Enfant comme adulte : l'important, c'est de (continuer à) croire
C'est le temps du calendrier de l'Avent, de la liste au père Noël et des premières préparations avec le sapin, les décorations... en attendant la nuit du 24 décembre. Interview de Maëla Kerbrat, psychologue clinicienne à Limoges, qui donne des clés pour mieux comprendre et décrypter cette « magie » du passage du vieil homme à la grande barbe blanche.
Pourquoi croire au père Noël est-il important pour les enfants ?
« Croire » tout court est important, croire à un mythe de société comme le père Noël ou croire à la magie des contes de fées. Raconter des histoires, comme tout ce qui entoure l'histoire du père Noël, nourrit l'imaginaire des enfants qui est très précieux. Croire au père Noël, c'est également participer à un mythe collectif et donc développer un sentiment d'appartenance. On peut par ce biais considérer les notions de transmission et de traditions. Le mythe collectif existe à la fois au niveau sociétal et au sein de la famille. Les traditions permettent d'ancrer ce sentiment d'appartenance qui se traduit par « Chez nous, on fabrique des sablés alsaciens uniquement au moins de décembre », « Chez nous, on laisse toujours un verre de lait pour le père Noël ». On transmet l'histoire familiale, le partage, parfois aussi des valeurs fondamentales comme la solidarité. Et puis c'est aussi désirer, sentir la magie augmenter à mesure que décembre se consume. En effet, toutes les décorations de Noël sont en place plusieurs semaines avant Noël et pourtant... il va bien falloir patienter ! Or, dans notre société où tout est accessible très rapidement, c'est un sacré apprentissage. La tradition du calendrier de l'Avent accompagne cette attente et participe à l'escalade du plaisir : émotionnellement, c'est crescendo.
La petite souris comme le père Noël participent-ils à la construction de l'enfant ?
Oui, ils y participent chacun à leur manière. La « pensée magique » représente une étape considérable et normale du développement de l'enfant. Jusqu'à environ 7 ans, l'enfant croit aux fées, aux dragons, aux fantômes, aux amis imaginaires, et il croit qu'il peut modifier son environnement rien qu'à travers ses pensées. C'est très important dans la résolution de problèmes ou dans la gestion de la peur par exemple : l'enfant va faire appel à tout ce qui a nourri son imaginaire pour inventer des solutions et s'identifier à des personnages aidants, forts, etc. C'est encore cultiver l'espoir face aux obstacles qui pourront se présenter à lui ; c'est sécurisant de savoir que l'on a accès à des choses bonnes et agréables.
À quel âge peut-on envisager de dire la vérité ?
J'ai envie de penser que tout n'est pas mensonge autour de Noël. Il y a d'abord l'Histoire, la Religion, les croyances de chacun qui, aux yeux des adultes, existent vraiment. Il y a ensuite ce qu'est devenue cette fête culturellement, traditionnellement. Le sapin, la générosité, l'amour partagé, le pain d'épices... Tout cela continue d'exister même après qu'on ait cessé de croire au père Noël ! La révélation de « la vérité » ne doit pas nécessairement être une brutale désillusion. Naturellement, la « pensée magique » laisse place à la « pensée concrète ». L'enfant, aux alentours de 7 ans, parfois plus tôt et parfois plus tard, va alors poser des questions de plus en plus concrètes. Mais comment il va faire pour passer dans la cheminée alors qu'il a un gros ventre ? Mais... où est-ce qu'il va garer son traîneau ? Et les lutins, en fait, ça n'existe pas ! À toutes ces questions, si l'enfant est déjà assez grand, on peut répondre en prenant des détours : « Ah oui, c'est vrai, je ne sais pas trop... Et toi, tu dirais qu'il fait comment ? ». Cela dit, il n'y a ni âge fixe, ni interdit ni obligation !
Comment faire accepter le « mensonge » aux enfants sans qu'ils soient dans la trahison (tout le monde sait sauf moi, les adultes se sont moqués de moi...) ?
Comme je le disais, à travers l'idée que tout n'est pas un mensonge. On peut expliquer ce qu'est un mythe et quel rôle il a, on peut transmettre sa propre histoire d'enfant... Il y a également la notion de « confidence » plutôt que de trahison : on met notre enfant dans la confidence. Notamment s'il y a une fratrie ! Il va ainsi pouvoir participer différemment à cette histoire. Mais surtout, je crois que le plus aisé pour les parents, c'est de faire et dire ce avec quoi ils se sentent à l'aise, en fonction de leur système de croyances et de valeurs.
Pourquoi la « magie de Noël » opère-t-elle même chez les adultes ?
Pour nourrir le besoin fort de réenchantement du monde ! Encore plus dans le contexte social que nous connaissons actuellement. Même le gouvernement semble s'atteler à une mission de « sauver Noël » cette année ! Nous avons besoin de nous émerveiller. Aussi, les fêtes de Noël nous rassemblent et, tout ce dont on a parlé autour de la transmission, du sentiment d'appartenance et du mythe familial... c'est valable aussi pour les adultes. Enfin, on ne peut ignorer la part infantile qui refait davantage surface à cette période et avec laquelle on renoue certainement en devenant parent à son tour, en racontant sa propre histoire... C'est d'ailleurs pour cette même raison que certains, au contraire, rejettent cette période de l'année.
Pourquoi Noël est-il célébré dans les familles athées ou d'autres religions ?
D'abord, Noël n'est pas tout à fait célébré partout. Parfois par choix éducatif, parfois par refus de participer à une fête devenue commerciale, parfois pour des raisons religieuses ou athéistes. Ensuite, Noël est aujourd'hui devenu une fête culturelle et plus uniquement chrétienne. Tout le monde n'installe pas une crèche chez soi et pourtant, le 25 décembre est un jour férié national et des sapins sont installés sur toutes les places publiques de France.
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