RCF : Blues social et politique dans « So Jazz ! »
A l'orée du 1er tour des présidentielles françaises, un courageux (?) chanteur de « chez nous » a-t-il osé trousser quelques corrosifs couplets stigmatisant les propositions aracabrantesques de tel ou tel candidat, sa vulgarité, son arrogance, sa malhonnêteté (au moins intellectuelle !), son incompétence, sa roublardise, son carriérisme ?... Nenni. Depuis Boris Vian (« Le déserteur ») ou Renaud (« Hexagone »), on tance mais peu gaillardement, en « off ». Aux Etats-Unis, même s'ils risquaient gros, les folk-singers - Woody Guthrie, Bob Dylan, Pete Seeger, puis Neil Young - ne mâchaient pas leurs mots à l'endroit de leurs dirigeants. Victimes d'une obstinée ségrégation, des persécutions du sénateur républicain McCarthy et des exactions meurtrières du KKK, le Peuple Noir devait, plus encore, jouer d'habileté pour dire ses colères, sa misérable condition, recourant au « jive talk », un jouissif argot. Forgé dans l'oppression, l'asservissement et l'hégémonie culturelle, le negro-spiritual, le blues puis le jazz véhiculèrent cette rage contenue. En 1938, soit 70 ans avant que Barack Obama y accède, Big Bill Broonzy rêvait dans son « Just a Dream » d'un président noir à la Maison blanche. Un an plus tard, Billie Holiday osait « Strange Fruit », déchirante plainte dénonçant les lynchages des Noirs par les hordes barbares du KKK, écrite par un juif blanc new yorkais, Abel Meerepol, celui-là même qui recueillit les enfants d'Ethel et Julius Rosenberg condamnés à la chaise électrique pour espionnage au profit de l'URSS. En 1940, Big Bill Broonzy signait l'un des textes les plus expressifs, « Black, Brown and White », par lequel il dénonçait explicitement la ségrégation raciale. Écrite dans les années 40, vu son caractère subversif, il se résigna à attendre 1951 pour l'enregistrer lors d'une tournée en France (concerts à Limoges en 1953 et 1956), devancé dès 1940 par son compère Brownie McGhee, très proche des milieux progressistes blancs new yorkais. Dans l'épreuve, ils furent de ceux qui s'opposèrent au fascisme affiché ou rampant. Le blues comme une leçon d'Histoire et de courage.
« So Jazz ! », de Chris Dussuchaud, sur RCF : ce lundi 17 avril à 18 h 15, rediffusion dimanche 23 à 11 h 30 (99.6 à Limoges, 100.2 à St-Yrieix, 107.4 à Bellac, 105.8 à St-Junien, 95.8 à Guéret, 89.4 à Aurillac, 91.4 à Brive, 106.9 à Tulle et Egletons, 102 à Ussel, 89.3 à Argentat).
0 commentaires