Les salles obscures reviennent dans la lumière
Depuis le 19 mai, il est à nouveau possible de prendre son ticket, de s'installer dans un fauteuil devant un maxi-écran et... de se faire un cinéma, comme on dit !
«Je ne sais pas si j'ai manqué au cinéma français mais à moi le cinéma français a manqué follement, éperdument, douloureusement », lançait Annie Girardot, émue aux larmes, récompensée pour la première fois pour son rôle dans « Les misérables » de Claude Lelouch, lors des César en 1996.
Eh bien, pour nous, c'est pareil : le cinéma nous a manqué follement, éperdument, douloureusement. Avec 213,3 millions d'entrées en 2019, les salles obscures tiennent une place prépondérante dans les loisirs des Français, qui aiment s'y rendre pour se divertir, pour rire, pour s'ouvrir à d'autres cultures, pour rêver, pour apprendre, pour réfléchir, pour ne pas oublier... La fermeture des salles a laissé un grand vide chez les petits comme les grands, chez les spectateurs occasionnels comme les cinéphiles. Alors depuis le 19 mai, même si des restrictions sanitaires sont encore en vigueur, le public est revenu sans attendre dès le premier jour de réouverture. Pour se faire plaisir mais également pour soutenir une industrie, un secteur économique en souffrance depuis le début de la pandémie.
À Limoges
Bruno Penin, le directeur des 31 salles Grand Écran et Lido, l'a constaté : « La réouverture s'est plutôt bien passée, ce qui est très encourageant. Nous avons eu des retours positifs avec des spectateurs qui ont envie de ressortir, de retrouver leurs habitudes. Même si nous avons rouvert avec une jauge à 35 %, nous sommes passés à 65 % le 9 juin, pour atteindre les 100 % au 30 juin. Les séances sont limitées à deux par jour, alors qu'à la normale, nous en proposons quatre par jour, ce qui peut avoir une petite incidence mais à relativiser car la période mai-juin est la plus faible de l'année. Le nombre d'entrées est, pour l'instant, deux à trois fois supérieur à 2019 ».
À l'affiche
Depuis mars 2020, la sortie d'une multitude de longs métrages a été reportée, donc actuellement les films se pressent pour être à l'affiche. « Adieu les cons » par et avec Albert Dupontel et Virginie Effira (récompensé de sept César en mars dernier), « The Father » de Florian Zeller avec Anthony Hopkins, ou encore « Nomadland » de Chloé Zhao avec Frances McDormand, David Strathairn... rencontrent un beau succès auprès du public. Les enfants apprécieront, à partir du 30 juin, « Pierre Lapin 2 » et « Hôtel Transylvanie 4 », qui débarquera en salles le 21 juillet. Certains films sont très attendus comme « OSS 117 en Afrique noire » (4 août) ou « Kaamelott : Premier volet » (21 juillet). Outre ces productions plutôt commerciales, « la situation est plus difficile pour les petits distributeurs indépendants que nous programmons pour faire preuve de solidarité et pour leur générer un peu de recettes », souligne Bruno Penin.
Impact financier
Avec près de 11 mois de fermeture en un an et demi, les cinémas ont dû faire face, en faisant appel aux mesures de chômage partiel, seuls 30 % de recettes ont été enregistrés en 2020. « Nous avons fait le dos rond et les aides au monde de la culture ont permis de passer le cap sans trop de dégâts. Nous savons qu'il faudra un an à un an et demi pour regagner 70 à 80 % du public, sachant que 20 % a pris l'habitude de regarder des films à la télé depuis les confinements, analyse le directeur des Grand Écran. Avec la perte de revenus lors du chômage partiel, la priorité est donnée aux vacances. Et un abonnement à une plateforme de téléchargement revient moins cher qu'un ticket de caisse ».
À noter que le « Pass Culture » permet aux jeunes d'avoir accès l'année de leurs 18 ans à une application sur laquelle ils disposent de 300 € pendant 24 mois pour découvrir et consommer de la culture... donc du cinéma !
Au Dorat
Géré en régie municipale, en étroite collaboration avec l'association « Dorat cinéma » pour l'animation, « Le Cinéma », qui cumule 8 000 à 9 000 entrées/an, a lui aussi bénéficié d'une forte fréquentation à l'ouverture avec « Adieu les cons », ce qui a surpris Fouad El Machkour, le directeur : « On ne s'y attendait pas. Les spectateurs étaient contents, se sentaient libérés. Nous avons retrouvé beaucoup de fidèles et quelques nouveaux. Avec la pandémie, il y a un retour à la proximité. Voir un film au Dorat permettait de respecter les horaires du couvre-feu et la limitation kilométrique. D'autant que nous avons la même programmation qu'à Limoges ».
Grande nouveauté : « Le Cinéma » accueille les 3 et 4 juillet pour la première fois en Haute-Vienne, le Micro-Folie du Haut-Limousin. Ce musée numérique XXL s'articule autour d'une collaboration avec 12 établissements culturels nationaux fondateurs. Concrètement, les plus grands chefs-d'œuvre seront projetés sur l'écran, en visite libre ou en mode conférencier, muni d'une tablette et d'un casque de réalité virtuelle. Cette galerie virtuelle incite à la curiosité, s'adresse à tous les publics, et se décline en un véritable outil d'éducation artistique et culturelle en allant au plus près des habitants des territoires. Deux jours de démonstrations, de portes ouvertes, de rencontres et de surprises...
À Saint-Léonard-de-Noblat
Même sentiment et même vécu à Saint-Léonard-de-Noblat, pour Clément Boisier, le régisseur-projectionniste, responsable du Rex (10 000 entrées annuelles en moyenne) : « Nous avons un public de passionnés, un public familial avec des habitués qui prennent des carnets d'abonnement et qui étaient impatients de revenir pour voir des films mais également pour échanger après la séance ».
Pendant le deuxième confinement, des aménagements et des travaux de rénovation ont été réalisés dans la salle et des démarches pour se mettre en réseau avec d'autres cinémas ont été menées. Cet été, des séances en plein air sont prévues tout comme un festival pour les enfants.
« Être payé pour garder un cinéma fermé est un peu déprimant », déplore Clément Boisier, qui avance aussi un autre regret : « Le cinéma a été construit en 2019 mais a débuté ses activités en 2020. L'année dernière, nous n'avons pas pu fêter son centenaire. Nous attendons encore un peu pour organiser un grand événement. On joue la prudence pour ne pas tout annuler au dernier moment ».
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