« Le Tour de France : 3 500 km de sourires »
Directeur du Tour de France, l'ancien journaliste sportif Christian Prudhomme a répondu à nos questions sur cette 110e édition, notamment sur son passage en Haute-Vienne et en Puy-de-Dôme.
Comment s'annonce ce Tour 2023 ?
Ce sera l'édition de la revanche ou le match retour après la victoire du Danois Jonas Vingegaard contre Tadej Pogačar, qui avait gagné les deux années précédentes. Mais ce dernier s'est cassé le poignet à la fin du mois d'avril sur Liège-Bastogne-Liège. Depuis il n'a plus couru et a seulement repris les entraînements sur route. Il demeure donc des interrogations : sera-t-il aussi bon que prévu au début du Tour ? Moins bon ou meilleur à la fin ?
Côté parcours, le départ s'effectuera de Bilbao en Pays basque en Espagne, pour la deuxième fois seulement de l'histoire du Tour de France. Les Basques adorent le vélo et sont très fiers d'accueillir le Tour. Depuis le départ de Saint-Sébastien en 1992, tous les ans, les trois entités que sont le Gouvernement basque, la ville de Bilbao et la province de Biscaye m'ont écrit pour que le Tour revienne.
Être aux pieds des Pyrénées nous permet d'aller chercher une sorte de « diagonale », en passant par les cinq massifs montagneux : les Pyrénées, le Massif central, le Jura, les Alpes et les Vosges avant Paris.
Quels sont les temps forts d'un point de vue sportif ?
L'entrée en matière sera très très alléchante car les côtes du Pays basque ne sont pas forcément très longues mais très raides. Ce départ est donc fait pour les puncheurs avec du dénivelé et on sera très rapidement, dès le 5e et 6e jour, dans les Pyrénées. Une remontée par Bordeaux puis un retour dans le Puy-de-Dôme pour terminer la première séquence avant la journée de repos. S'ensuivra une séquence très solide dans les Alpes, en particulier en Haute-Savoie, avec en miroir du retour du puy de Dôme, le col de la Llose, qui est le plus récent des grands cols du Tour de France avec des ruptures de pente absolument spectaculaires à plus de 2 000 mètres d'altitude. Dans cette volonté affirmée depuis plusieurs années d'aller chercher d'autres massifs que les Alpes et les Pyrénées pour d'autres difficultés, une avant-dernière étape dans les Vosges sera très dense et ramassée avec des cols rudes, qui peuvent permettre une vraie sélection et des retournements de situation au dernier moment.
Quelles sont les spécificités de l'épreuve Libourne-Limoges ?
Au lendemain de l'arrivée dans la capitale du sprint qu'est Bordeaux, que nous retrouvons après 13 ans d'absence, le final à Limoges se termine en montée donc plus incertain... Cela peut resserrer le nombre de sprinteurs capables de gagner. On se souvient que lors du dernier passage à Limoges, cela s'était joué à quelques millimètres entre Marcel Kittel, finalement vainqueur, et le français Bryan Coquard. Cela peut se reproduire... ou certaines équipes de sprinteurs peuvent se dire que leur sprinteur n'a aucune chance, laissant davantage de possibilités à une échappée. Il existe donc une vraie incertitude avec ces derniers kilomètres.
Et pour le départ de Saint-Léonard-de-Noblat le lendemain ?
Notre volonté depuis longtemps était de revenir dans le Puy-de-Dôme : ce sera la première arrivée depuis 35 ans. Il fallait que les planètes s'alignent avec toutes les collectivités comme le Département et la Région Auvergne-Rhône-Alpes, qui souhaitent vraiment nous accueillir cette année. Aussi, il n'y avait qu'un départ possible... Saint-Léonard-de-Noblat ! Le puy de Dôme est l'image de la rivalité Jacques Anquetil-Raymond Poulidor. Cette journée, pendant laquelle nous penserons beaucoup à Raymond, qui est celui qui m'a donné l'amour du Tour quand j'étais gamin, ne pouvait partir que de Saint-Léonard-de-Noblat.
Pourquoi Raymond Poulidor vous a « donné l'amour du Tour » ?
C'est le premier champion auquel je me suis attaché quand j'étais enfant. Je me souviens de ma mère et ma grand-mère, donc sa belle-mère, assises côte à côte sur le canapé, pour encourager toutes les deux Raymond Poulidor sur la télé en noir et blanc bien qu'elles ne s'entendaient pas parfaitement par ailleurs. Je me suis alors dit : ''C'est formidable le Tour de France : mamie et maman s'entendent « . C'est quelque chose que je n'ai jamais oublié. Au-delà d'une histoire de famille, le Tour de France est un événement fédérateur qui rapproche les gens. Outre la compétition, ce sont 3 500 km de sourires que ce soient des femmes, des hommes, des jeunes et moins jeunes, quel que soit le milieu social, des Français comme des étrangers... Tous ont le sourire. Le passage du Tour ne va pas changer leur vie mais c'est une parenthèse de bonheur et d'insouciance.
Quid des épreuves auvergnates sur quatre jours ?
Les 4 derniers kilomètres après la barrière de péage pour l'ascension du puy de Dôme ne sont pas accessibles au public. C'était la condition sine qua none, car nous n'avons pas du tout envie d'abîmer les flancs d'un volcan inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO avec la Chaîne des Puys - Faille de Limagne. Nous devons réussir les deux : rendre la montagne aux champions et respecter la Chaîne des puys.
Nous avons mis le puy de Dôme un dimanche, à la veille d'une journée de repos afin que les cadors du Tour, ceux qui visent la victoire au classement général, donnent tout ! Après une journée à Clermont-Ferrand, nous aurons certainement l'étape la plus esthétique de ce Tour, de Vulcania à Issoire, plutôt destinée aux baroudeurs. Toutes les équipes de reconnaissance qui sont allées sur place, étaient unanimes en me disant : qu'est-ce que c'est beau ! Puis, Clermont sera ville départ vers Moulins, qui est la seule préfecture de France à n'avoir jamais accueilli le Tour de France. Il fallait réparer non pas cette erreur, mais cette faute. Et c'est fait !
On annonce un été caniculaire. Des mesures spécifiques sont-elles prévues ?
Au-delà des équipes, les messages sont davantage à destination du public, qui doit prévoir de l'eau, se mettre à l'ombre, porter des » bobs « d'autant que nombre de bobs sont distribués par la Caravane du Tour.
Une rumeur affirme que des restrictions sanitaires liées au Covid seraient de retour sur le Tour. Est-ce vrai ?
En 2020, 2021 et 2022, des mesures sanitaires ont été prises avec l'aval du Gouvernement selon les règles de l'Union cycliste internationale. Pour 2023, nous nous sommes engagés à ce que tous ceux qui iront derrière le podium, notamment les journalistes, et qui seront en contact avec les coureurs, portent un masque. C'est une question de bon sens voire un élément de politesse. Les champions doivent être protégés.
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