Anthony Deslias, la moto à bras-le-corps
Après un accident qui lui a coûté les membres de son côté gauche, Anthony Deslias a souhaité remonter rapidement à moto, et repousser toujours plus loin les limites du handicap.
Le 4 juin 2017, Anthony Deslias se balade tranquillement à moto lorsqu'il est violemment percuté par un automobiliste. À 24 ans, miraculeusement en vie, il se retrouve amputé d'un bras et d'une jambe. Les médecins lui prédisent deux à trois ans de rééducation, mais Anthony n'aura besoin que de six mois. Et malgré ce qu'en pense le corps médical, " on m'a bien fait comprendre qu'avec seulement un bras et une jambe, la moto ça n'allait plus être possible ", le jeune homme garde l'espoir de renfourcher un jour un deux-roues.
Double handicap
" Je commençais à me résigner, je m'étais mis au buggy, au quad, pour plus de stabilité. Et un jour un ami m'a montré une vidéo du Championnat de handisport moto ". Anthony Deslias prend alors rapidement contact avec Stéphane Paulus, président de l'association Handi Free Riders, à l'origine de l'organisation du Championnat de France de moto handisport : " Il m'a dit que ça allait être très compliqué, que j'allais avoir toutes les commandes à la main droite et au pied droit ". Épaulé par Stéphane Paulus et Franck Nourry, " un dieu de la préparation moto ", Anthony bricole une bécane pour l'adapter à son handicap. Puis une seconde, moins lourde, plus récente, plus adaptée. Après de nombreux ajustements et de tours de circuit, le jeune pilote découvre la compétition. Et il apprend vite : " En 2019, pour ma première course au Championnat de France, je me classe troisième. L'année suivante, je fais également troisième au Championnat et je signe cinq podiums sur huit courses ".
Des résultats spectaculaires, surtout qu'Anthony est le seul concurrent à avoir un double handicap : " Un paraplégique a ses deux bras, un amputé bras a ses deux jambes ; moi j'ai une double amputation et je suis le seul dans ce cas ". Il est en effet " le pilote moto le plus handicapé d'Europe ", un titre symbolique qui souligne autant sa passion que son abnégation. Car en plus des nouveaux gestes du quotidien, le motard chevronné a dû réapprendre totalement à piloter : " Pour la vie de tous les jours ça a été une réadaptation complète. Et pour la moto ça a été un réapprentissage total du pilotage. Tu réapprends tout : freiner, accélérer, te positionner. Tu réapprends à tout faire en étant fixe sur la moto, tout gérer avec ce qu'il te reste, une main et un pied. " Cette année, en plus de l'handisport, il s'est lancé le défi de concourir parmi les valides dans le Championnat de Nouvelle-Aquitaine.
Sensibiliser
Aujourd'hui âgé de 29 ans, Anthony se rend régulièrement dans les collèges, lycées et autres structures du département pour parler sécurité routière, notamment de l'importance de " l'équipement " : " Lors de mon accident, j'avais tout. Casque, gants, blouson, bottes. Je n'aurais pas eu tout ça, je ne serais plus là pour en parler aujourd'hui. Les éléments de sécurité en moto, c'est notre carrosserie ". Également impliqué au côté de l'Établissement français du sang, le jeune homme travaille actuellement sur l'organisation d'une journée de sensibilisation au don, qui devrait se dérouler à Beaublanc le 14 mai prochain : " On m'a transfusé 12 litres de sang. Sans les réserves, je serais mort au bord de la route. " Et si le miraculé s'apprête à retrouver l'adrénaline des circuits, il ne se sent pas encore prêt à reprendre la route, sans au moins quatre roues : " On m'a proposé d'essayer une moto avec deux roues devant et une derrière… La première voiture que j'ai croisée, le premier rond-point… j'ai encore trop d'appréhension. "
Évidemment conscient du danger des pistes et des routes, il n'en déplore pas moins les préjugés : " Nous avons pour la première fois un champion du monde français en moto GP mais la moto reste un sport assez boudé. Les gens se disent les motards roulent vite, font des roues arrière… Quand il y a un accident, on pense volontiers que c'est le motard qui est en tort. Alors que moi, je roulais tranquillement et je me suis fait cartonner gratuitement par une voiture qui roulait vite ".
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