Pierre Buonocore : "Il va falloir montrer patte blanche pour entrer en discothèque"
Bien connu dans le milieu de la nuit, Pierre Buonocore est le délégué régional de l'Association française des exploitants de discothèques et dancings (AFEDD). Entretien à quelques jours de la réouverture des boîtes de nuit, prévue le 9 juillet.
Dans quel état d'esprit se trouvent les professionnels de la nuit ?
Nous sommes déçus et franchement pas contents. Nous ne pouvons que constater qu'il existe des disparités suivant les secteurs d'activité. Les contraintes sanitaires imposées pour la réouverture le 9 juillet vont être techniquement difficiles à mettre à place. Il va falloir montrer patte blanche ! Outre une jauge à 75 % et le port du masque obligatoire pour le personnel, il faudra un pass sanitaire ou réaliser un test antigénique à l'entrée, d'où une attente de 20 minutes. La clientèle des discothèques est composée essentiellement des 18-35/40 ans, qui est la tranche la moins vaccinée avec à peine 7 %. Concrètement, les clients vont sortir d'un restaurant ou d'un bar et seront agglutinés sous un barnum avec un référent Covid en attendant de pouvoir rentrer ? C'est peine perdue. Aussi, nous souhaitons être sur un pied d'égalité avec les bars de nuit auxquels on n'impose pas autant d'obligations.
C'est-à-dire ?
Les pouvoirs publics disent que les discothèques sont potentiellement à risques car ce sont des lieux clos et parfois mal ventilés. Je veux bien l'entendre mais il en est de même pour les bars, les restaurants et les cabarets. Même les clubs échangistes ont déjà rouvert… où bien sûr sont appliqués les gestes barrière ! La promiscuité sexuelle ne va pas du tout à l'encontre de la transmission du virus… C'est de l'ironie évidemment ! Depuis 16 mois que nous sommes fermés, nous n'avons fait ni bruit, ni tapage contrairement à certaines professions.
Comment se portent les discothèques en Limousin ?
La France compte 1 600 discothèques. À l'échelon national, 20 % ont fermé. En Limousin, on ne sait pas ou plutôt pas encore… Mais clairement, ceux qui étaient bons avant la crise sanitaire, le resteront, et ceux qui étaient mauvais le resteront aussi.
Existe-t-il une différence de situation entre les discothèques en ville et celles situées en zone rurale ?
En zone rurale, le personnel ne travaille souvent que le week-end. Depuis la fermeture, beaucoup ont trouvé un autre emploi. En ville, le chômage partiel a permis de maintenir un salaire et de pérenniser les employés dans les établissements. En France, les discothèques représentent 30 000 emplois directs et un milliard d'euros de chiffre d'affaires annuel.
Selon vous, pourquoi le gouvernement a tant tardé à vous permettre de rouvrir ? Est-ce dû à l'image véhiculée par le monde de la nuit ?
Il faut qu'on arrête cet ostracisme envers nos professions. Le milieu mafieux qui tenait les boîtes de nuit, c'était il y a 40 ans. Aujourd'hui, les établissements sont gérés par de vrais chefs d'entreprise. Nous sommes une profession sérieuse.
Pensez-vous que les clients seront au rendez-vous et vont revenir fréquenter vos établissements ?
En un an et demi, les gens ont changé leurs habitudes. Au-delà de l'effet d'ouverture, vont-ils continuer à venir ? Ou vont-ils préférer les bars de nuit qui sont, pour nous, une forme de concurrence déloyale car nous n'avons pas les mêmes obligations. Aussi, nous demandons une vraie législation pour définir le statut juridique de chacun. Le Syndicat national des discothèques & lieux de loisirs (SNDLL) et l'Association française des exploitants de discothèque et dancing (AFEDD) sont en discussion avec le gouvernement, qui a compris la nécessité d'établir un processus de distinction.
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