Gueule d’ange
Marion Cotillard, mauvaise mère ou juste une femme un peu paumée ? Réponse à cette interrogation dans « Gueule d’ange ».
Elie, huit ans, vit avec sa mère Marlène, un peu trop portée sur la bouteille. Promise à un avenir plus radieux, elle sabote son mariage le soir des noces en couchant avec un autre homme sous le regard de son mari. Lorsqu’elle rencontre un autre homme dans une boîte de nuit, elle disparaît. Sa fille se retrouve seule et reproduit à son échelle les errances de sa mère. Vanessa Filho accumule pour son premier film malheurs et douleurs dans ce récit de la déchéance d'une quadragénaire célibataire qui s'échine à le rester. Elle se fabrique des problèmes, comme si les émissions de télé-réalité qu’elle ingurgite à longueur de journées, affalée devant le canapé étaient pour elle un mode d’emploi sur comment vivre sa vie. Marion Cotillard a hésité avant d'accepter le rôle. « J’étais dans une période où je ne voulais pas travailler. Mon agent a insisté pour que je lise ce projet parce que c’était sublimement écrit, simple et fort. J’ai été tentée et j’ai effectivement trouvé ça magnifique. Les dates de tournage n’étaient pas compatibles avec des projets familiaux mais Vanessa ne pouvait pas les changer. J’ai décidé de relire le scénario en pensant que la réponse s’y trouverait. J’ai ouvert mon ordinateur et je me suis rendu compte que dans l’email contenant le script, il y avait des images d’enfants, de fête foraine, du sud de la France, tournées par Vanessa. J’y ai vu la grâce et quelque chose de tellement puissant que j’ai refermé mon ordinateur et j’ai appelé pour dire oui ». La comédienne joue une cagole très blonde, haute en couleur et épuisante, dans ce drame racheté par ses ellipses qui permettent d’éviter l’excès de complaisance parfois approché. Le portrait est chargé mais elle lui apporte de la nuance en imaginant un passé mystérieux pour le spectateur mais qui permet à Marion Cotillard de la comprendre. « J’arrive à comprendre que le tumulte de la vie pousse une femme à partir et à abandonner son enfant. Ce que j’ai du mal à comprendre en revanche, c’est qu’on puisse partir et ne pas revenir. La vie est totalement bouleversée par l’arrivée d’un enfant que le besoin de s’échapper est humain. J’ai toujours besoin d'imaginer un passé à mes personnages, tous nourris par leur enfance, c’est ma manière de l’enrichir. Vanessa avait inventée une partie de sa vie et l’a racontée. Sur cette base j’ai imaginé des scènes dont je me suis servi pour lui donner de la consistance. J’avais besoin de savoir comment son enfance s’était passée, car je me disais qu’elle s’inscrivait dans la lignée de femmes de cette famille qui déraillent ». Ayline Aksoy-Etaix se voit confier la lourde tâche de rendre attachante une enfant dont l’éducation nuit à son innocence. Le personnage le plus humain est le forain passionné de plongeon qui pourrait devenir un père de substitution. Alban Lenoir est très juste, malgré un problème de santé qui ajoute du mélodrame à un récit qui n'en manquait déjà pas. Malgré des réserves sur l'originalité du scénario, la performance de Marion Cotillard et sa façon de la défendre permettent de poser un regard bienveillant sur son personnage et son univers. Pascal Le Duff
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