Bertrand Venteau
Les agriculteurs sont les premières victimes des conséquences du réchauffement climatique. Contraints de s'adapter pour survivre et continuer à produire, ils adoptent des pratiques plus vertueuses. Entretien avec Bertrand Venteau, le président de la Chambre d'agriculture de la Haute-Vienne.
Êtes-vous inquiet de la sécheresse qui touche le département ?
Depuis le début de l'année, la pluviométrie est à la moitié de ce qu'elle devrait être. La hausse des températures accélère le dessèchement de la terre et les orages n'ont pas été assez fréquents pour espérer sauver la situation. Nos demandes de classement de la Haute-Vienne en calamité naturelle sont en cours d'examen par la préfecture.
Êtes-vous victimes du dérèglement climatique ?
Nous subissons la combinaison de plusieurs effets : des printemps plus secs et plus froids, avec des gelées tardives qui ont un impact sur les productions arboricoles et les cultures de céréales, notamment le maïs très gourmand en eau et bien évidemment sur la récolte du foin.
La réserve hydrique du plateau de Millevaches n'agit plus ?
Depuis 10 ans, les exploitants constatent, lors des premiers labours, que le taux d'humidité des sols diminue nettement car le château d'eau naturel que constituait le Limousin subit de plein fouet le dérèglement climatique. Depuis la publication d'une nouvelle réglementation, le stockage de l'eau pour pallier les besoins d'irrigation de l'été n'est plus possible. Cette loi sur l'eau est une imbécillité car elle empêche de préparer les agriculteurs aux défis climatiques des 50 prochaines années.
Cette pratique ne nuit-elle pas à l'alimentation des nappes phréatiques ?
En Limousin, nous pratiquions des réserves colinéaires, qui consistaient à creuser un trou en fond de vallée pour récupérer une partie des eaux de ruissellement. En cas de besoin, les agriculteurs pouvaient puiser dedans. Ce système était économe en énergie et avait peu d'impact sur l'environnement.
Comment abreuvez-vous les animaux lors des fortes chaleurs ?
Nous utilisons les mares, mais également les captages d'eau, qu'il faut développer, pour fournir des abreuvoirs dans les prés. La Chambre a aidé plus de 380 travaux d'aménagement d'abreuvement pour les animaux, notamment dans le nord du département qui est confronté à de gros problèmes d'approvisionnement en eau, tant en quantité qu'en qualité. Mais il faut en créer d'autres, car les périodes de canicule arrivent de plus en plus tôt dans la saison. Cela évite de pomper l'eau du réseau d'eau potable, car nous craignons que dans certaines zones en tension, les collectivités ferment les vannes destinées à alimenter les animaux.
Envisagez-vous des cultures plus adaptées au changement climatique ?
Les agriculteurs savent s'adapter. Nous ensemençons nos prairies avec des légumineuses, nous développons également la culture du miscanthus comme alternative à la paille, car c'est une plante résistante et peu exigeante. Mais aucune plante ne peut pousser sans eau. La Chambre d'agriculture aimerait redonner un avenir aux friches agricoles, y compris en zone urbaine, pour du maraîchage, du pâturage ou servir de source pour la biomasse.
La méthanisation constitue-t-elle un débouché pour les agriculteurs ?
Oui. Aujourd'hui, nous disposons de neuf méthaniseurs détenus par des paysans, qui peuvent assurer l'autonomie en gaz et électricité de plus de 10 000 foyers en Haute-Vienne. Nous y sommes très favorables, car les agriculteurs ont toujours eu pour vocation de produire l'alimentaire et l'énergie. En Haute-Vienne, la méthanisation est vertueuse, car elle est réalisée à partir des déjections animales. Il faudrait équiper chaque ferme, car cette production d'énergie amène un revenu complémentaire.
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