Jean-Pierre Scheidhauer : "Nous pouvons innover, mais nous devons aussi proposer des recettes traditionnelles"
Président de l'association " Les Toques Blanches du Limousin ", Jean-Pierre Scheidhauer espère que la Semaine du goût relancera la fréquentation des restaurants, légèrement ralentie depuis l'instauration du pass sanitaire.
Comment s'est passé l'été dans vos restaurants ?
Durant cet été, nous avons constaté avec satisfaction que les clients retrouvaient le plaisir de partager un repas au restaurant, mais, dès l'entrée en vigueur du pass sanitaire, nous avons enregistré une baisse de fréquentation d'un peu plus de 15 %. Durant cette crise, la plupart des établissements de notre amicale ont pu préserver le lien avec la clientèle en proposant des plats à emporter, mais malheureusement, et en dépit des aides, l'un de nos membres a été contraint de mettre la clé sous la porte.
Qu'attendez-vous de la Semaine du goût ?
C'est une formidable opportunité pour faire découvrir le goût des bons produits. Durant la Semaine du goût, les chefs se rendent dans des écoles pour proposer des animations culinaires. L'enjeu est crucial pour la jeune génération qui est plutôt habituée à consommer des produits industriels, dont le goût est standardisé. J'ai pu constater que les goûts étaient moins bien reconnus par les élèves citadins, alors que ceux vivant à la campagne ont un palais plus affiné, surtout lorsque les parents cuisinent les légumes du jardin. Notre rôle sera donc de leur servir des plats originaux, dont le goût ne correspond pas à l'image qu'ils pouvaient s'en faire. Je propose souvent une purée de topinambours, car ils ne s'attendent pas à y retrouver la saveur de l'artichaut. Ces ateliers permettent aussi de leur montrer l'aspect des ingrédients entrant dans la composition des plats servis. J'essaie également d'éveiller leur sensibilité à l'acidité ou à l'amertume.
Avez-vous le sentiment que ces animations soient utiles ?
Oui. Elles permettent de confronter les cultures et de croiser les connaissances, car l'apprentissage du goût se forge souvent lors des repas de famille au cours desquels on retrouve les traditions culinaires d'autres régions ou d'autres pays. Il est parfois plus facile de faire découvrir des saveurs nouvelles à des enfants en présence de camarades de classe qui les connaissent déjà. Dans nos cuisines, nous cherchons aussi à surprendre nos clients avec des goûts inattendus. Dans notre région, la clientèle est très attachée au goût des produits, mais aussi à la qualité. Dans nos restaurants, nous pouvons innover, revisiter certains plats, mais nous devons aussi proposer des recettes traditionnelles autour du bœuf, du porc ou de l'agneau. Ces viandes sont même suffisamment goûteuses pour être servies nature, cuites à la plancha par exemple. La clientèle limousine apprécie également les abats, notamment les ris ou le foie de veau. Et cette fois, il n'y a pas de différence entre citadins et ruraux.
Quel sera le fil rouge de cette Semaine du goût ?
Comme nous respectons la saisonnalité des produits, nous allons surtout cuisiner des légumes racine ou le potimarron. Les fruits seront principalement des pommes, des poires ou du raisin. Aujourd'hui, sur les étals, on trouve des tomates, des fraises ou des cerises toute l'année, mais, en hiver, elles n'ont pas de goût. Il est donc primordial de respecter les saisons et d'expliquer aux enfants que certains fruits sont meilleurs en été, lorsqu'ils ont mûri naturellement au soleil. Il est d'autant plus important de bien respecter la saisonnalité des légumes, lorsqu'on veut inciter les jeunes à en manger, car ils sont excellents pour la santé. Dans les cantines scolaires, les chefs ont une lourde responsabilité, car pour éviter le gaspillage, il est souvent plus simple de proposer le traditionnel steak-frites et pourtant, inviter à manger des légumes fait aussi partie de l'éducation.
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