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C’est ma prière

00h16 - 20 mars 2018 - par Info Haute-Vienne

« La Prière », de Cédric Kahn, guide pour sortir de l’enfer de la drogue par la foi et la prière. Thomas, 22 ans, rejoint une communauté isolée dans la montagne, où d’anciens drogués se soignent par la prière. Le règlement est rigide, difficile à accepter pour ces marginaux. Il leur est interdit d'être seul, ne serait-ce qu'une minute. Son intégration est difficile, il essaie de partir mais après avoir croisé la jolie Sibylle, il se décide à rester. Pourtant agnostique, Cédric Kahn a une approche documentaire, non critique, sur le mode de fonctionnement de cette cure de désintoxication par la foi, détaillant au plus près les divers rituels et actions en commun. « N’étant ni croyant, ni chrétien, ni ex-toxicomane, il fallait que je trouve ma propre porte d’entrée vers ce sujet. Avec mes scénaristes Samuel Doux et Fanny Burdino, nous avons tout repris : la lecture des psaumes, la documentation, les rencontres avec des jeunes gens qui ont vécu ce genre d’expériences. On a parlé avec des types sortis d’affaires depuis longtemps qui nous ont parlé de leur rapport persistant à la foi. Samuel est allé à la rencontre de jeunes gens en pleine expérience, observé leurs rituels et leurs disciplines de vie, recueilli leurs témoignages. Nous avons d’emblée pris quelques décisions fortes, comme de centrer le récit sur la trajectoire d’un seul garçon dont on ne saurait rien et qui deviendrait au fil du récit le symbole de tous les autres, une figure emblématique. Que le film commencerait à son arrivée et finirait à son départ, l’avant et l’après devenant le hors-champ du récit. Et de créer ce lieu isolé, en pleine montagne, consacré à la prière, avec ses propres règles et son propre temps, hors des contingences du monde ». Anthony Bajon a reçu le prix d'interprétation au Festival de Berlin pour sa performance complexe de jeune homme perdu, entre l'enfance et l'âge adulte, qui tente de se forger un nouvel avenir sous les injonctions d'un curé et d'une mère supérieure frappante (dans tous les sens du terme) mais aussi sous la surveillance constante de ses camarades. Les motivations de son investissement resteront troubles jusqu'au bout. Le jeune homme est montré avant tout comme s'il tentait de remplacer son addiction par une autre, la croyance en une force supérieure ou une relation amoureuse. Anthony Bajon, relatif débutant vu dans des petits rôles dans «Les Ogres», «Maryline» et «Rodin», apporte un mystère bienvenu à son jeu. « Je cherchais un garçon avec beaucoup de présence, d’intensité, de violence, mais aussi une forme de candeur, un lien fort à l’enfance. Et qui soit assez indéfinissable socialement. Un acteur capable d’habiter les creux du récit. Autant dire beaucoup de qualités pour un jeune comédien. Et pour moi, Anthony avait tout ça ». Sa performance et les doutes sur ce qui le pousse à s'en sortir sont les principales qualités de cette œuvre, presque indépendantes des intentions du réalisateur. Il manque un point de vue plus marqué de sa part sur cette thérapie, filmée de façon bien trop bienveillante, comme s'il n'avait pas d'opinion. « Rien n’est imposé au spectateur, il a toujours la possibilité de forger sa propre conviction, même dans la scène de miracle. Les images créent cette subjectivité, cette illusion. Les chants en chapelle, les marches dans la montagne, l’écho dans le brouillard : avec les moyens du cinéma, je pensais qu’on pouvait faire ressentir la présence, l’invisible. Je n’ai aucune certitude. Je respecte les gens qui sont croyants et, par certains aspects, je peux même les envier. La foi est une affaire intime qui, par beaucoup d’aspects, dépasse largement le cadre des religions. Si on y pense, tout est question de foi dans la vie, l’amour, la passion, l’engagement. Moi par exemple, je crois en la mystique du cinéma. Une séquence réussie, c’est toujours un miracle, la conjonction un peu magique des éléments ». Si l'on peut être déçu par le manque de regard critique du cinéaste qui ne remet aucunement en cause cette communauté aux méthodes de désintoxication problématiques, le film a le mérite d’être réalisé avec un sens certain du cinéma. Le tournage s'est déroulé dans un cadre idyllique, joliment mis en valeur pour accentuer le trouble de la guérison. « Je voulais de la montagne, du paysage, un sentiment d’isolement, mais aussi d’espace, d’éternité. On a cherché dans les Pyrénées, dans les Alpes. Et on est arrivé dans le Trièves, en Isère, un plateau large entouré de montagnes à 360°. Un lieu magique, préservé, mélange de beauté et de rudesse. L’endroit idéal pour raconter cette histoire ». Pascal Le Duff

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