductrice insatiable avec l'élégance sincère des prédateurs, Barbara n'affichait que 67 ans. Beaucoup d'heures de vols, beaucoup de brisures pas toujours bien cicatrisées. Des épreuves accumulées dans le premier éprouvant quart de sa vie, elle extrayait sa force, son énergie, son appétit presque tyrannique d'écorchée vive au caractère bien trempé, alchimiste capable de transformer la boue en or, capable de basculer d'un destin tragique à une résilience apaisante, à une existence épanouie et boulimique. La guerre lui avait donné le ton : pauvre et juive, séparée de sa famille, elle contiendra la terreur en multipliant les cachettes.
La suite eut valeur d'acharnement : à dix ans et demi, elle subit l'inceste paternel, puis une mutilation, sein brûlé et main cassé, fracture qui nécessitera sept opérations laissant un doigt atrophié : handicapant lorsqu'il s'agit de plaquer des accords sur un clavier qu'elle apprenait à domestiquer avec la fureur d'une autodidacte fermement déterminée à redresser à son avantage une vie perclus de bleus. Joss Baselli, William Sheller, le Limougeaud Patrice Peyrièras, Roland Romanelli, Gérard Daguerre, Marcel Azzola, Sergio Tomassi, Eddy Louiss, et Gérard Depardieu seront ses principaux points d'appui musicaux et sentimentaux... Parmi les ouvrages célébrant Barbara, celui signé par Jérôme Garcin est sans doute le plus sincère et touchant (« Barbara, claire de nuit ») tandis que des artistes du cru, telles que Pascale Fermon et Bernadette s'appliquent régulièrement à faire vivre son formidable répertoire.
Né en Allemagne en 1920 d'un couple se déchirant, régulièrement frappé par son géniteur, Charles Bukowski se forgea dès l'enfance une personnalité tourmentée d'exclu, de rejeté. Influencé par John Fante, Céline, Camus, Dostoïevski et Hemingway autant que par Gustav Malher, sa vie s'inscrira dans une fuite permanente imprégnée d'alcool, d'une recherche désespérée d'amour et de sexe. Son parcours chaotique le conduira de New York à Los Angeles où il accumulera les expériences les plus hasardeuses, postier un jour, et chemin faisant, conférencier, poète et écrivain de plus en plus considéré.
Avant de mourir d'une leucémie le 9 mars 1994 à San Pedro (sur sa tombe, cette énigmatique épitaphe « Don't try » : n'essaie pas...), il laissera une œuvre considérable surlignée par deux films, en 1981 « Contes de la folie ordinaire » de Marco Ferreri avec Ben Gazzara et Ornella Mutti, et en 1988 « Barfly » de Barbet Schroeder avec Mickey Rourke et Faye Dunaway. La comédienne Juliette Farout a choisi de mettre en exergue le Bukowski poète : une louable démarche soutenue par Michel Bruzat et Franck Roncière et à découvrir à La Passerelle...
« Vies d'Envies », de Chris Dussuchaud, sur RCF Limousin : jeudi 16 novembre de 20 h à 22 h, rediffusion dimanche 19 de 16 h à 18 h (99.6 à Limoges, 100.2 à St-Yrieix, 107.4 à Bellac, 105.8 à St-Junien, 95.8 à Guéret, 89.4 à Aurillac, 91.4 à Brive, 106.9 à Tulle et Egletons, 102 à Ussel, 89.3 à Argentat).
0 commentaires