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« Alerte rouge pour le logement »

19h00 - 22 mai 2024 - par Anne-Marie MUIA
« Alerte rouge pour le logement »
Pierre Massy, président de la CCI, a ouvert la conférence (© CCI Limoges Haute-Vienne)

Comme chaque année, la CCI de Limoges et de la Haute-Vienne avec le CiLim 87 ont présenté les résultats de l'Observatoire de l'immobilier pour le département.

«En ce début d'année 2024, le contexte économique général reste incertain. Les marchés immobiliers n'échappent pas à cette tendance avec une forte contraction de leurs activités. Afin d'atténuer les effets de cette crise, il faut poursuivre, et même renforcer, le travail mené entre les professionnels de notre territoire. Nous devons aussi travailler sans relâche pour dynamiser l'attractivité de notre département afin de séduire des entreprises et de faciliter leur implantation en leur proposant de l'immobilier et du foncier, tout en respectant les exigences fixées par le ZAN (zéro artificialisation nette) de la loi Climat et résilience adoptée en août 2021 », explique Pierre Massy, le président de la CCI de Limoges et de la Haute-Vienne.

Crise globale du logement

Candy Réjasse, la nouvelle présidente du CiLim, lance une « alerte rouge » : « L'Alliance pour le logement, qui regroupe 10 organisations professionnelles majeures du logement, dénonce les difficultés qui impactent les Français : blocage du parcours résidentiel, freins à la mobilité professionnelle, difficultés d'acquérir son logement pour ceux qui souhaitent être propriétaires, réduction de l'offre locative sociale et privée, nombre d'agréments HLM au plus bas et demandeurs au plus haut, complexification (bien que repoussée pour quelques mois) de MaPrimRénov... Le logement subit une crise désormais globale. Toutes les décisions qui seront prises pour soutenir le secteur n'auront d'effet que dans 18 mois, au mieux, laissant devant nous au moins deux années sombres. Il est donc indispensable que notre Gouvernement place le logement au cœur de l'agenda politique. Nous avons besoin de mesures rapides et d'un cap clair pour les prochaines années afin de relancer la production de logements qui, en 2023, était au niveau de la production de l'année 1990 ! ».

Foncier

et construction neuve

Dans la région, les terrains ont connu une augmentation de prix en 2022 qui se confirme en 2023. Cependant, les acteurs de la promotion foncière réagissent aux multiples crises du secteur en baissant légèrement les prix de ventes afin d'écouler les stocks. Quelques opportunités sont à venir qui seront de courte durée car la ZAN ampute à long terme le nombre de terrains disponibles pour la construction de l'habitat privé.

Pour leur part, les mises en chantier et la commercialisation des programmes atteignent des niveaux historiquement bas sur l'ensemble du territoire national. Les ventes de logements neufs aux particuliers poursuivent leur repli à -40 % sur un an et le délai d'écoulement des stocks, à 23 mois, est au plus haut. À la crise de la demande s'est ajoutée, par ricochet, une crise de l'offre. Dans le sillage de cette tendance, les ventes ont chuté de 57,67 % en Haute-Vienne en 2023, après une baisse 59 % en 2022. Avec l'inflation des coûts de construction, de la charge foncière et de l'impact de la hausse du coût de l'argent sur le portage des opérations, les prix de vente des logements neufs avoisinent les 4 000 €/m2. En parallèle, la hausse des taux d'intérêt et le marché de la revente morose ont « désolvabilisé » les acquéreurs.

Vente dans l'ancien

D'après les chiffres du service de la publicité foncière, le nombre total d'actes de vente enregistrés en Haute-Vienne a nettement fléchi, de 16 % sur un an. Pour les locaux d'habitation, la baisse est de 14 % entre 2022 et 2023. Le nombre de ventes en l'état futur d'achèvement (VEFA) est descendu à 97, un niveau très bas.

Les raisons de cette baisse ont eu d'autant plus de poids qu'elles étaient concomitantes : taux d'emprunt finissant leur course à 5 %, inflation galopante, flambée des prix de l'énergie et des charges, audits énergétiques, contexte géopolitique inquiétant...

Pour les appartements, les prix des petites surfaces ont bien résisté (environ 2 à 6 % de baisse sur les studios/T2/T3) quand les prix des grands appartements ont chuté de 20 à 30 %. Peut-être l'impact de la hausse des charges sur les prix de vente des grands appartements ? Pour les maisons de Limoges et de la première couronne, la baisse des prix se cantonne à environ 10 % alors que les plus petites surfaces (T3/T4) ont marqué le pas avec une baisse moyenne de 15 %. Ce sont bien les petits ménages qui ont les plus été impactés par ce marché. Ceux qui ont rapidement compris que les prix devaient être corrigés ont moins souffert des conséquences de ce marché baissier.

« Il s'agit bien d'un marché baissier et non d'une crise immobilière comme vécue en 2008. Nous revenons à des volumes de ventes classiques, à un marché moins euphorique et moins ''facile''. Certes, le marché de l'ancien a souffert mais n'a pas dévissé comme le neuf. Nous ne devons pas parler de crise mais de réajustement et peut-être même, sans langue de bois, d'un retour à la normale. Nombre de projets n'ont pu éclore aussi vite que précédemment. Les taux et la demande d'un apport auront impacté plus fortement les jeunes ménages. Mais l'envie de devenir propriétaire et d'investir reste intacte. Le projet se fait plus lentement mais peut-être plus sûrement ? Visiter plusieurs biens avant d'acheter ou analyser le rapport qualité /prix d'un logement fait partie des choses normales dans le processus d'acquisition ou de vente. Enfin, faisons preuve d'optimisme : en ce début 2024, les taux d'emprunt envoient un signal encourageant pour les prochains mois... », corrige Béatrice Loizeau d'Orpi agence conseil.

Le locatif

Pour Dominique Renaudie, de l'agence Habitat Service, « l'offre locative est au cœur de la crise » : « Au mois d'août 2023, un sondage de la FNAIM auprès de ses adhérents lançait l'alerte avec une baisse de l'offre locative de 34 % sur 2 ans et une augmentation de la demande de 23 %. Les jeunes actifs et les étudiants sont les premières victimes. Moins impactée que d'autres territoires, la Haute-Vienne n'est pas épargnée. Avec 6,5 millions de logements, le parc locatif privé représente 23 % de l'ensemble des résidences principales. Il est détenu par 3 millions de propriétaires, qui logent majoritairement des jeunes actifs, des étudiants et des retraités. Chaque année, ils reversent 11 milliards d'euros d'impôts et taxes sur les 49 milliards d'euros de loyers. Les nouvelles obligations de rénovation énergétique et les hausses de la taxe foncière viennent s'ajouter. Beaucoup jettent l'éponge faute de trouver un équilibre économique. Ainsi, l'offre locative s'appauvrit alors que les difficultés pour les primo-accédants gèlent la rotation du parc. Très souvent promis et toujours différé, le statut fiscal du bailleur privé est la réponse de fond ».

Valérie Lavaud de Citya Durivaud et Véronique Brunet de Foncia Val de Vienne observent « une hausse du nombre des lots vacants par rapport à 2022 avec une baisse du nombre de locations. Comme prévu, nous avons eu une hausse des préavis sur les appartements énergivores construits avant les années soixante-dix. Ces logements, dont nous avons baissé les loyers pour compenser la hausse des charges et pour lesquels nous avons effectué des travaux, souffrent quand même de désaffection et ne trouvent pas preneur. Pour les loyers, même si nous avons constaté une augmentation de leur moyenne basse, les prix moyens sont restés stables, sauf pour les maisons individuelles dont la demande est toujours très forte avec une hausse plus importante des loyers ».

Pour 2024, une hausse généralisée des loyers est constatée. La demande locative à Limoges reste soutenue, mais une baisse nette de la solvabilité des clients et le nombre de refus de dossier augmentent. La loi climat et résilience va continuer à impacter le marché, même si un ajustement du modèle de calcul du DPE a été annoncé à partir du 1er juillet 2024 pour les logements de moins de 40 m² afin d'améliorer l'étiquette des logements qui sont exclus du marché. Cela concernera 140 000 logements en France. Une simulation est possible sur le site de l'ADEME mais il est difficile de prévoir l'impact sur le stock de logements énergivores vacants. Le marché des logements récents restera plus tendu, avec une baisse du nombre de livraison de logements neufs en 2023 et en 2024. « Malgré tout, Limoges restera attractive cette année encore. Nous ne souffrons pas de pénurie de logements et l'augmentation des loyers, même si elle est réelle, reste mesurée par rapport à l'ensemble du territoire », concluent les deux professionnelles.

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