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Call me by your name

23h14 - 05 mars 2018 - par Info Haute-Vienne

Dans la chaleur d’un été italien, une romance délicate entre un adolescent et un étudiant. Nord de l'Italie, été 1983. Les Perlman sont en vacances dans leur villa qui date du XVIIe siècle. Comme chaque année, le père, un professeur d'université, invite l'un de ses plus brillants élèves à passer les vacances avec sa famille. Oliver, brillant doctorant, sportif, intelligent et séduisant. Elio, le fils de 17 ans aime lire, écouter de la musique classique et en jouer au piano, passer du temps avec la jolie Marzia. Mais bientôt la présence d'Oliver qui, dans un premier temps l'agace, éveille en lui des sentiments inattendus qui pourraient bien être réciproques. Déjà remarqué avec des films beaucoup moins accessibles, « Amore » et « A Bigger Splash » (un remake de « La Piscine »), qui déjà exploraient la révélation du désir, l'italien Luca Guadagnino réalise ce qui devrait rester comme l'un des films les plus émouvants sortis en 2018 et qui lui est très personnel. « Dans mes deux premiers films autour de cette thématique, le désir était associé à la possession, au regret, au mépris et au besoin d’émancipation. J’ai voulu l’explorer ici à travers le prisme d’une idylle de jeunesse. Elio, Oliver et Marzia naviguent dans les eaux troubles d’un amour qui, comme l’a jadis décrit Truman Capote, n’ayant pas de géographie, ne connaît pas de frontières.C'est également un hommage aux figures paternelles qui m’ont guidé tout au long de ma vie : mon propre père évidemment, mais aussi mes pères de cinéma : Renoir, Rivette, Rohmer ou Bertolucci ». Cet éveil aux sens d'un adolescent attiré par un étudiant plus âgé est marqué par une grande sensibilité et une pudeur pour évoquer une relation trouble. Le récit se déroule à son propre rythme, captant l'indolence d'un été solaire, chaud et léger. Pourtant ce sont des sentiments plus grands que nature qui se dévoilent sous nos yeux. Se montrant d'abord hostile à leur hôte, Elio se met à tourner autour de lui, à guetter sa présence, à être constamment près de lui. Oliver semble le fuir, puis s'en rapprocher aussi. Sont-ils amis ? Espèrent-ils plus tous les deux ? Le jeune Timothée Chalamet, franco-américain de 23 ans dans son premier rôle majeur (il est Elio), explicite leurs hésitations : « Elio et Oliver se livrent au jeu universel du chat et de la souris, ils se testent, hésitent et doutent comme tous les gens qui sont attirés l’un par l’autre mais ignorent si le sentiment est réciproque. Ils ont aussi des appréhensions légitimes liées au fait qu’à l’époque, les relations comme la leur n’étaient pas tolérées, encore moins encouragées ». La vérité des sentiments du duo se dévoile sur les visages de Armie Hammer et Timothée Chalamet. Ils n'en rajoutent pas, leur jeu retenu, riche en regards détournés, fuyants ou appuyés suffit à dévoiler leurs tourments intérieurs. Leur duo est parfaitement campé, dans leurs hésitations et leurs prises de risque, dans ce qu'ils espèrent et ce qu'ils n'osent assumer. Le plus âgé des deux n'est pas forcément le plus fort, sa vie étant déjà ancrée dans une certaine orientation. Armie Hammer en expose toutes les failles et les rares assurances. Timothée Chalamet, franco-américain plus que prometteur, est en lice pour l'Oscar du meilleur acteur, une rareté à son âge. Sa maturité et son dévouement sont salués par ses partenaires, à commencer par celui qui partage avec lui des scènes d'amour délicatement composées. « À mon arrivée en Lombardie, j’ai entendu quelqu’un jouer du piano et quand on m’a dit que c’était Timothée, j’ai immédiatement voulu le rencontrer». Michael Stuhlbarg, son père dont le monologue final est magnifique d'intelligence et de retenue ajoute : « Timothée était imprévisible, différent à chaque prise. Il était impossible de savoir ce qu’il allait faire et c’était passionnant à regarder. » L'écriture finement ciselée est signé d'un maître des relations amoureuses feutrées, le réalisateur James Ivory («Les Vestiges du jour»), bientôt 90 ans, qui a adapté un roman écrit par André Aciman. On tremble avec et pour ce duo, sans trop s'inquiéter pour eux malgré la profondeur des sentiments et des désirs. Pascal Le Duff

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