« Toute notre musique occidentale, toute notre civilisation vient de l'Orient »
Le 22 juin à 20h, à l'Opéra de Limoges, André Manoukian et Dafné Kritharas se produiront lors d'un concert exceptionnel. L'Ange à la fenêtre d'Orient est une création originale pour piano, chant et 200 choristes, réalisée en collaboration avec le Choeur universitaire.
Comment a été créé L'Ange à la fenêtre d'Orient ?
Ce spectacle est né de ma rencontre avec la chanteuse grecque Dafné Kritharas. À la fin de mon précédent spectacle Anouch, elle chantait deux-trois chansons, mais j'étais un peu frustré. Elle a une voix si fantastique et si sublime ! Nous avons alors imaginé travailler ensemble sur une création.
Lors des séances de travail, jaillissaient spontanément des morceaux, des harmonies de mes doigts et la mélodie de son chant. Elle a une telle capacité à transmettre et à provoquer les émotions. En plus, c'est une musicienne exceptionnelle : toutes ses compositions sont belles spontanément. C'est rare ! Nous avons écrit ensemble un répertoire de sept nouvelles chansons.
Pourquoi un ange ?
L'Ange à la fenêtre d'Orient est le titre d'une bande dessinée de Corto Maltese, que j'adorais. L'ange, c'est la dimension spirituelle de la voix. Tous les chanteurs ont cette capacité de nous faire palper l'ineffable, l'invisible... Comme c'est une chorale, on aurait pu dire les anges, mais cela faisait un peu Les Anges de la téléréalité (Rires).
Toute notre musique occidentale, toute notre civilisation vient de l'Orient, au-delà même du répertoire grec et arménien. C'est la source de la musique, du chant grégorien.
Justement, l'Arménie est la terre de vos racines. À plusieurs reprises, vous avez dénoncé ce que s'y passe. Vous vous sentez particulièrement touché par ce que vit actuellement la population ?
Bien sûr. Avec ce spectacle, je participe à une forme d'éveil, avec un soft power, même si je suis plutôt guidé par le plaisir de créer. La musique de mes ancêtres, que j'ai découverte il y a une dizaine d'années, a été une nouvelle source d'inspiration sans fin, avec des nouveaux sons, des nouveaux rythmes qui se mariaient formidablement au jazz et à la musique classique. On retrouve de l'orientalisme chez Beethoven, Mozart, Chopin... Après l'avoir mangée comme un musicien gourmand, je me retrouve, dans un second temps, ambassadeur de cette culture. J'ai accepté avec joie et humilité ce rôle-là.
L'Ange à la fenêtre d'Orient s'inscrit dans un projet inter-universitaire sur le thème notamment de la paix. Or actuellement, quand on pense à l'Orient, ce n'est pas la première image qui nous vient à l'esprit...
Dans le spectacle, nous donnons une autre image de cet Orient compliqué, cet Orient à feu et à sang. Une image qui rassemble. Sur scène, je raconte à la fois la déportation de ma grand-mère, ce qu'elle a subi pendant le génocide des Arméniens, comment elle a été sauvée car elle a su émouvoir un commandant turc, et à la fois quand Beethoven et Mozart ont découvert les percussions par l'avant-garde ottomane. Il fut un temps où lors des mariages dans le Caucase, il y avait toujours des musiciens azéris et arméniens, des danseurs géorgiens. Tous ces pays qui se déchirent aujourd'hui étaient tous rassemblés. Mais il y a quelques jours à l'Eurovision, l'Azerbaïdjan a donné deux points à l'Arménie... Les nationalismes sont la peste, la guerre. Depuis Orphée chez les Grecs, la mission des musiciens est de métamorphoser le khaos, le désordre, en cosmos en ordre. Le musicien transforme les bruits de la nature en harmonie.
Réservations Box Office Limoges : 05.55.33.28.16. Tarifs : 35€ plein, 25€ réduit, 3€ pour les étudiants. + d'infos www.unilim.fr/culture
0 commentaires