Deux générations sur le même balcon (Dossier spécial seniors)
Alors que les frais destinés au logement restent la dépense qui pèse le plus dans le porte-monnaie des Français, les conditions d'accès à un appartement se compliquent de génération en génération.
Aujourd'hui, des garanties strictes sont exigées par les propriétaires : a minima, des fiches de paye attestant d'un revenu mensuel au moins trois fois supérieur au montant du loyer. Certains n'hésitent pas à basculer de l'indiscrétion à la discrimination en affichant leurs prétentions sur la Toile. Ainsi, des locations « pour situations stables » sont proposées à de potentiels locataires aux « CDI demandés ». Les agences immobilières, moins regardantes, jouent les passeurs et laissent une facture salée de 13€/m2. Dans ce contexte difficile, trouver un appartement peut s'avérer très compliqué pour les étudiants, encore inactifs sur le marché de l'emploi.
La cohabitation intergénérationnelle se présente alors comme une alternative innovante qui propose une même solution à deux problèmes de société. D'un côté, les difficultés que rencontrent les jeunes de moins de 30 ans pour se loger ; de l'autre, l'isolement dont sont victimes les seniors. Cet échange de bons procédés semble donc favorable aux deux tranches d'âge : l'une sans le sou, l'autre vulnérable.
Gagnant- gagnant
Opter pour un logement intergénérationnel comporte de nombreux avantages. Pour les personnes âgées qui proposent de partager leur logement, cohabiter signifie maintenir un lien social dynamisant, entretenir des échanges au quotidien et se sentir sécurisées en cas d'imprévus. Si la cohabitation procure un complément de revenus pour certains, d'autres au contraire n'exigent aucune participation aux frais et mettent en avant l'aspect humain de cette aventure transgénérationnelle.
Du côté des jeunes, notamment ceux qui quittent le foyer familial pour la première fois, cette solution est également un rempart contre la solitude qui résulte de leur arrivée dans un nouvel environnement. En plus de rassurer leurs parents, ils auront l'assurance d'investir un logement confortable, de courte durée et à un prix défiant toute concurrence : un bénéfice non négligeable à une période qui leur demande de la mobilité et de faibles dépenses. Ce mode de vie peut également s'avérer efficace pour des jeunes travailleurs amenés à exercer une activité à temps partiel, dans une ville éloignée de leur domicile. Mais cette colocation atypique est avant tout l'occasion précieuse d'entretenir un dialogue régulier avec leurs aînés et d'acquérir une meilleure connaissance de cette génération et de ses besoins. Resserrer les liens sociaux à travers les aléas du « vivre ensemble » semble bien l'objectif principal de ce dispositif.
Dispositif encadré
Cette initiative sociale et citoyenne voit sa cote de popularité grimper en flèche depuis plus de dix ans. Pour chapeauter les binômes, des associations se sont développées partout en France. Elles se chargent de mettre en relation les hébergeurs et les hébergés en fonction de leur profil et de leurs attentes, et veillent au respect de valeurs mutuelles. Entre-aide et convivialité sont les piliers d'un engagement réciproque officialisé sous forme de charte. Au lendemain de la canicule de 2003, ces structures locales et régionales se sont fédérées au sein du réseau CosI. Alertées par la vague de décès causés par les fortes chaleurs, les associations ont décidé de mettre en place une alternative durable afin de lutter contre l'isolement des seniors.
Aujourd'hui, il existe deux modèles principaux de cohabitation solidaire intergénérationnelle. Une formule exempte de loyer, dans laquelle le jeune s'engage à être présent le soir et à aider la personne âgée dans certaines taches (faire les courses, le ménage, cuisiner, sortir les poubelles...). Cet accord est en partie tributaire de l'autonomie du senior mais, dans tous les cas, le colocataire ne se substitue pas à une aide à domicile ou à un accompagnement médicalisé, tout comme son aîné ne devient pas son assistante sociale. Vous pouvez également opter pour un format plus « traditionnel », où l'étudiant est hébergé à domicile en échange d'un petit loyer ou d'une participation aux frais (entre 70 et 200€ par mois). Le jeune est alors complètement indépendant mais doit toujours être en mesure de respecter ses engagements en s'investissant durablement dans l'élaboration d'une vie quotidienne faite d'écoute et de partage. Le retraité, lui aussi, doit être capable de s'adapter au mode de vie de son hôte afin de construire un équilibre à deux.
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