Poulidor : l'éternel second aux 189 victoires (supplément spécial Tour de France)
Raymond Poulidor est de ces sportifs connus de tous. Le Zidane du cyclisme diront certains. En Haute-Vienne comme en Auvergne, et d'autant plus pour ceux qui l'ont aimé et fréquenté, il demeure notre « Poupou ».
On pourrait vous « raconter » Raymond Poulidor comme une fiche Wikipédia. On pourrait copier les nombreuses biographies qui lui ont été dédiées. Alors de façon sommaire, pour ceux qui vraiment ne le connaîtraient pas, Poulidor était un cycliste professionnel de 1960 à 1977, né en Creuse et qui a vécu à Saint-Léonard-de-Noblat, devenue sa ville.
EN QUELQUES MOTS
Sur le Tour de France, Raymond Poulidor est qualifié d'« éternel second » (N.D.L.R. : le journaliste sportif Émile Besson est à l'origine du surnom « Poupou » en titrant « Vas-y Poupou ! » en juillet 1962 dans L'Écho du Centre, tout comme celui d'« éternel second », dans L'Humanité). Il a pris part à cette course entre 1962 et 1976, ne l'a jamais gagnée et n'a jamais porté le maillot jaune, mais il en détient le record de podiums (huit, dont trois deuxièmes places) et a remporté sept étapes. Il fait partie des rares coureurs ayant terminé au moins dix fois sur un podium final de grand tour.
Parmi ses 189 victoires figurent notamment quatre étapes du Tour d'Espagne qu'il remporte en 1964, deux titres sur Paris-Nice, des classiques comme Milan-San Remo et la Flèche wallonne, ou encore un maillot de champion de France sur route. Il est également monté à quatre reprises sur le podium des championnats du monde sur route.
Dans les années 2000-2010, il est directeur sportif du Tour du Limousin. En janvier 2003, il est promu au grade d'officier de la Légion d'honneur par le président de la République Jacques Chirac, après avoir été chevalier en 1973, distinction reçue des mains de Georges Pompidou, accompagné de... Jacques Chirac alors ministre de l'Agriculture.
En 2008, il accepte de devenir, après Henri Desgrange et Jacques Goddet, le troisième président d'honneur des Audax.
ANQUETIL
La rivalité entre Anquetil et Poulidor naît en 1961. Alors que le premier apparaît comme le seul grand coureur du cyclisme français en début d'année, Poulidor remporte Milan-San Remo, puis bat Anquetil lors de la course de côte du mont Faron. Le 18 juin, il endosse le maillot bleu-blanc-rouge de champion de France, sur le circuit de Rouen-les-Essarts, chez Jacques Anquetil.
Il faut toutefois attendre 1962 pour que les deux hommes soient opposés sur les routes du Tour de France, Poulidor refusant de disputer la course en tant qu'équipier d'Anquetil en 1961. En huit participations, Jacques Anquetil est quatre fois en présence de son rival, mais ce n'est qu'en 1964 qu'ils se livrent réellement à un duel pour la victoire, qui permettrait à l'un comme à l'autre de réaliser un doublé rare ; pour Poulidor, ce serait un premier succès dans cette course, et pour Anquetil un cinquième, record absolu. Le Tour de France apparaît comme l'épreuve pouvant déterminer le meilleur coureur du monde.
L'intensité du duel doit aussi au déroulement de la course. Les deux coureurs sont longtemps au coude-à-coude, quand vient l'étape du puy de Dôme, dernière occasion pour Poulidor (qui échoue à 14 secondes près) de dépasser Anquetil au classement général.
Une rivalité nourrie par l'opposition de style, décrite par le journaliste Antoine Blondin : « Il me semble que je dirais qu'Anquetil est un champion gothique, dont la rigueur s'élançait ; Poulidor un champion roman, dont le dépouillement se ramasse et se retient, sur le plan humain s'entend ».
À partir de 1974, Jacques Anquetil et Raymond Poulidor se réconcilient, au point de devenir de très bons amis. Quand Poupou prend sa retraite en 1977, les deux champions travaillent quelques mois pour la même firme, les cycles France-Loire.
Peu avant sa mort, Jacques Anquetil a avoué à Raymond Poulidor : « C'est bête, la vie. Nous avons perdu quinze ans d'amitié ». Conscient que le mal qui le ronge progresse inexorablement, il lui déclare : « Il te faudra encore te contenter de la deuxième place. Je vais partir le premier ». « Doté d'une grande sensibilité, Poulidor a été très marqué par le décès d'Anquetil », confirme un de ses amis.
SES AMIS
Ses amis et ses proches, justement, sont certainement ceux qui parlent le mieux de cette icône.
Ceux disparus comme Antoine Blondin, qui après s'être installé à Linards en 1969, rencontre un an plus tard pour la première fois Raymond Poulidor. Pourtant, le 21 juillet 1967, au lendemain de la 19e étape Bordeaux-Limoges, où Poulidor occupe alors la 11e place du classement général (il terminera finalement 9e d'une course remportée par Roger Pingeon), le journaliste évoque dans l'une de ses 524 chroniques du Tour de France à L'Équipe, intitulée « Haute-Vienne que pourra », la « poupoularité » du coureur, une expression qui fera date... Quant à la notoriété du Miaulétou d'adoption, Antoine Blondin disait avec justesse : « Il faut parfois s'accouder au balcon de l'épopée pour qu'elle renaisse ».
Au sein de l'association « Les amis de Raymond Poulidor & André Dufraisse », Claude Louis, le président, qui l'a rencontré la première fois sur... le Tour, se remémore : « Nous nous retrouvions souvent l'hiver pour jouer aux cartes avec Blondin. Avec des amis, nous avions monté une équipe de foot et il occupait le poste de gardien. Lors de sa dernière course pour Noël 1977, il m'a demandé de l'accompagner. Nous étions très amis et Raymond avait une grande fidélité en amitié ».
LA LÉGENDE
« Raymond Poulidor incarne les plus belles valeurs du sport et du cyclisme, de respect envers ses adversaires et les spectateurs. Il pouvait passer des heures entières à signer des dédicaces. Cette relation de proximité avec le public était réciproque », se rappelle Claude Louis, confiant une anecdote : « Nous nous retrouvons dans un restaurant à Limoges. Il me dit avoir mal au bras... Il avait passé une journée dans une grande surface parisienne et avait signé plus de 500 autographes, pulvérisant le record détenu par Charles Aznavour ».
Raymond Poulidor était un homme simple qui, toute sa vie, a tenu à demeurer celui qu'il était, au-delà de l'exceptionnel champion qu'il était. Et c'était peut-être ça, la magie Poulidor. « Il est resté le paysan de la ferme de La Grange-Rouge. Il préférait être avec des amis qu'assister à de grandes réceptions. La légende Poulidor représente ainsi la concrétisation des rêves de la jeunesse notamment dans les territoires ruraux, ouvrant tous les champs des possibles ».
Et le président des ARPAD de conclure : « Souvent pour les personnes illustres, la célébrité passe... pas pour Poulidor. Il y a les grands artistes et les stars. Raymond et Mathieu, son petit-fils, sont des stars. La légende continue... ».
(Photos mises à disposition par les ARPAD)
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